Chapitre 2
Jo ferma doucement la porte du balcon de ses quartiers. Elle avança à pas de loup sur le sol de marbre poli, longeant les tapis aux motifs complexes qui parsemaient la pièce. Elle se concentra pour rejoindre la salle de bain de ses appartements. Ouvrant la porte de sa chambre d’un coup d’épaule, elle ignora les douces couvertures du lit.
Elle poussa un soupir rassuré en ordonnant que la porte de la salle de bain se ferme derrière elle. Refusant de céder à l’épuisement qui l’accablait, elle retira ses gants et les jeta sur le comptoir à côté du bol de cristal faisant office de lavabo. Elle prit plusieurs petites serviettes sur l’étagère près du long miroir et les plaça toutes sauf une à côté de ses gants avant de lancer la commande pour allumer l’eau.
Elle humidifia la petite serviette restante et la posa sur le bord du lavabo. Tout en se regardant dans le miroir, elle leva une main tremblante vers le bonnet noir qui dissimulait sa longue crinière blonde. Le retirant, elle étudia son visage pendant plusieurs secondes avant de prendre une profonde inspiration.
Et maintenant, le plus difficile, pensa-t-elle avec lassitude en regardant les nombreuses taches humides sur son haut. Tu peux le faire, Jo. N’y pense pas, c’est tout.
Elle serra les dents, mais ne put contenir le sifflement de douleur qui lui échappa quand elle retira lentement son haut noir à manches longues. Sa brassière de sport noire étant plus difficile à enlever, elle décida de la garder. Elle était couverte de petites coupures, mais c’était la longue et fine entaille en travers de son ventre qui la brûlait le plus. Des larmes brouillèrent ses yeux lorsque la plaie la lança alors qu’elle se contorsionnait pour retirer entièrement sa manche gauche. Elle prit la petite serviette humide dans le lavabo et la pressa contre la longue coupure.
— Tu aurais dû assumer tes actes, ma fille, se réprimanda-t-elle. Il aurait été en colère contre toi, mais il ne t’aurait pas prise pour une planche à découper.
Jo était assez intelligente pour reconnaître que ne pas révéler son identité à Manota n’avait pas été la décision la plus sage qu’elle avait prise ces temps-ci. Elle dormait mal depuis la bataille qui avait eu lieu une semaine auparavant. Diable, elle dormait mal depuis qu’elles avaient été enlevées voilà six mois. La semaine qui venait de s’écouler lui avait montré à quel point sa vie avait changé et qu’elle avait bien failli se retrouver seule dans un étrange monde extraterrestre. Sa culpabilité, sa peur et sa lutte continue contre Manota la tourmentaient tant qu’elle n’en avait plus les idées claires.
Ses pensées dérivèrent vers le chalet dans les montagnes de Caroline du Nord que Star, leur amie River et elle avaient loué. Star et elle étaient arrivées quelques jours plus tôt et profitaient du calme et de la tranquillité. Au début, Jo ne voulait pas avouer à sa petite sœur qu’elle était contente que Star ait surpris la cruelle conversation entre son nouveau petit ami et d’autres artistes du Cirque des Étoiles, pour lequel elles travaillaient.
Depuis qu’elles avaient quitté le Cirque de Magik presque deux ans plus tôt pour vivre à Orlando, en Floride, près de leurs parents, qui y avaient pris leur retraite, Jo se sentait insatisfaite. Voir différentes villes lui manquait. La moindre odeur, le moindre bruit, la moindre sensation procurée par le cirque lui manquait.
Exécuter les mêmes numéros encore et encore avec des gens qui espéraient qu’elle foire afin de pouvoir prendre sa place n’était pas le genre de vie qu’elle voulait. Quand Star était rentrée en larmes un soir, Jo avait décidé qu’il était temps de rentrer chez elles. Star lui avait dit que les autres artistes se moquaient de sa petite taille et que son petit ami était avec elle uniquement parce qu’elles avaient des contacts qui l’intéressaient.
Elles avaient démissionné le lendemain après le spectacle, puis avaient appelé River pour organiser des vacances et fait leurs valises pour une coupure de trois mois. Jo avait également appelé Walter, le propriétaire du Cirque de Magik, et lui avait demandé si Star et elle pouvaient revenir. Walter avait été aux anges. Des larmes piquèrent les yeux de Jo au souvenir de leur conversation.
