Chapitre 3

3024 Words
Chapitre 3 La Volvo que je louais à l’accoutumée se trouvait prise ce soir-là. Bien que les habitudes tuent, je tenais à cette voiture. Elle était gris pâle, passait inaperçue et son moteur hybride satisfaisait mes ambitions de pilote. Je convins avec le loueur qu’il la mettrait à ma disposition le lendemain matin. Dans cette ville, la majorité de la population louait une voiture selon ses besoins. Un autre avantage non négligeable d’avoir instauré ce système était d’ordre technique et pourquoi pas scientifique. La prolifération des empreintes digitales et des traces d’ADN laissées par tous les locataires à l’intérieur de l’habitacle était du pain béni. Ça avait le don d’agacer et de désorienter la police. J’entrepris de me rendre à mon studio d’armement, c’est ainsi que j’appelais ma réserve d’armes ; studio que je louais sous un faux nom. Je marchai sur la voie piétonne, parallèle au trottoir roulant, toujours avenue du Cap Vert. À l’angle de la 5e rue, je tournai à droite jusqu’au bloc K11. Cette tour ne comportait que trente-cinq étages et paraissait minuscule à côté de ses consœurs. Elle se faisait vieille et attendait un ravalement. À cause de son insalubrité, le loyer bas frisait l’indécence. Évidemment, fidèle à mes habitudes, j’avais pris un studio qui se trouvait à l’étage le plus élevé : au trente-cinquième. Je me demandais toujours ce que j’avais fait aux ascenseurs pour qu’ils m’en veuillent autant. Haut-le-cœur. Dans mon appartement sur le Fleuve, je craignais continuellement une descente de police et c’est pour cela que je n’y conservais que très peu d’armes. Ayant été un bon soldat dans l’armée régulière de la Monarchie Démocrate, et avec l’appui du juge Laupper, je possédais néanmoins un port d’arme universel de la première à la quatrième catégorie qui m’autorisait quelques fantaisies. La porte du studio refermée, j’enlevai mes lunettes de soleil et ouvris les rideaux, ensuite j’abaissai les stores et laissai un jour entre les lamelles. Mes merveilles m’attendaient. Tout un pan de mur était consacré aux pistolets et aux revolvers ainsi qu’à leurs accessoires : silencieux, lampes, lasers, crosses interchangeables, lunettes, holsters, et cetera. Cet armement était accroché sur des panneaux perforés en médium et retenu par des crochets. Le mur en face se couvrait de carabines, de fusils d’assaut et de ce qu’on peut appeler vulgairement des mitraillettes. Les lunettes, les réducteurs de bruit, les bipieds, un garde-main pour lance-grenades, des trousses de nettoyage, reposaient sur une étagère basse qui s’étalait sur toute la longueur du mur. Le troisième pan de mur, outre sa porte d’accès à la kitchenette et à la salle de bains avec chiottes comprises, s’enorgueillissait des caisses de munitions, caisses de grenades, et d’une succession d’explosifs divers et variés. Les détonateurs et matériels de mise à feu étaient rangés à part. L’ameublement du studio était réduit à sa plus simple expression : une table de marque Katona ainsi qu’une chaise en stratifié avec des pieds chromés trônaient au centre. Un matelas en mousse, recouvert d’un tissu imprimé de rayures, d’une largeur de quatre-vingts centimètres, s’étalait aux pieds de la table, muni de son sac de couchage. Il m’arrivait d’y rester des nuits, surpris par l’heure tardive, lorsque je nettoyais mes armes. Je me dirigeai vers les pistolets et saisis un Desert Eagle .357 Magnum, fabriqué par les Israéliens. Le cinéma en faisait parfois une arme de flics. Mais cette arme d’un poids impressionnant (près de deux kilos) était peu utilisée par les forces de police qui la trouvait trop lourde, trop encombrante. Je m’amusai à me le passer d’une paume à l’autre à toute vitesse en prenant bien soin de glisser l’index, gauche ou droit, sur la queue de détente. Avec la main gauche je fis un tourniquet et remis l’arme à sa place. Je devais avoir seize ans lorsqu’on m’a retrouvé gisant, en coma léger, sur un trottoir de