V

296 Words
VCe fut sous l’empire de ces impressions que j’étudiai Rome, son histoire et ses monuments. Je sortais le matin, seul, avant que le mouvement de la ville pût distraire la pensée du contemplateur. J’emportais sous mon bras les historiens, les poètes, les descripteurs de Rome. J’allais m’asseoir ou errer sur les ruines désertes du Forum, du Colisée, de la campagne romaine. Je regardais, je lisais, je pensais tour à tour. Je faisais de Rome une étude sérieuse, mais une étude en action. Ce fut mon meilleur cours d’histoire. L’antiquité, au lieu d’être un ennui, devint pour moi un sentiment. Je ne suivais dans cette étude d’autre plan que mon penchant. J’allais au hasard, où mes pas me portaient. Je passais de Rome antique à Rome moderne, du Panthéon au palais de Léon X, de la maison d’Horace, à Tibur, à la maison de Raphaël. poètes, peintres, historiens, grands hommes, tout passait confusément devant moi ; je n’arrêtais un moment que ceux qui m’intéressaient davantage ce jour-là. Vers onze heures, je rentrais dans ma petite cellule de la maison du peintre, pour déjeuner. Je mangeais, sur ma table de travail et tout en lisant, un morceau de pain et de fromage. Je buvais une tasse de lait ; puis je travaillais, je notais, j’écrivais jusqu’à l’heure du dîner. La femme et la fille de mon hôte le préparaient elles-mêmes pour nous. Après le repas, je repartais pour d’autres courses et je ne rentrais qu’à la nuit close. Quelques heures de conversation avec la famille du peintre et des lectures prolongées longtemps dans la nuit achevaient ces paisibles journées. Je ne sentais aucun besoin de société. Je jouissais même de mon isolement. Rome et mon âme me suffisaient. Je passai ainsi tout un long hiver, depuis le mois d’octobre jusqu’au mois d’avril suivant, sans un jour de lassitude ou d’ennui. C’est au souvenir de ces impressions que dix ans après j’écrivis des vers sur Tibur.
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