— Votre place est au cirque, alors ramenez votre fraise, avait dit Walter d’un ton bourru. On prend une pause de trois mois pour que tout le monde puisse se reposer et pour réparer et remplacer le matériel. Diable, je commençais à me demander quand vous alliez ouvrir les yeux et comprendre que ce piège à touristes ne vous rendrait jamais heureuses, ta sœur et toi.
— On voulait être près de maman et papa.
— Et est-ce que ça vous a réussi ? avait demandé Walter sans ambages.
— Ils sont très occupés, alors on les voit presque jamais. Entre les camps d’entraînement au trapèze où ils font du bénévolat et la photographie, ils sont quasiment toujours sur la route.
— Ramenez vos fesses à la maison, les filles. Vous savez que vous manquez à tout le monde, pas seulement à River. Vous manquez aussi à ma Ricki. Vous êtes les trois seules personnes à qui elle se soit jamais confiée.
Jo renifla en pensant à la magnifique fille que Walter et Nema avaient trouvée sur le pas de la porte de leur caravane voilà presque vingt-quatre ans. Ils l’avaient adoptée, et elle était devenue la prunelle de leurs yeux. Ricki était une experte en organisation. Nema lui avait confié la majeure partie de la gestion en coulisses avant ses dix-huit ans. S’il y avait un souci, un problème ou quoi que ce soit d’autre à régler pour faciliter le voyage d’une ville à l’autre ou d’un pays à l’autre, Ricki s’en chargeait en quelques clics sur son ordinateur ou avec un coup de fil.
Ricki et elle étaient rapidement devenues amies ; toutes deux calmes et ayant besoin de contrôler leur monde, elles avaient beaucoup en commun. Elles avaient moins d’un an d’écart et étaient comme des sœurs depuis leur première rencontre, derrière la caravane de Walter, peu après qu’Alan et Tami Strauss avaient rejoint le Cirque de Magik quand Jo avait huit ans.
Jo retira la serviette ensanglantée de l’entaille et essaya d’en estimer la profondeur. Elle ne voulait vraiment pas aller chez le guérisseur. Avec un peu de chance, elle pourrait rester cachée dans ses appartements quelques jours en attendant que la plaie guérisse.
— Je peux toujours dire à Manota que j’ai mes ragnagnas, murmura-t-elle pour elle-même avec un sourire désabusé. Au moins, ça m’aidera à ne pas le toucher. Seigneur, qu’est-ce que je l’aime. Ça me déchire de songer à le quitter.
Des larmes non versées lui brûlèrent les paupières à cette idée et elle eut l’impression que son cœur se brisait.
Elle secoua la tête avec un petit rire sardonique. Il était difficile de croire que leur e********t remontait à plus de six mois. Six mois passés à lutter contre son attirance envers lui. Six mois à se sentir coupable de vouloir oublier ce que ses parents devaient ressentir à l’idée que Star, River et elle avaient disparu. De jour en jour, il lui devenait plus difficile de résister à l’envie de s’abandonner à ses sentiments pour lui et de tout envoyer balader.
Elle ferma les yeux et songea aux évènements qui avaient abouti à sa rencontre avec l’imposant extraterrestre qui avait tant changé sa vie.
La nuit était fraîche, le ciel dégagé, et il était bientôt minuit. Jo était assise dans l’un des fauteuils bien rembourrés et lisait tandis que Star courait partout, attendant l’arrivée de River avec impatience. Sa sœur avait fini par aller faire chauffer de l’eau dans la cuisine pour préparer du thé.
Elle se rappelait avoir entendu du bruit sous le porche avant. Pensant que River devait être arrivée et qu’elle avait peut-être besoin d’un coup de main, elle s’était levée et avait ouvert la porte d’entrée. Elle avait crié quand les énormes créatures avaient arraché la porte de ses gonds alors qu’elle essayait de la fermer. Star l’avait entendue et s’était précipitée dans le salon. Jo agrippa le bord du comptoir en se remémorant avoir crié à sa sœur de courir. L’une des créatures avait attrapé Star pendant qu’elle essayait de s’enfuir dans l’une des chambres. Tout était devenu flou après cela. Elles avaient été droguées.
Jo ouvrit les yeux et regarda fixement son reflet. Elle rinça le tissu humide ; l’eau devint rouge sang avant de redevenir limpide. Elle se mit à nettoyer délicatement d’autres coupures.
River était arrivée. Elle les avait suivies jusqu’à la navette et s’était cachée à bord quand elle avait compris qu’elle ne pourrait pas défaire leurs liens. Elles avaient passé plusieurs semaines à bord du vaisseau de guerre tearnat, à essayer de trouver un moyen de s’évader.