Beckenra City, près du salon de coiffure « Chez Leonard ». Complètement amnésique, ne me souvenant de rien, sauf d’une jolie dame poussant un petit garçon sur une balançoire. On m’appela Leonard. Bien blanc sous tous les bords, aucune marque religieuse, parlant couramment notre langue, je devins un fils adoptif du Roi. Je précise que c’est comme ça que l’on appelle tous les pupilles de notre Démocratie Royale. Les photos dans la presse, les avis de recherche restèrent sans résultats. La scolarité étant obligatoire jusqu’à dix-huit ans, on m’interna dans une pension où je poursuivis mes études. Poursuivre est un grand mot, car j’ignorais ce que j’avais commencé. Je savais lire, écrire et compter. Les professeurs furent surpris de ma propension à avaler l’algèbre et la géométrie (c’est peut-être pour ça que je suis naturellement doué pour corriger la balistique du projectile). À dix-huit ans (à peu près), le jour de la fête Royale, le 8 septembre (qui devint la date officielle de ma naissance), je pris mon envol en m’engageant dans l’armée de Sa Majesté, et je restai quinze années dans les Forces Spéciales. Ce qui me vaut aujourd’hui de bénéficier d’une moitié de retraite de capitaine et de toutes les protections sociales. Cet engagement m’emmena jusqu’à l’âge de trente-trois ans, puis je décidai de parcourir le monde en devenant mercenaire. J’avais acquis tellement de connaissances dans les Forces Spéciales que ça aurait été un gâchis de ne pas les utiliser. Je ne défendais aucune cause précise si ce n’est celle de l’argent. Autrement dit je me vendais au plus offrant (c’est comme ça que je me retrouvai dans l’armée de Saddam). Quatre ans de mercenariat me suffirent – un bon mercenaire meurt au bout de cinq ans : au-delà, je les suspecte de vivre planqués – et depuis deux ans je travaille pour le juge Laupper. Chasseur de primes s’il faut ramener vivant, tueur à gages s’il faut tuer, je n’ai aucun sentiment de culpabilité, ni de remords, à exécuter mes missions. Je n’éprouve aucune haine pour le gibier, je fais mon boulot, c’est tout. Mais là, Luth Miller, la bourgmestre ; je dois avouer que je me posais des questions et dans ce métier ce n’est pas bien du tout, mais alors vraiment pas bien. Il était 20 h 30 quand je redescendis de mon studio. La nuit s’était abattue sur la ville à une vitesse foudroyante. J’hésitai, puis décidai de remonter tranquillement la 6e rue jusqu’à l’avenue du Cap de Bonne Espérance ; destination le bloc P12. Très peu de voitures circulaient à cette heure-là ; seuls les tramways couinaient sur leurs rails en acier. Les Beckenraniens moyens ne traînaient pas le soir. Peur du Fleuve, de l’océan, des marécages et des b****s issues des Logements Sociaux Localisés. Au bloc P12 s’érigeait un building refait à neuf, avec des glaces teintées sur toutes les façades. En fait tout s’érigeait dans ce bloc, surtout dans les huit premiers étages pour la bonne raison qu’il s’agissait d’un des meilleurs Éros Center de la ville. Love me tender, tel était le nom de ce bordel qui squattait donc huit niveaux et le rez-de-chaussée. Comme son nom l’indiquait, le client était accueilli par la voix langoureuse et sirupeuse d’Elvis Presley période Las Vegas. L’hôtesse connaissait mes choix et me proposa une jeune Eurasienne nouvellement arrivée. Elle étalait sa chair et ses dix-huit ans de pauvre fille au dernier niveau de l’Éros : au huitième étage, forcément. Vu son accent, je supposai fortement qu’elle ne venait pas d’un pays étranger mais sortait sans doute tout droit des marécages où baignaient ces putains de LSL. Je fis mon affaire sans fioritures et sans aucune exigence particulière. À la fin, j’eus envie de lui déposer un b****r sur le front et me ravisai. Je m’habillai et descendis payer l’hôtesse. Elle me demanda si j’étais satisfait, je murmurai que oui. Soudain, une des vitres de la porte tourniquet vola en éclat. Une clameur et des cris de joie se firent entendre dans la rue. Quelques