CHAPITRE IV - L’île du ravageur

2784 Words
CHAPITRE IV L’île du ravageur Les scènes suivantes vont se passer pendant la soirée du jour où madame Séraphin, suivant les ordres du notaire Jacques Ferrand, s’est rendue chez les Martial, pirates d’eau douce, établis à la pointe d’une petite île de la Seine, non loin du pont d’Asnières. Le père Martial, mort sur l’échafaud comme son père, avait laissé une veuve, quatre fils et deux filles… Le second de ces fils était déjà condamné aux galères à perpétuité… De cette nombreuse famille il restait donc à l’île du Ravageur (nom que dans le pays on donnait à ce repaire, nous dirons pourquoi), il restait, disons-nous : La mère Martial, Trois fils : l’aîné (l’amant de la Louve) avait vingt-cinq ans, l’autre vingt ans, le plus jeune douze. Deux filles : l’une de dix-huit ans, la seconde de neuf ans. Les exemples de ces familles, où se perpétue une sorte d’épouvantable hérédité dans le crime, ne sont que trop fréquents. Cela doit être. Répétons-le sans cesse : la société songe à punir, jamais à prévenir le mal. Un criminel Sera jeté au bagne pour sa vie… Un autre sera décapité… Ces condamnés laisseront de jeunes enfants… La société prendra-t-elle souci de ces orphelins ?… De ces orphelins, qu’elle a faits… en frappant leur père de mort civile, ou en lui coupant la tête ? Viendra-t-elle substituer une tutelle salutaire préservatrice à la déchéance de celui que la loi a déclaré indigne, infâme… à la déchéance de celui que la loi a tué ? Non… – Morte la bête… mort le venin… – dit la société… Elle se trompe. Le venin de la corruption : est si subtil, si corrosif, si contagieux, qu’il devient presque toujours héréditaire ; mais, combattu à-temps, il ne serait jamais incurable. Contradiction bizarre !… L’autopsie prouve-t-elle, qu’un homme est mort d’une maladie transmissible : à force de soins préservatifs, oh mettra les descendants de cet homme à l’abri de l’affection dont il a été victime… Que les mêmes faits se reproduisent dans l’ordre moral… Qu’il soit démontré qu’un criminel lègue presque toujours à son fils le germe d’une perversité précoce… Fera-t-on pour le salut de cette jeune âme ce que le médecin fait pour le corps lorsqu’il s’agit de lutter contre un vice héréditaire ? Non… Au lieu : de guérir ce malheureux, on le laissera se gangrener jusqu’à la mort… Et alors, de même que le peuple croit le fils du bourreau forcément bourreau… on croira le fils d’un criminel forcément : criminel… Et alors on regardera comme le fait d’une hérédité inexorablement fatale, une corruption causée par l’égoïste incurie de la société… De sorte que, si, malgré de funestes enseignements, l’orphelin que la loi a fait… reste par hasard laborieux et honnête, un préjugé barbare fera rejaillir sur lui la flétrissure paternelle. En butte à une réprobation imméritée, à peine trouvera-t-il du travail… Et au lieu de lui venir en aide, de le sauver du découragement, du désespoir, et surtout des dangereux ressentiments de l’injustice, qui poussent quelquefois les caractères les plus généreux à la révolte, au mal… la société dira : – Qu’il tourne à mal… nous verrons bien… N’ai-je pas là geôliers, garde-chiourmes et bourreaux ? Ainsi, pour celui qui (chose aussi rare que belle) se conserve pur malgré de détestables exemples, aucun appui, aucun encouragement. Ainsi, pour celui qui, plongé en naissant dans un foyer de dépravation domestique, est vicié tout jeune encore, aucun espoir de guérison. – « Si ! si ! ! moi, je le guérirai, cet orphelin que j’ai fait – répond la société – mais en temps et lieu… mais à ma mode… mais plus tard… Pour extirper la verrue, pour inciser l’apostème… il faut qu’ils soient à point… Un criminel demande à être attendu… Prisons et galères, voilà mes hôpitaux… Dans les cas