Une occasion s’était enfin présentée quand River avait découvert que le capitaine du vaisseau de guerre avait capturé d’autres extraterrestres. Ils étaient censés les ramener chez elles si elles les libéraient. Au lieu de cela, ils les avaient emmenées sur Kassis.
Jo essuya avec précaution l’entaille à son ventre qui continuait de saigner. Elle grimaça lorsqu’elle appuya un peu trop fort et que le flot de sang s’épaissit. Prise de faiblesse, elle se laissa aller contre le comptoir. Sa tête tomba en avant et elle ferma les yeux, exerçant de la pression sur la plaie et respirant profondément. Elle laissa son esprit dériver vers le vaisseau de guerre tearnat.
— On devait les aider, on n’avait pas le choix, murmura-t-elle alors que la scène se rejouait dans sa tête. Trolis allait les tuer. Ils étaient notre seul espoir.
Trolis avait ordonné que les hommes soient mis à mort, mais River, Star et elle les avaient libérés et avaient mis leur plan à exécution. Elles avaient saboté le vaisseau de guerre dans l’espoir de leur donner le temps de s’échapper à bord de l’une des navettes.
Les hommes avaient promis de les ramener chez elles. Au lieu de cela, un vaisseau de guerre rempli d’encore plus de guerriers et de Tearnats était arrivé. Jazin Ja Kel Coradon, le cadet des princes de Kassis, les avait finalement escortées, Star et elle, jusqu’à l’autre vaisseau de guerre. River n’avait été trouvée et amenée à bord que plusieurs heures plus tard.
Le corps mince de Jo fut secoué d’un frisson au souvenir de sa première rencontre avec Manota. Elle avait suivi Star et Jazin jusqu’à l’infirmerie pour voir River. Lorsqu’ils étaient entrés, ils avaient découvert Torak, le grand guerrier kassisan, en train de retenir River.
Star avait immédiatement sauté sur le dos de l’homme tandis que Jo était allée saisir l’un des couteaux dont River ne se séparait jamais. Une main était alors sortie de nulle part, avait agrippé son poignet et l’avait tirée contre un corps dur et musclé. Elle avait essayé de se libérer, mais la main avait continué à serrer son poignet avec une telle force qu’elle avait dû lâcher le couteau.
Il ne l’avait libérée qu’une fois qu’elle fut désarmée, mais pas avant de faire tendrement glisser son pouce sur son poignet, comme s’il savait qu’il y avait laissé une contusion et voulait l’apaiser. Ensuite, elle s’était tournée et avait rencontré des yeux de la couleur du ciel nocturne, une étoile d’argent solitaire brillant en leur centre.
Jo leva brusquement la tête et ouvrit de grands yeux surpris quand la porte de sa salle de bain s’ouvrit soudain. Elle se mordit la lèvre pour s’empêcher de siffler de douleur en essayant de se contorsionner pour cacher les coupures. Le miroir derrière elle rendait la manœuvre impossible. La rage qui étincelait dans ces mêmes yeux noirs comme la nuit la transperça lorsqu’il baissa la tête vers la serviette ensanglantée dans sa main.
Un juron franchit les lèvres de Manota alors qu’il entrait dans la pièce. Jo eut un mouvement de recul quand il tendit la main vers elle. Il s’arrêta pour la regarder avant d’écarter doucement le tissu de son ventre. Un autre juron résonna dans la salle de bain avant qu’il ne la prenne dans ses bras musclés et ne la soulève avec une grande délicatesse.
— Manota…
Jo s’interrompit à la vue du pli sombre qui lui barra le front.
— Non…, dit-il sèchement. On parlera de tout ça quand le guérisseur se sera occupé de toi.
— Je ne…
Elle s’interrompit une nouvelle fois en voyant sa mâchoire tressauter. Il se pencha pour la poser sur les couvertures immaculées.
— Tu ne peux pas me mettre sur le lit ! Je vais tacher les couvertures, protesta-t-elle.
— Ne. Dis. Pas. Un. Mot. De. Plus, aboya Manota en l’allongeant. Shavic !
Jo tourna la tête lorsque Shavic le guérisseur du vaisseau de guerre de Torak qui les avait sauvées, sa sœur et elle, entra silencieusement dans la pièce.