projectiles, comme des pavés, des petites bornes de trottoir en acier atteignirent les autres vitres. Par réflexe, je plongeai derrière un sofa dans le vaste hall d’accueil et attendis la main à l’arrière de ma ceinture posée sur la crosse de l’Heckler & Koch. Les cris dans la rue s’éloignèrent et le silence se fit. Je me relevai et sans dire un mot, je quittai l’établissement. Des klaxons trois tons et des sirènes hurlantes se pointaient. Dans l’avenue du Cap de Bonne Espérance, perpendiculaire au Fleuve comme toutes les avenues de cette ville, je scrutai vers l’est, vers les marécages qui se situaient au bout de toutes les avenues que ce soit celles de la rive gauche (où j’étais) ou celles de la rive droite. Une dizaine d’individus grimpèrent dans un tramway deux rues plus loin… le cul du tram s’éloigna. Je pris le suivant. L’avenue du Cap de Bonne Espérance flirtait elle aussi avec les trente kilomètres en ligne droite et s’arrêtait brusquement devant les barres de LSL qui faisaient barrage entre la ville propre et les marais. À chaque carrefour les rues perpendiculaires défilaient inexorablement (il y en avait soixante de chaque côté du Fleuve). Toutes ces rues commençaient en front d’océan et s’enfonçaient vers le nord, vers les montagnes, aucune d’entre elles n’était achevée. Elles attendaient de nouveaux blocs pour se prolonger encore et encore. Après le croisement de la 50e rue, je vis la dizaine d’individus qui déambulaient sur le trottoir en chahutant et se bousculant (trottoir bitumé ; les trottoirs roulants s’arrêtent à la 20e rue. Je descendis du tramway deux blocs plus loin et rentrai dans le seul bar qui me semblait ouvert dans le coin. Je commandai un Red Bull et allai m’asseoir sur une triste banquette en skaï marron. Un jeune homme et une jeune fille, perchés sur des tabourets, pianotaient sur des claviers d’ordinateur. Je regardai l’écriteau au-dessus de leurs têtes qui annonçait la première demi-heure de connexion gratuite. Je me fis la réflexion que beaucoup devaient s’arrêter à vingt-neuf minutes. Avec le patron qui me regardait d’un œil torve, nous étions quatre personnes dans le bar. Les cris s’amplifièrent à l’extérieur et le groupe d’individus pénétra dans l’établissement (comme je l’avais espéré) en s’apostrophant, s’invectivant, et se crachant dessus. Les deux jeunes aux ordinateurs arrêtèrent de tapoter et descendirent de leurs tabourets. Ils cherchaient à s’esquiver le plus discrètement possible. Je comptai les types de la b***e : ils étaient onze. Trois Noirs, trois bronzés, sans doute des Arabes, et cinq Blancs. Pas de Latinos ni de Jaunes. Ces deux dernières communautés avaient leurs propres b****s et ne se mélangeaient pas avec les premiers en infériorité numérique à Beckenra City ; sauf les Blancs évidemment. Les Blancs qui vivaient dans les LSL étaient les damnés de la terre : les rebuts d’un Royaume qu’ils ne comprenaient pas. Tous les cinq ans environ, des émeutes émergeaient des marécages mais étaient aussitôt réprimées dans un bain de sang : le plus rouge possible afin que l’eau croupissante des marais se colore de pourpre ; comme la cape royale. Ils étaient âgés de quinze à vingt-cinq ans, ne travaillaient pas, ne travailleraient jamais, drogués jusqu’à la moelle, alcooliques pur jus et mourraient vraisemblablement tous avant quarante ans. Et si je venais des marécages ? Non. Impossible. — Eh les mecs ! Regardez la belle petite s****e qui cherche à se barrer, gueula un Blanc en gilet de cuir sans manches boutonné sur le devant. Ses bras étaient couverts de tatouages et de croûtes dues aux piquouzes à répétition. — Écarte les cuisses, ma belle. Tu vas nous montrer ta chatte. T’as pas de culotte, hein ? reprit Gilet de cuir. L’attroupement se fit autour de la jeune femme. Des mains remontaient sa jupe, d’autres lui pelotaient les seins. Elle se débattait en criant, des larmes coulaient sur ses joues. Le jeune homme tenta de s’interposer, il reçut un coup de