incurables, j’ai le couperet… Quant à la cure de mon orphelin, j’y songerai, vous dis-je ; mais patience, laissons mûrir le germe de corruption héréditaire qui couve en lui, laissons-le grandir : laissons-le étendre profondément ses ravages… Patience, donc… patience… Lorsque notre homme sera pourri jusqu’au cœur, lorsqu’il suintera le crime par tous les pores, lorsqu’un bon vol ou un bon meurtre l’auront jeté sur le banc d’infamie où s’est assis son père, oh ! alors nous guérirons l’héritier du mal… comme nous avons guéri le donateur… Au bagne ou sur l’échafaud, le fils trouvera la place paternelle encore toute chaude… » Oui dans ce cas, la société raisonne ainsi… Et elle s’étonne, et elle s’indigne, et elle s’épouvante de voir des traditions de vol et de meurtre fatalement perpétuées de génération en génération… Le sombre tableau qui va suivre : les Pirates d’eau douce, a pour but de montrer ce que peut être, dans une famille, l’hérédité du mal, lorsque la société ne vient pas, soit légalement, soit officieusement, préserver les malheureux orphelins de la loi des terribles conséquences de l’arrêt fulminé contre leur père… Le chef de la famille Martial, qui le premier s’établit dans cette petite île moyennant un loyer modique, était ravageur. Les ravageurs, ainsi que les débardeurs et les déchireurs de bateaux, restent pendant toute la journée plongés dans l’eau jusqu’à la ceinture pour exercer leur métier. Les débardeurs débarquent le bois flotté. Les déchireurs démolissent les trains qui ont amené le bois. Tout aussi aquatique que les industries précédentes, l’industrie des ravageurs a un but différent. S’avançant dans l’eau aussi loin qu’il peut aller, le ravageur puise, à l’aide d’une longue drague, le sable de rivière sous la vase ; puis, le recueillant dans de grandes sébiles de bois, il le lave comme un minerai ou comme un gravier aurifère, et en retire ainsi une grande quantité de parcelles métalliques de toutes sortes, fer, cuivre, fonte, plomb, étain, provenant des débris d’une foule d’ustensiles. Souvent même les ravageurs trouvent dans le sable des fragments de bijoux d’or ou d’argent apportés dans la Seine, soit par les égouts où se dégorgent les ruisseaux, soit par les masses de neige ou de glaces ramassées dans les rues, et que l’hiver on jette à la rivière. Nous ne savons en vertu de quelle tradition ou de quel usage ces industriels, généralement honnêtes, paisibles et laborieux, sont si formidablement baptisés. Le père Martial, premier habitant de l’île jusqu’alors inoccupée, étant ravageur (fâcheuse exception), les riverains du fleuve la nommèrent l’île du Ravageur. L’habitation des pirates d’eau douce est donc située à la partie méridionale de cette terre. Dans le jour on peut lire sur un écriteau qui se balance au-dessus de la porte : AU RENDEZ-VOUS DES RAVAGEURS. BON VIN, BONNE MATELOTE ET FRITURE. On loue des bachots (bateaux) pour la promenade. On le voit, à ses métiers patents ou occultes, le chef de cette famille maudite avait joint ceux de cabaretier, de pêcheur et de loueur de bateaux. La veuve de ce supplicié continuait de tenir la maison : des gens sans aveu, des vagabonds en rupture de ban, des montreurs d’animaux, des charlatans nomades, venaient y passer le dimanche et autres jours non fériés, en partie de plaisir. Martial (l’amant de la Louve), fils aîné de la famille, le moins coupable de tous, pêchait en fraude, et au besoin prenait en véritable bravo, et moyennant salaire, le parti des faibles contre les forts. Un de ses autres frères, Nicolas, le futur complice de Barbillon pour le meurtre de la courtière, en diamants, était en apparence ravageur, mais de fait il se livrait à la piraterie d’eau douce sur la Seine et sur ses rives. Enfin François, le plus jeune des