Koryu expira par la bouche et il fut surpris d'y voir de la vapeur s'y échapper. Il sentit le froid glacial s'installer dans sa salle d'audience. Un sourire se dessina sur ses lèvres lorsqu'il vit de la glace se former aux pieds de Byakko. Il se redressa majestueusement de toute sa hauteur et regarda son fils avec autorité :
"Courbe l'échine devant moi, ô indomptable Tigre Blanc", déclara-t-il de manière hautaine.
"Ô prétentieux et arrogant Dragon Jaune, père abject de l'hôte qui m'abrite. Apprends que je ne courbe l'échine devant personne. Qui crois-tu donc être pour oser m'ordonner de plier le genou devant toi ? Tu ne m'es pas supérieur. Tu n'as que quelques années de vies en plus sur la terre des hommes. On me nomme l'Indomptable, car je ne possède pas de maître, si ce n'est celle qui fut créée pour moi. Elle est la seule que je consens à écouter et à respecter. Je suis l'indomptable gardien de l'Ouest et je ne te reconnais pas comme étant au-dessus de moi", articula une voix caverneuse. Les yeux de Byakko avaient pris une apparence féline et semblaient irradier une lueur dorée.
"Je suis celui grâce à qui tu as pu te matérialiser parmi les hommes, tu me dois obéissance !", déclara froidement Koryu.
Il se figea lorsqu'il vit la forme fantomatique colossale d'un tigre se dessiner lentement au-dessus de Byakko.
Le jeune homme lui fit un sourire carnassier et des lames de vents se mirent à tourner autour de lui :
"Je ne te dois rien. Je suis le Tigre Blanc, maître absolu de l'Ouest et seule créature capable de défier les dragons. Pour me soumettre, il te faudra m'affronter."
Les yeux du roi prirent une apparence reptilienne dorée en même temps que son corps se couvrait d'écailles scintillantes.
_ Il est encore jeune, Koryu. Nous pouvons lui tenir tête et le contenir, car il vient juste de se réveiller. Nous ne devons avoir aucune hésitation même s'il s'agit de notre fils. Le gardien de l'Ouest ne doit jamais être provoqué. Nous n'aurions jamais pu imaginer qu'il puisse se réveiller aussi tôt, maugréa la voix du Dragon Jaune à son hôte.
"C'est parce que sa moitié d'âme s'est présentée à lui. Cette rencontre fut ce qui a provoqué son réveil prématuré. Tu as raison. Nous allons encore une fois de plus devoir salir notre honneur de père. Il vaut mieux dresser le Tigre tant qu'il est encore jeune et pas encore en pleine puissance."
Des gardes, placés le long des couloirs, accoururent et demandèrent au prince Genbu de bouger.
Un rugissement tonitruant se fit entendre, terrorisant au passage toutes les personnes qui avaient pu l'entendre.
Cependant, le troisième fils de Koryu, se laissa glisser le long des portes pour se retrouver assis au sol :
« Désolé pour ça, les gars. Mais, le paternel est en entretien en tête-à-tête avec Koko. Personne ne rentre. Ordre de votre vénéré et vénérable seigneur et maitre ! », dit-il en faisant un grand sourire.
« Jeune prince, vous nous empêchez d’accomplir notre mission ! », se plaignit le capitaine de la garde royale.
Genbu roula des yeux et se mit à répéter de manière moqueuse les paroles du capitaine :
« Vous nous empêchez d’accomplir notre mission et gna gna gna. Et, ma mission à moi, on en parle ? Je viens de vous dire que le vieux ne veut personne à l’intérieur. Vous êtes plus cons que moi ou quoi ? »
Ils se turent tous lorsque les rugissements se firent encore plus violents. À travers les murs épais, ils pouvaient entendre les bruits lourds de coups et d’os brisés qui étaient portés à l’intérieur.
Puis subitement, le rugissement monstrueux, d’une créature dont l’homme était incapable de concevoir la présence parmi les mortels fit trembler la capitale du Si Shou et les villes alentour.
Un silence écrasant s’installa enfin et après quelques minutes où le monde semblait avoir retenu son souffle, une des portes de la salle d’audience s’ouvrit dans un grincement sinistre.
Genbu avait ouvert la bouche pour parler, mais il se tut aussitôt que son regard avait croisé celui de son père.