poing américain qui lui éclata le nez et lui fendit la mâchoire supérieure. Il hurla de douleur et s’écroula sur le carrelage. Je vis que le patron se saisissait d’un téléphone, deux types lui sautèrent dessus et le rouèrent de coups. Jusqu’à présent la b***e m’avait ignoré. Je me levai et leur demandai d’arrêter. Les visages se détournèrent vers moi. — Qu’est-ce tu veux, toi ? Tronche de bourgeois. Tu veux qu’on t’e****e ? Tout ça sortait de la bouche de Gilet de cuir. — Le premier qui m’enculera n’est pas encore né, dis-je, pour rester dans le même ton de conversation. Un éclat de rire général ponctua ma déclaration. Ils avaient lâché la fille. — Sortez mademoiselle, fis-je, emmenez votre compagnon et rentrez chez vous. J’ignorais complètement où ils créchaient. Elle l’aida à se relever et tenta de regagner la sortie. — Pas si vite, les amoureux, gueula Gilet de cuir. On a pas fini, c’est pas l’autre trou du cul de bourgeois qui va nous casser les couilles. Je réfléchis en essayant de me positionner entre le jeune couple et le groupe d’hallucinés. Il y a encore quelques années, les b****s ne franchissaient jamais la 50e rue, ou alors très discrètement, c’était une frontière invisible et respectée. Là, nous y étions, et c’était plus qu’ostentatoire, on frisait l’exhibitionnisme et le Grand Guignol. Même plus peur des flics les mômes. Pire ; ils venaient de faire une descente jusqu’à la 6e rue et de vandaliser un boxon. Bientôt, ils arriveraient à la 1re rue, à la pénétrante Freud, au Fleuve… Mais là-bas, j’ai mon Barrett M82A1 et du quarante-huitième étage… j’imagine leurs têtes de pastèque exploser sous les balles. À pas lents, je m’interposai un peu plus entre les deux jeunes et les dégénérés qui, me voyant avancer vers eux, s’étonnèrent de ne pas me voir filer à toute vitesse comme n’importe qui d’autre l’aurait fait. Ils commencèrent à se regarder tout en continuant à vociférer dans un langage LSL que je ne comprenais qu’à moitié. Le patron écroulé sur son bar râlait et pissait le sang par le nez. Bien en face du groupe, je reculai tranquillement vers la sortie en faisant moult signes avec ma main dans le dos aux deux internautes pour qu’ils décarrent. Ce qu’ils firent. La jeune fille soutenait son compagnon dont le liquide visqueux du visage ensanglanté dégoulinait sur un polo logoté d’une virgule. Je disais précédemment que je réfléchissais en me positionnant devant eux. Ils sont analphabètes, alcooliques, drogués, violents, mais pas complètement cons. Vient-on des marécages jusqu’à la 6e rue avec des armes à feu ?… Au risque de se faire gauler par les flics ? Et dans notre pays, une arme dans la poche d’un de ces individus, c’est le trou pour de longues années. Je me mis à penser qu’ils n’étaient pas armés, hormis des lames et gadgets divers comme un coup-de-poing américain. Ils disposaient néanmoins d’assez de moyens pour me réduire en bouillie ou en chair à saucisse. Je ne tenais ni à l’un ni à l’autre. Je continuai à reculer doucement vers la sortie sous les insultes. Mon cul en prenait pour un sacré grade, c’en était déprimant. Gilet de cuir s’avança, il avait des tatouages impressionnants, certes, mais dessous, des bras assez maigrelets. Des bras de vieil alcoolo et de drogué. Un vieillard de vingt-cinq ans qui assurément était le chef de cette b***e de parias nauséabonds. — Qui t’es, toi ? me crachouilla-t-il au visage. Il puait la bière rance. — Je suis rien, je m’en vais, répondis-je. Je me mentais à moi-même, je savais pertinemment que si j’avais pris le tramway, c’était pour me faire de la vermine. D’une manière ou d’une autre, j’ignorais encore laquelle. Ils allaient me la procurer. Celui qui semblait le plus jeune des Noirs porta la main à une poche de son pantalon de treillis, plaquée sur la cuisse, et en sortit une lame. Son geste s’arrêta là, il me regarda ahuri et tomba à genoux en hurlant. Il y avait quelques minutes déjà que j’avais enlevé le cran de sûreté de mon Heckler et