IINous n’avions sauvé des flots que trois volumes dépareillés, parce que ceux-là ne se trouvaient pas dans notre valise de marin, quand nous la jetâmes à la mer : c’était un petit volume italien d’Ugo Foscolo, intitulé Lettres de Jacopo Ortis, espèce de Werther, moitié politique, moitié romanesque, où la passion de la liberté de son pays se mêle dans le cœur d’un jeune Italien à sa passion pour une belle Vénitienne. Le double enthousiasme, nourri par ce double feu de l’amant et du citoyen, allume dans l’âme d’Ortis une fièvre dont l’accès, trop fort pour un homme sensible et maladif, produit enfin le suicide. Ce livre, copie littérale mais coloriée et lumineuse du Werther de Gœthe, était alors entre les mains de tous les jeunes hommes qui nourrissaient, comme nous, dans leur âme,