Elle porta son regard vers Manota quand il se leva afin que Shavic puisse prendre sa place à ses côtés. Le beau guérisseur posa la boîte qu’il tenait sur la table de nuit et l’ouvrit. En sortant un injecteur, il le pressa contre son cou.
Jo sursauta en sentant le métal froid sur sa peau chaude. Elle écarquilla les yeux en réaction au léger sédatif avant que le médicament et l’épuisement ne prennent le dessus. Ses cils papillonnèrent futilement, puis se posèrent sur ses joues tels deux croissants.
Shavic rangea l’injecteur et prit un autre appareil. Il le fit glisser le long de l’entaille en travers de son ventre. Une fois la plaie refermée, il s’occupa des dizaines de coupures plus petites. Le guérisseur jeta un rapide coup d’œil à Manota, dont les traits étaient figés.
— Elle est épuisée, dit-il doucement. Ce que je lui ai donné lui permettra de se reposer plusieurs heures. J’aimerais l’examiner à nouveau dans l’après-midi pour faire le point sur son état.
— Venez avant le dîner, répondit succinctement Manota.
Shavic mesura les signes vitaux de Jo avant de se tourner vers le prince kassisan, l’appareil dont il s’était servi pour soigner les coupures de la jeune femme à la main. Manota fronça les sourcils quand le guérisseur s’arrêta devant lui et leva l’appareil à sa lèvre, refermant la coupure.
— Vous a-t-elle blessé ailleurs ? demanda Shavic, amusé.
— Non, répondit Manota avec raideur. Seulement quelques bleus.
Le guérisseur haussa un sourcil et attendit un moment avant de hocher la tête et de ranger l’appareil avec le reste de son matériel. Son regard glissa vers le visage délicat de l’Humaine. Il remarqua la pâleur de sa peau qui faisait ressortir les cernes sous ses yeux. Elle entrouvrit les lèvres et laissa échapper un soupir. Il se reconcentra soudain sur son sac, puis se tourna et adressa un signe de tête à Manota, qui le fixait d’un air sinistre.
— Je reviendrai l’examiner tout à l’heure.
Manota regarda le guérisseur partir avant de se retourner vers la silhouette immobile dans le lit. Il était temps d’affirmer sa revendication. Il avait laissé à la femelle entêtée plus qu’assez de temps pour s’adapter. Ses frères avaient déjà failli perdre leurs compagnes.
Il la vit soupirer à nouveau dans son sommeil. Elle était toujours agitée, même avec le sédatif que lui avait injecté Shavic. Quelque chose la préoccupait. Il avait remarqué qu’elle était devenue plus silencieuse cette dernière semaine. Il avait cru qu’elle s’inquiétait à cause des blessures de sa sœur, mais il y avait autre chose.
Incapable de supporter la vue du sang séché sur sa peau, Manota s’approcha lentement du lit. Il pourrait aisément appeler l’une des femmes de sa maison pour qu’elle s’occupe d’elle, mais il n’en fit rien.
Non, c’est à moi de prendre soin d’elle, qu’elle soit prête à l’accepter ou non, pensa-t-il en commençant à retirer les vêtements de son corps svelte avec tendresse.
Ses doigts glissèrent le long de la douce et délicate peau de son ventre qu’il avait tranchée avec sa lame. La peur, une émotion qui lui était inconnue avant qu’il ne rencontre Jo, lui nouait la gorge. Il ferma brièvement les yeux en s’apercevant combien il était passé près de tuer sa propre compagne. Il ne comprenait vraiment pas pourquoi elle ne lui avait pas dit qui elle était quand il l’avait affrontée.
Un petit rire désabusé lui échappa tandis qu’il dégainait le couteau à son flanc pour couper le haut noir qui retenait ses seins. De qui se moquait-il ? Il savait pertinemment pourquoi elle n’avait rien dit. Elle était trop têtue pour lui avouer qu’elle était sortie en douce et trop indépendante pour lui permettre de la mettre en cage, même si c’était pour la protéger.
Manota eut le souffle coupé à la vue de la formidable beauté allongée devant lui. Même avec sa peau pâle tachée de sang, il ne pouvait ignorer la douceur et la fragilité qu’elle dégageait. Il posa le couteau sur la table de nuit et commença à retirer ses propres vêtements. Son corps était toujours tendu par l’adrénaline de leur combat et la peur qui l’avait parcouru lorsqu’il avait découvert que c’était Jo qu’il avait failli tuer.
