VI
Inutile de dire qu’elle était instruite. Qui ne l’était alors – en 1833 ! – elle ne possédait, il est vrai, ni les éléments du grec, ni ceux du latin, et encore moins, si c’est possible, la science des mathématiques. Mais, en géographie, si elle avait vécu trente ans plus tard, elle aurait rendu des points au comte de Bismark, comme en histoire, à M. Duruy. Elle vous faisait le dénombrement des États allemands, alors qu’il n’y en avait ni plus ni moins que quarante, – le mot annexion n’était pas encore à la mode, – comme moi, par exemple, je pourrais vous dire le nombre de solécismes que contient le livre du plus en renom de mes confrères. Et si quelque pédant s’avisait devant elle de demander la date de la bataille d’Azincourt, elle répondait tout aussitôt : 1415. Cette date ainsi trouvée, toute nue et toute bête, produisait sur l’assistance un effet qu’on ne peut décrire. Mais c’était dans les questions médicales, surtout, qu’il fallait juger la comtesse. Elle connaissait le nom de tous les simples, et discutait sur les vertus de la petite centaurée et de la bourrache en personne qui s’était livrée à l’étude de la botanique dès son bas âge. Enfin, comme elle était très charitable, quand un de ses domestiques, mâle ou femelle, tombait malade, elle le soignait elle-même et lui faisait avaler tant de mauvaises drogues, qu’elle en rendait jaloux le médecin.