IIUn jour, c’était au commencement de l’été, au moment où le golfe de
Naples, bordé de ses collines, de ses maisons blanches, de ses rochers tapissés
de vignes grimpantes et entourant sa mer plus bleue que son ciel, ressemble à
une coupe de vert antique qui blanchit d’écume, et dont le lierre et le pampre
festonnent les anses et les bords ; c’était la saison où les pêcheurs du
Pausilippe, qui suspendent leur cabane à ses rochers et qui étendent leurs
filets sur ses petites plages de sable fin, s’éloignent de la terre avec
confiance et vont pêcher la nuit à deux ou trois lieues en mer jusque sous les
falaises de Capri, de Procida, d’Ischia, et au milieu du golfe de Gaëte.
Quelques-uns portent avec eux des torches de résine, qu’ils allument
pour tromper le poisson. Le poisson monte à la lueur croyant que c’est le
crépuscule du jour. Un enfant, accroupi sur la proue de la barque, penche en
silence la torche inclinée sur la vague, pendant que le pêcheur, plongeant de
l’œil au fond de l’eau, cherche à apercevoir sa proie et à l’envelopper de son
filet. Ces feux, rouges comme des foyers de fournaise, se reflètent en longs
sillons ondoyants sur la nappe de la mer comme les longues traînées de lueurs
qu’y projette le globe de la lune. L’ondoiement des vagues les fait osciller et
en prolonge l’éblouissement de lame en lame aussi loin que la première vague
les reflète aux vagues qui la suivent.