V La laine Une fois il m’arriva de placer dans un récit certain personnage de berger dont j’avais – comme nous disons, nous, les rêvasseurs – caressé amoureusement la création. J’avais imaginé un homme qui, né avec une âme essentiellement contemplative et indolente, n’avait rien trouvé de mieux pour échapper aux difficultés, aux soucis de la commune existence, que d’éteindre en lui les passions, les besoins, qui l’eussent condamné à la commune dépense de labeur et de préoccupation, et de prendre entre toutes les professions celle qui exige le moins de fatigues corporelles et mentales. Devenu gardeur de troupeaux, mon héros trouvait dans cette oisive condition la plus parfaite réalisation de l’idéal qu’il s’était formé, et qui consistait à réclamer aussi peu que possible de la société, af