Des cicatrices gagnées durant la guerre et trop profondes pour être complètement effacées étaient visibles sur sa peau bronzée. Il savait qu’il n’était pas beau comme ses deux autres frères. Son visage était plus brut, ses traits plus ténébreux, plus durs, et une violence à peine contenue brillait dans ses yeux.
Il était plus à l’aise dans l’ombre. Il se battait pour sa famille et pour son peuple avec une férocité semblable à celle de ses ancêtres des siècles auparavant. Il ne savait pas quel genre de mâles il y avait sur la planète de Jo et il s’en fichait ; elle était sienne et il ferait le nécessaire pour la garder.
Il glissa ses bras autour d’elle et la souleva délicatement. La serrant contre son corps chaud, il se dirigea vers l’unité de purification. Il esquissa un sourire en pensant au fait qu’elle soutenait que c’était une « salle de bain ».
Il ne le lui avouerait jamais, mais il aimait qu’elle ne se sente pas intimidée le moins du monde par lui. Les femelles qui avaient vécu dans sa maison par le passé l’avaient toujours traité avec révérence. Elles ne le contredisaient jamais, ne demandaient jamais rien, ne l’excitaient pas comme Jo le faisait.
Manota frotta sa joue contre les doux cheveux de Jo alors qu’il entrait dans le bassin creusé. Il se remémora la première fois qu’il lui avait montré sa maison. Il s’était attendu à ce qu’elle soit impressionnée par toutes femelles qui y vivaient.
Avoir de nombreuses femmes sous sa protection était un signe de pouvoir pour un mâle. Il avait été accueilli avec l’honneur attendu pour un homme de son importance. Il était le deuxième fils de la maison royale de Kassis, un puissant dirigeant.
Il serra Jo tout contre lui tandis qu’il nettoyait le sang sur son corps endormi. Il sourit en pensant à combien elle serait scandalisée quand elle découvrirait ce qu’il avait fait. Elle se serait battue bec et ongles si elle avait été consciente.
Il la déplaça afin que son dos soit contre son torse ; il voulait savourer juste un petit moment la sensation de l’avoir dans ses bras. Certes, il était excité, mais ses sentiments pour elle ne s’arrêtaient pas au simple désir physique. Il désirait la tranquillité qu’elle apportait à son âme meurtrie. Non, il en avait besoin.
Manota laissa reposer sa tête contre la bordure du bassin et ferma les yeux tout en continuant à caresser sa peau soyeuse. La première fois qu’il l’avait amenée dans sa maison, elle était restée interdite. Il avait d’abord cru que c’était sa puissance et son prestige qui l’avaient stupéfaite. Il s’était attendu à ce qu’elle soit ravie quand il l’avait présentée aux autres femelles et lui avait expliqué qu’en tant que sa compagne, elle serait la femelle principale.
Un petit rire lui échappa alors qu’il l’embrassait sur la tempe. Elle lui avait poché un œil avant de tourner les talons et de partir. Son hilarité disparut et ses yeux s’assombrirent au souvenir de ce qui s’était passé ensuite.
Ses frères et lui avaient trouvé les trois femelles dans le jardin central. Elles mettaient en place des plans pour retourner sur leur monde ; à vrai dire, elles avaient exigé d’être remmenées. River, la compagne de son frère aîné, avait failli perdre la vie quand elle s’était interposée entre Torak et le tir d’un assassin le visant.
Jo s’agita contre Manota. Il sentit sa respiration s’accélérer, comme si elle avait soudain peur. Il la tourna à nouveau dans ses bras et la serra contre lui.
— Chut, mi t’belle, murmura-t-il tout bas. Je te protégerai.
Jo replongea dans un sommeil plus profond alors qu’il continuait à lui frotter le dos. Il quitta à contrecœur l’eau chaude du bain. Se positionnant devant le séchoir, il laissa l’air chaud tourbillonner autour d’eux et sécher leur peau.
Une fois certain qu’elle était bien sèche, il la porta jusqu’au lit. Il l’allongea sur les couvertures, les tira de l’autre côté puis la glissa dessous. Elle poussa un profond soupir et se mit sur le flanc.
Il s’installa à côté d’elle sous les couvertures et elle le rejoignit immédiatement, se lovant contre lui. Il l’enlaça et laissa échapper un soupir satisfait avant de prononcer la commande pour que les stores se ferment, les plongeant dans un cocon d’obscurité.
Bientôt, pensa-t-il en sombrant dans le sommeil. Bientôt, je la revendiquerai comme mienne.