fils du supplicié, conduisait les curieux qui voulaient se promener en bateau. Nous parlerons pour mémoire d’Ambroise Martial, condamné aux galères pour vol de nuit avec effraction et tentative de meurtre. La fille aînée, surnommée Calebasse, aidait sa mère à faire la cuisine et à servir les hôtes ; sa sœur Amandine âgée de neuf ans, s’occupait aussi des soins du ménage selon ses forces. Ce soir-là, au-dehors la nuit est sombre ; de lourds nuages gris et opaques, chassés par le vent, laissent voir çà et là, à travers leurs déchirures bizarres, quelque peu de sombre azur scintillant d’étoiles. La silhouette de l’île, bordée de hauts peupliers dépouillés, se dessine vigoureusement en noir sur l’obscurité diaphane du ciel et sur la transparence blanchâtre de la rivière. La maison, à pignons irréguliers, est complètement ensevelie dans l’ombre ; deux fenêtres du rez-de-chaussée sont seulement éclairées, leurs vitrés flamboient ; ces lueurs rouges se reflètent comme de longues traînées de feu dans les petites vagues qui baignent le débarcadère, situé proche de l’habitation. Les chaînes des bateaux qui y sont amarrés font entendre un cliquetis sinistre ; il se mêle tristement aux rafales de la bise dans les branches des peupliers, et au sourd mugissement des grandes eaux… » Une partie de la famille est rassemblée dans la cuisine de la maison. Cette pièce est vaste et basse ; en face de la porte sont deux fenêtres, au-dessous desquelles s’étend un long fourneau ; à gauche, une haute cheminée ; à droite, un escalier qui monte à l’étage supérieur ; à côté de cet escalier, l’entrée d’une grande salle, garnie de plusieurs tables destinées aux habitués du cabaret. La lumière d’une lampe jointe, aux flammes du foyer, fait reluire un grand nombre de casseroles et autres ustensiles de cuivre pendus le long des murailles ou rangés sur des tablettes avec différentes poteries ; une grande table occupe le milieu de cette cuisine. La veuve du supplicié, entourée de trois de ses enfants, est assise au coin du foyer. Cette femme, grande et maigre, paraît avoir quarante-cinq ans. Elle est vêtue de noir ; un mouchoir de deuil noué en marmotte, cachant ses cheveux, entoure son front plat, blême, déjà sillonné de rides ; son nez est long et droit ; ses pommettes saillantes, ses joues creuses ; son teint bilieux, blafard ; les coins de sa bouche, toujours abaissés, rendent plus dure encore l’expression de ce visage froid, sinistre, impassible comme un masque de marbre. Ses sourcils gris surmontent ses yeux d’un bleu terne. La veuve du supplicié s’occupe d’un travail de couture, ainsi que ses deux filles. L’aînée, sèche et grande, ressemble beaucoup à sa mère… C’est sa physionomie calme, dure et méchante, son nez mince, sa bouche sévère, son regard pâle. Seulement son teint terreux, jaune comme un coing, lui a valu le surnom de Calebasse. Elle ne porte pas le deuil : sa robe est brune, son bonnet de tulle noir laisse apercevoir deux bandeaux de cheveux rares, d’un blond fade et sans reflet. François, le plus jeune des fils Martial, accroupi sur un escabeau, remmaille un aldret, filet de pêche destructeur, sévèrement interdit sur la Seine. Malgré le hâle qui le brunit, le teint de cet enfant est florissant ; une forêt de cheveux roux couvre sa tête ; ses traits sont arrondis, ses lèvres grosses, son front saillant, ses yeux vifs, perçants : il ne ressemble ni à sa mère ni à sa sœur aînée ; il a l’air sournois, craintif ; de temps à autre, à travers l’espèce de crinière qui retombe sur son front, il jette obliquement sur sa mère un coup d’œil défiant, ou échange avec sa petite sœur Amandine un regard d’intelligence et d’affection… Celle-ci, assise à côté de son frère, s’occupe, non pas à marquer, mais à démarquer du linge volé la