Son jumeau avait le visage ensanglanté. Ses vêtements pendaient en lambeaux sur son corps déjà musclé, comme s'ils avaient été entaillés par une bête aux griffes acérées.
Koryu avait lancé Byakko sur son épaule et sortit sans un regard pour les personnes agglutinées autour de la porte.
Genbu les suivit sans rien dire. Il était rongé par l’inquiétude devant les blessures infligées à son grand frère.
Le roi se mit à déambuler le long de couloirs sinueux pour arriver dans les geôles souterraines de son palais.
Qi, les y attendait et il ouvrit une porte épaisse pour leur donner accès à une cellule.
Genbu voulut y entrer, mais il fut repoussé par le messager officiel de son père :
« Qi, mon pote, laisse-moi passer. »
« Je me vois dans l’obligation de refuser, jeune maître. Votre second frère doit être contenu pour un temps », répondit cérémonieusement Qi.
Au moment où Genbu ouvrit la bouche pour répondre, Koryu ferma la lourde porte de la cellule derrière lui. Puis, il vint se placer devant Genbu et le regarda sans émotion :
« Je le punis pour avoir osé me défier. Suis-moi. Sois au moins présent pour célébrer les trois ans de ton dernier frère. »
La tête de Genbu allait de la cellule au visage de son père, puis il poussa un soupir. Il croisa fermement les bras sur sa poitrine et s’assit à même le sol :
« Non. Tu m’as déjà mis en exil. C’est dégueulasse de m’empêcher de passer du temps près de Koko alors que j’ai enfin le droit de poser le pied dans le Centre du royaume. »
« Obéis », maugréa Koryu.
« Non. Tu m'as déjà mis en exil. C'est dégueulasse de m'empêcher de passer du temps près de Koko alors que j'ai enfin le droit de poser le pied dans le Centre du royaume."
"Troisième prince...", articula de manière menaçante Koryu à son fils.
« Non. Tu m'as déjà mis en exil. C'est dégueulasse de m'empêcher de passer du temps près de Koko alors que j'ai enfin le droit de poser le pied dans le Centre du royaume."
Koryu connaissait le caractère buté de ce fils, caractère qu'il avait hérité de son grand-père, Burkit Khan, mais il fallait qu'il l'éloigne de la cellule de son jumeau pour le moment.
Ils restèrent tous les deux à se défier du regard, puis après de longues minutes, Koryu commença enfin à perdre patience :
"Obéis, troisième prince. Ne souhaites-tu pas assister aux festivités de ton dernier frère ?"
Genbu fit mine de se curer l’oreille et cracha au sol :
« Non, ô vénéré et vénérable père. Mon frère, enfin celui qui a la même tronche que moi, a besoin de moi."
"C'est l'anniversaire de ton dernier frère..."
"Bah... il sera trop occupé à ouvrir ses cadeaux. J’irai le voir dès que tu auras levé la punition de Koko. »
« OBÉIS ! », hurla Koryu avant de s’arrêter lorsqu’il entendit le cri de Qi.
Sans le vouloir, son cri avait soulevé des lames d'énergie qui s’étaient dirigées droit sur Genbu.
Cependant, aucune ne toucha le jeune prince. Les yeux du troisième fils de Koryu avaient pris une teinte dorée et une sorte de carapace de tortue transparente, pareille à un bouclier géant, était apparue devant lui.
« Oh p****n ! », cria Genbu en se retrouvant dos plaqué contre la porte. « C’était quoi ce truc ? »
« Genbu », articula Koryu, choqué et soulagé de ne pas avoir gravement blessé son fils.
« Ouais ? »
« Obéis avant de faire des bêtises », déclara le roi.
Genbu plissa le nez et frappa contre la porte de la cellule :
« Hé Koko ! Le vieux veut que je le suive. Il y a un truc trop chelou qui vient de se passer là…C'est pas que j'ai la trouille, hein. Mais je ne crois pas que ce soit une bonne idée que je reste ici. Ahem. Tout seul dans le couloir glacé et sombre. »
« Va avec lui, Gen'. Je crois que j'ai besoin d'être seul », répondit Byakko.
Genbu écarquilla les yeux et tourna la tête vers la porte épaisse. Il n'avait pas reconnu la voix de la personne qui s'était adressée à lui. La voix de son frère s’était faite bien plus grave, plus gutturale, pareille au grognement d’un tigre.