garni la culasse ; avant que le jeunot ne tire son poignard, je lui avais balancé une balle dans le genou. Je reculai d’un pas et à deux mains, à la hauteur de mon visage, mis la b***e en joue en leur ordonnant de se coucher. Gilet de cuir ricana en m’insultant. Une balle de calibre 9 mm lui traversa la plante du pied et lui explosa le scaphoïde tarsien. Il se mit à danser sur l’autre jambe, je lui assénai un coup de savate dans la cuisse et il alla s’étaler sur ceux qui étaient déjà couchés. — Bon Dieu, mais t’es qui, toi ? redemanda un Blanc d’une vingtaine d’années en tee-shirt gris qui arborait une magnifique gueule de caïman noir. — Fais chier ce connard, fit une voix sous l’amoncellement des allongés. — C’est un p****n de flic ! On va te déchirer, mec. On va te déjanter les gencives, tu boufferas ta merde dans un biberon jusqu’à la fin de ta vie. — Y s’ra mort avant, menaça un autre. C’est difficile de mourir avant la fin de sa vie, mais bon. Je ne relevai pas. Tout en les tenant sous mon feu, je demandai à un des Arabes de relever le patron, encore allongé sur son bar, et de l’asseoir sur une chaise. Ce dernier me fixait toujours avec ses yeux torves, mais cette fois-ci il avait du mal et devait faire des efforts surhumains pour me regarder entre les fentes de ses paupières boursouflées et sanguinolentes. Le jeune Arabe devait avoir dans les vingt-cinq ans. Il me murmura doucement en se dirigeant vers le bar « Espèce de con, je suis flic ! ». Cela me laissa pantois. Un infiltré. La balle que je lui tirai alors dans la nuque lui décalotta le crâne. Le juge Laupper m’en avait parlé, c’était la mode d’infiltrer les b****s. Mais ce connard de flic allait laisser une fille se faire v****r et peut-être massacrer après la tournante. En tout cas, il n’aurait pas à m’identifier une fois de retour à son unité de travail. La cervelle rosâtre s’étala sur le carrelage. Le problème était réglé. Des voix geignardes parvinrent du sol. « Eh mec, nous tue pas… On voulait juste s’amuser. Elle risquait rien la demoiselle. » Bande de demeurés, pensai-je. Cette horde de cloportes s’en tirait à bon compte, j’avais juste tué un flic qui voulait les faire plonger. Beau travail. Ça sentait la cortine à plein dans le bistrot, les glandes surrénales de ces tordus devaient tourner à maxi régime. — Tu vas nous tuer ? redemanda Gilet de cuir, la basket ensanglantée et grimaçant de douleur. — Oui, dis-je. — Nooon, hurla l’un des voyous. — OK, dis-je. Alors demain. Ça vous va demain ? Il y en a un qui répondit : — Oui ! C’est dire l’inconséquence régnant dans ces cerveaux malades. J’ordonnai : — Restez au-delà de la 50e rue, d’accord ? Deux ou trois autres oui se firent entendre. — Voulez-vous que je revienne demain pour vérifier ? Silence de cathédrale. — Oui ou non ? insistai-je. — Qu’est-ce qu’on doit répondre ? s’enquit Gilet de cuir. — Oui ou non ? — Qu’est-ce qui vous ferait plaisir ? J’entendis les sirènes de police. Je ramassai sur la table près de la vilaine banquette de skaï la canette de Red Bull et mon verre, mis l’ensemble dans la poche droite de ma veste. De l’autre poche, je sortis une fine cagoule de soie noire, l’enfilai et pris mon élan. Je bondis hors du bar et me mis à courir comme un dératé dans la 52e rue, direction l’océan. J’espérais de tout cœur que les caméras vidéo ne marchent pas, ça arrivait souvent quand on se rapprochait des LSL et des marécages, dans le cas contraire la cagoule était importante. Je n’étais plus dans le comté du juge Laupper, il ne pourrait rien pour moi, sauf s’il était ami avec le juge du coin. J’avais quand même tué un flic. Comme l’océan était à trois kilomètres environ, je m’arrêtai essoufflé et décidai de reprendre les avenues perpendiculaires, six blocs plus loin, soit à environ mille cinq cents mètres du bistrot. J’attendis un tramway, avenue du Cap de Boujdour. Il m’emmena près du Fleuve à deux blocs de chez moi.
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