VIII

174 Words
VIII Dire que la comtesse était morale serait superflu. Elle l’était devenue… par expérience. Avant de se détourner à jamais du fruit défendu, elle l’avait palpé, flairé, examiné, comme fait l’enfant circonspect d’une pomme acide. À trente-six ans elle était donc morale, mais morale comme on ne l’est pas, au point d’en paraître assommante. Jamais le mot « amant » ne sortait de ses lèvres ; encore moins celui de « maîtresse » Le moindre émoi du cœur, le désir le plus fugitif, la pensée amoureuse la plus éphémère, tout cela, doux problèmes de l’âme et des sens, était maintenant du chinois pour elle. Elle paraissait réglée aussi bien dans les mouvements de son esprit que dans sa conduite. Le chronomètre le plus parfait ne se dérangeait pas plus qu’elle. Même quand soufflait le vent d’est, si préjudiciable aux gens nerveux, elle demeurait calme, souriante, et dormait d’un sommeil paisible. À la voir, on eût dit qu’elle n’était pas faite de muscles, de sang et de chair comme nous autres, petites gens, mais de matières résistantes, telles que le jaspe ou le porphyre. Enfin – et c’est tout dire – comme l’altière Montespan, elle se nommait Athénaïs.
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