Caroline
J'avais passé la matinée de dimanche au lit. Je m'étais ensuite décidée à me lever du lit et avais fait le ménage complet dans la maison. J'avais essayé de lire quelques heures, mais j'y avais renoncé finalement. Je n'arrivais pas à me concentrer. Mon esprit vagabondait excessivement. Mon voyage pour le Cameroun était prévu dans deux semaines et je trépignais d'impatience. Ma relation avec Alessandro évoluait paisiblement. Nous étions sur la même longueur d'onde la majeure partie du temps, mais étions en discorde en ce qui concernait le sexe.
Alessandro avait essayé d'avoir des relations intimes avec moi et je l'avais toujours repoussé, ce qui créait parfois de la tension dans notre couple. Il ne comprenait pas mes motivations et malheureusement, je n'étais pas en mesure de m'ouvrir totalement à lui. Je craignais que lui offrir mon corps m'aurait fait perdre le contrôle de moi-même. J'avais l'impression que passer ce cap avec lui m'aurait lié plus fortement à lui et quand serait arrivé le moment de nous séparer, je craignais de ne pas être en mesure de le faire.
J’étais complètement perdue dans ces pensées pas très gaies quand mon téléphone me signala l'arrivée d'un message.
" T'es où Caro ?"
Le message provenait de Tiziana. Je sursautai en regardant l'heure sur le téléphone. 19 h 00 bon sang ! Il était 19 heures ! Tiziana m'avait invitée à dîner chez elle ce soir. J'y étais attendue pour 18 h 30.
" Désolée ma belle, donne-moi juste une minute et je te rejoins", lui répondis-je en me levant précipitamment de ma chaise.
Je me rendis immédiatement aux toilettes et jetai un coup d’œil au miroir en face de moi. Je vis que j'étais présentable. Je liai simplement mes rastas en un énorme chignon et sortis précipitamment de la maison après avoir pris la bouteille de vin que j'avais achetée en journée.
- Bonsoir Tiziana et désolée du retard, la saluai-je avec un air désolé au visage.
- T’inquiète Caro, j’étais juste surprise que tu ne sois pas encore là, répondit Tiziana d’un air bienveillant. T’es rentrée tard hier ? La soirée a été ?
- Oui assez tard, aux environs de deux heures du matin, répondis-je avec un petit sourire contrit en pensant à ma fin de soirée d’hier.
- T’aurais pu y passer la nuit au lieu de prendre la route toute seule à une heure aussi tardive.
- T’as raison, mais disons que j’ai préféré rentrer me reposer chez moi.
- C'est quoi le problème avec Alesandro à la fin ? Il me semble un mec sympa, s'exclama Tiziana en me regardant d'un air interrogateur.
Les rapports entre Tiziana et moi avaient beaucoup évolué. Après lui avoir sauvé la mise avec son copain, nous avions commencé à nous fréquenter timidement au départ, mais maintenant, nous passions difficilement une journée sans prendre des nouvelles l’une de l’autre. Elle avait eu l'occasion de croiser Alessandro quelques fois et le courant était passé entre eux.
- Une minute, s’il te plaît, s’écria tout à coup Tiziana en se levant précipitamment, m'évitant ainsi de répondre à sa question embarrassante.
Elle se rendit à la cuisine et je la suivis. Il y avait en effet une légère odeur de brûlé qui régnait dans l’air.
- Purée, j’étais convaincue d’avoir éteint le feu, s’exclama Tiziana d’un air dépité, tout en ouvrant la marmite.
Je me rapprochai d’elle et vis que la sauce était un peu dense, rien de bien méchant.
- Mais ça va Tiziana, c’est parfaitement mangeable.
- Le « pollo alla cacciatora » n’est pas très bon quand il est sec, s’exclama Tiziana.
- C’est bien vrai, mais t'inquiète ma belle, il sera délicieux j'en suis sûre.
On s'installa à table et je me servis une belle portion de poulet.
- Hum, il est trop bon. Merci encore pour l’invitation, dis-je à Tiziana en m’essuyant la bouche à l’aide d’un mouchoir.
- Il n’y a vraiment pas de quoi ! répondit Tiziana avec un large sourire.
- Il faut que je te fasse goûter un plat de chez moi, du poulet DG, tu vas adorer.
- Volon…
Tiziana dut interrompre sa phrase car son téléphone se mit à sonner. Elle se leva précipitamment de table et s’approcha de la petite table au salon où était posé son téléphone. Elle le prit et le regarda un long moment d’un air hésitant. Elle le déposa ensuite et me rejoignit à la table à manger.
- Tu disais ? me demanda-t-elle d’un air pensif.
Elle semblait tout à coup très loin. Je devinais aisément qui était la personne à l’autre bout de la ligne pour la mettre dans cet état.
- Euh, je parlais de te faire déguster du poulet DG, c'est fait à base de bananes plantain et légumes, il est ...
Je dus interrompre ma phrase, car je me rendis compte que je faisais simplement un monologue. Tiziana était complètement perdue dans ses pensées.
- Tiziana... l'interpellai-je doucement.
Elle semblait dans une autre sphère.
- Tiziana, répétai-je en lui touchant le bras.
Elle sursauta et me regarda d'un air hagard.
- Euh désolée Caro, j’étais distraite, s'excusa-t-elle.
- Je vois bien, lui répondis-je avec un sourire bienveillant.
On resta en silence pendant un moment qui me sembla une éternité.
- Tiziana, que se passe-t-il ? demandai-je avec douceur.
Elle soupira longuement avant de me répondre.
- En fait, je suis un peu indécise. Giorgio et moi avions prévu passer nos vacances ensemble. Nous avions une réservation pour les Seychelles. Nous sommes censés partir d'ici dix jours, mais avec la situation actuelle, je ne sais que faire.
- Tu penses y aller tout de même ? demandai-je d'un air ahuri.
- Euh, en fait, il est venu ici il y a trois jours et nous avons pu parler.
J'écarquillai les yeux à ces mots.
- Il était ici ?
- Euh, oui, répondit Tiziana d'un air embarrassé. Sincèrement, j'étais fatiguée de cette situation. Devoir l'éviter au point de changer mes tours de travail commençait à devenir épuisant. J'ai décidé de le laisser entrer pour en discuter une bonne fois pour toutes.
- D'accord, répondis-je simplement.
- Comme je te le disais tantôt, nous avions réservé pour les Seychelles et nous étions censés y passer deux semaines, et je comptais ensuite me rendre en Sicile pour passer quelques jours avec ma mère. Il m'a une fois de plus demandé de lui accorder une dernière chance. Il m'a suppliée d'y aller avec lui et au retour de prendre ma décision. Je lui ai demandé de me laisser un peu de temps pour y réfléchir et surtout de me laisser seule un moment, dit Tiziana d'un air hésitant.
Je comprenais pourquoi je ne l'avais plus revu ces derniers jours. Cela faisait des semaines que Giorgio faisait le pied de grue devant notre immeuble. Tiziana l'avait cependant toujours tenu à distance. C'était bien la première fois que je la sentais prête à flancher, je ne sais pas si cela était dû à l'attrait des Seychelles. Mais cela valait-il vraiment la peine ?
- Tu veux y aller ? demandai-je.
- Hum, je ne sais pas, répondit Tiziana en évitant mon regard.
- Je vois...