veille. Elle a neuf ans ; elle ressemble autant à son frère que sa sœur, ressemble à sa mère ; ses traits, sans être plus réguliers, sont moins grossiers que ceux de François. Quoique couvert de taches de rousseur, son teint est d’une fraîcheur éclatante ; ses lèvres sont épaisses, mais vermeilles ; ses cheveux, roux, mais fins, soyeux, brillants ; ses yeux, petits, mais d’un bleu pur et doux. Lorsque le regard d’Amandine rencontre celui de son frère, elle lui montra la porte ; à ce signe, François répond par un soupir ; puis, appelant l’attention de sa sœur par un geste rapide, il compte distinctement du bout de son filoir dix mailles de filet… Cela veut dire, dans le langage symbolique des enfants, que leur frère Martial ne doit rentrer qu’à dix heures. En voyant ces deux femmes silencieuses à l’air méchant, et ces deux pauvres petits inquiets, muets, craintifs, on devine là deux bourreaux et deux victimes. Calebasse, s’apercevant qu’Amandine cessait un moment de travailler, lui dit d’une voix dure : – Auras-tu bientôt fini de démarquer cette chemise ?… L’enfant baissa la tête sans répondre ; à l’aide de ses doigts et de ses ciseaux, elle acheva, d’enlever à la hâte les fils de coton rouge qui dessinaient des lettres sur la toile. Au bout de quelques instants, Amandine, s’adressant timidement à la veuve, lui présenta son ouvrage : – Ma mère, j’ai fini – lui dit-elle. Sans lui répondre, la veuve lui jeta une autre pièce de linge. L’enfant ne put la recevoir à temps et la laissa tomber. Sa grande sœur lui donna de sa main dure comme du bois un coup vigoureux sur le bras en s’écriant : – Petite bête ! ! ! Amandine regagna sa place et se mit activement à l’œuvre, après avoir échangé avec son frère un regard où roulait une larme. Le même silence continua de régner dans la cuisine. Au-dehors le vent gémissait toujours et agitait l’enseigne du cabaret. Ce triste grincement et le sourd bouillonnement d’une marmite placée devant le feu étaient les seuls bruits qu’on entendît. Les deux enfants observaient avec une secrète frayeur que leur mère ne parlait pas. Quoiqu’elle fût habituellement silencieuse, ce mutisme complet et certain pincement de ses lèvres leur annonçaient que la veuve était dans ce qu’ils appelaient ses colères blanches, c’est-à-dire en proie à une irritation concentrée. Le feu menaçait de s’éteindre, faute de bois. – François, une bûche ! dit Calebasse. Le jeune raccommodeur de filets défendus regarda derrière le pilier de la cheminée et répondit : – Il n’y en a plus là… – Va au bûcher – reprit Calebasse. François murmura quelques paroles inintelligibles et ne bougea pas. – Ah çà ! François, m’entends-tu ? – dit aigrement Calebasse. La veuve du supplicié posa sur ses genoux une serviette qu’elle démarquait aussi, et jeta les yeux sur son fils. Celui-ci avait la tête baissée, mais il devina, mais il sentit pour ainsi dire le terrible regard de sa mère peser sur lui… Craignant de rencontrer ce visage redoutable, l’enfant restait immobile. – Ah çà ! es-tu sourd, François ? – reprit Calebasse irritée. – Ma mère… tu vois. La grande sœur semblait avoir pour fonction d’accuser les deux enfants et de requérir les peines que la veuve appliquait impitoyablement. Amandine, sans qu’on pût remarquer son mouvement, poussa doucement le coude de son frère pour l’engager tacitement à obéir à Calebasse. François ne bougea pas. La sœur aînée regarda sa mère pour lui demander la punition du coupable, la veuve l’entendit. De son long doigt décharné elle lui montra une baguette de saule forte et souple placée dans l’encoignure de la cheminée. Calebasse se pencha en arrière, prit cet instrument de correction et le remit à sa mère. François avait parfaitement suivi le geste de sa mère ; il se leva brusquement, et d’un saut