À MADAME L. HACHETTE.
MADAME,
J’ai vu, ces jours passés, un auteur bien en peine. Il avait écrit, au coin du feu, entre sa mère et sa sœur, une demi-douzaine de contes bleus qui pouvaient former un volume. Restait à faire la préface ; car un livre sans préface ressemble à un homme qui est sorti sans chapeau. L’auteur, modeste comme nous le sommes tous, voulait faire l’éloge de son œuvre. Il grillait de dire au public : « Mes contes sont honnêtes, sains et de bonne compagnie ; on n’y trouvera ni un mot grossier, ni une phrase trop court vêtue, ni une de ces tirades langoureuses qui propagent dans les familles la peste du sentiment ; les maris peuvent les prêter à leurs femmes et les mères à leurs filles. » Voilà ce que l’auteur aurait voulu dire : mais il est si malaisé de se louer soi-même, que la préface lui aurait coûté plus de temps que l’ouvrage. Savez-vous alors ce qu’il fit ? Il écrivit sur la première page le nom cher et respecté d’une femme du monde et d’une charmante mère de famille, sûr que ce nom le recommanderait mieux que tous les éloges, et que les lectrices les plus ombrageuses ouvriraient sans défiance un livre qui a l’honneur de vous être dédié.
EDM. ABOUT.
Les jumeaux de l’hôtel Corneille