se mit hors de l’atteinte, de la menaçante baguette. – Tu veux donc que manière te roue de coups ? – s’écria Calebasse. La veuve, tenant toujours le bâton à la main pinçant de plus en plus ses lèvres pâles, regardait François d’un œil fixe, sans prononcer un mot. Au léger tremblement des mains d’Amandine, dont la tête était baissée, à la rougeur qui couvrit subitement son cou, on voyait que l’enfant, quoique habituée à de pareilles scènes, s’effrayait du sort qui attendait son frère. Celui-ci, réfugié dans un coin de la cuisine, semblait craintif et irrité. – Prends garde à toi, ma mère va se lever, et il ne sera plus temps ! dit la grande sœur. – Ça m’est égal – reprit François en pâlissant. J’aime mieux être battu comme avant-hier… que d’aller dans le bûcher… et la nuit… encore… – Et pourquoi ça ? – reprit Calebasse avec impatience. – J’ai peur dans le bûcher… moi… – répondit l’enfant en frissonnant malgré-lui. – Tu as peur… imbécile… et de quoi ? François hocha la tête sans répondre. – Parleras-tu ?… De quoi as-tu peur… – Je ne sais pas… mais j’ai peur… – Tu es allé là cent fois, et encore hier soir ! – Je ne veux plus y aller maintenant… – Voilà mère qui se lève !… – Tant pis ! – s’écria l’enfant – qu’elle me batte, qu’elle me tue, elle ne me fera pas aller dans le bûcher… la nuit… surtout… – Mais, encore une fois, pourquoi ? – reprit Calebasse. – Eh bien, parce que… – Parce que ? – Parce qu’il y a quelqu’un… – Il y a quelqu’un ? – D’enterré là…– murmura François en frissonnant. La veuve du supplicié, malgré son impassibilité, ne put réprimer un brusque tressaillement ; sa fille l’imita : on eût dit ces deux femmes frappées d’une même secousse électrique. – Il y a quelqu’un d’enterré dans le bûcher ? – reprit-Calebasse en haussant les épaules. – Oui – dit François d’une voix si basse qu’on l’entendit à peine. – Menteur !…– s’écria Calebasse. – Je te dis, moi, que tantôt, en rangeant du bois, j’ai vu dans le coin noir du bûcher un os de mort… il sortait un peu : de la terre qui était humide… à l’entour…– répliqua François. – L’entends-tu, ma mère ? Est-il bête ! – dit Calebasse en faisant un signe d’intelligence à la veuve – ce sont des os de mouton que je mets là pour la lessive… – Ça n’était pas un os de mouton,– reprit l’enfant avec épouvante – c’étaient des os enterrés… des os de mort… un pied qui sortait de terre… je l’ai bien vu. – Et tu as tout de suite raconté cette belle trouvaille-là… à ton frère… à ton bon ami Martial, n’est-ce pas ? – dit Calebasse avec une ironie sauvage. François ne répondit pas. – Méchant petit raille – s’écria Calebasse furieuse – parce qu’il est poltron comme une vache, il serait capable ne nous faire faucher comme on a fauché notre père. – Puisque tu m’appelles raille – s’écria François exaspéré je dirai tout à mon frère Martial. Je ne le lui avais pas dit encore, car je ne l’ai pas vu depuis tantôt… Mais quand il reviendra soir… je… L’enfant n’osa pas achever. Sa mère s’avançait vers lui, calme, mais inexorable. Quoiqu’elle se tînt habituellement un peu courbée, sa taille était très haute pour une femme ; tenant sa baguette d’une main, de l’autre la veuve prit son fils par le bras, et, malgré la terreur, la résistance, les prières, les pleurs de l’enfant, l’entraînant après elle, elle le força de monter l’escalier du fond de la cuisine. Au bout d’un instant on entendit au-dessus du plafond des trépignements, sourds, mêlés de cris et de sanglots. Quelques minutés après ce bruit cessa. Une porte se referma violemment. Et la veuve du supplicié redescendit. Puis, toujours Impassible, elle : remit la baguette de bouleau à sa place, se rassit auprès du foyer, et, reprit son travail de couture sans prononcer une parole.
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