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Destin afficha un large sourire quand il vit Kali vêtue d’une robe. Cela devait être une première depuis qu'elle avait... deux ans ! Le bref regard qu’elle lui adressa lui fit savoir qu’elle avait parfaitement conscience de son regard amusé. Il se pencha et souleva Ami dans ses bras. Elle portait une paire de collants roses et une robe blanche.
— Ta maman n’est-elle pas jolie, Ami ? demanda Destin.
Kali rayonnait en effet d’une façon qu’il n’avait jamais vue.
— Elle est aussi jolie que l’était ta grand-mère.
— Tu n’es pas si mal non plus, Destin, murmura Kali en tendant les bras vers Ami. J’aimerais que tu puisses rester plus longtemps.
Destin étudia le visage radieux de Kali. Elle lui avait manqué. Au plus profond de lui, il savait qu’il avait fait ce qu’il fallait quand il avait passé un accord avec Razor pour qu’il emmène Kali loin de la Terre. Elle avait failli mourir trop souvent. Quand il avait découvert qu’elle était enceinte, il avait été particulièrement reconnaissant des choix qu’il avait faits. La vie n’avait pas été facile au cours des deux années précédentes. Certes, la lutte pour reprendre la ville était presque terminée, mais il y avait toujours des problèmes avec quelques gangs de renégats.
— Il faut que je rentre. Il y a toujours beaucoup de travail à faire. Peut-être qu'un jour ce sera différent et tu pourras revenir sur Terre pour me rendre visite et voir tous les changements, répondit Destin.
Le regard de Kali remonta vers l’encolure en V de sa chemise de cérémonie vert foncé.
— Où est ton médaillon ? lui demanda-t-elle en fronçant les sourcils. Tu ne vas jamais nulle part sans.
Les lèvres de Destin se pincèrent.
— Je l’ai perdu. Je le chercherai quand nous serons de retour, dit-il en se tournant quand Razor entra dans la pièce.
— Comment va Saber aujourd’hui ? demanda Destin.
— Il nous maudit tous, répondit Razor avec un grand sourire. Je ne savais pas à quel point un enterrement de vie de garçon pouvait être amusant.
— Qu’avez-vous fait hier soir ? demanda Kali, posant Ami quand celle-ci commença à se tortiller.
— Destin nous a montré comment marcher sur les murs, ricana Razor. C’est plus facile quand on n’a pas trop bu.
Kali leur jeta un regard noir et secoua la tête.
— Vous avez de la chance qu’aucun de vous ne se soit cassé la jambe. Puisqu’on en parle, comment a fait Saber avec sa jambe ? demanda-t-elle, inquiète.
— Ça s’est bien passé. C'était une occasion pour lui de tester la nouvelle attelle que Taylor a développée. Elle a bien fonctionné. Je peux comprendre pourquoi tu aimes faire ce « Parkour », dit Razor en passant ses bras autour de Kali. Mais cela m’a aussi montré à quel point c’est difficile et dangereux.
Kali se pencha en arrière et lui sourit.
— Et c’est là que la conversation s’arrête si ta phrase suivante est censée commencer par « je ne veux pas que tu… », le taquina-t-elle.
— Je crois que nous devrions le faire ensemble à partir de maintenant, marmonna Razor, jetant à Destin un regard triste. A-t-elle toujours été aussi entêtée ?
Destin eut un petit rire et secoua la tête.
— Si tu ne le sais pas encore, je ne vais pas te le dire. Je me la mettrai à dos moi aussi, lança-t-il. Je crois qu’il est temps de partir. Ami, tu veux faire dada sur les épaules de Tonton Destin ?
— Fais-moi grimper ! s'écria Ami, ravie, en levant les bras. À dada !
— C'est parti pour un tour de dada, rit Destin en soulevant Ami et en l’installant sur ses épaules.
Il grimaça quand elle le frappa avec ses talons.
— Aïe ! Elle va être comme toi, Kali. Toujours à foutre des coups de p...
— Fais gaffe à ce que tu dis ; elle est comme un perroquet maintenant, marmonna Kali à voix basse après avoir donné un coup de coude à Destin.
— Je vois en quoi cela pourrait être un problème, en convint Destin. Le dernier au véhicule devra nourrir les monstres.
— Les monstres ! Ze veux un monstre, pouffa Ami en ébouriffant les cheveux de Destin.
Razor et Kali rirent de l’expression douloureuse sur le visage de Destin. Celui-ci s’accrocha aux jambes d’Ami, prenant garde à se baisser en passant les portes, même si chacune faisait au moins trois mètres soixante de haut et que cela n’était donc pas nécessaire, et cavala vers le véhicule. Il la reposa d'un mouvement souple et la plaça à l'arrière sur le siège-enfant, puis il l’y attacha et grimpa à côté d’elle. Razor ouvrit la porte pour Kali avant de faire le tour pour grimper dans le siège du pilote.
Quelques instants plus tard, ils s'élevaient dans les airs. La bulle transparente au sommet du véhicule leur donnait une excellente visibilité dans toutes les directions. Une fois encore, Destin ressentit l’excitation monter en lui à l'idée de toutes les possibilités, pas seulement pour Chicago, mais pour la Terre. Si plus d’Humains pouvaient voir et vivre ce qu’il avait connu ici, ils auraient une perspective complètement différente. Enfin, pour la plupart d'entre eux. Les groupes de gens essayant de les faire rester dans les ténèbres s’amenuisaient d’année en année, mais il savait que certaines personnes s’accrocheraient toujours au passé.
— C’est incroyable de voir à quel point la technologie des Trivators est avancée par rapport à celle des Humains, murmura Destin en regardant par la fenêtre.
— Ce sera fantastique de faire tout cela sur Terre, répondit Kali. C’est peut-être l'occasion pour les Humains de recommencer et de faire les choses correctement, cette fois.
Destin grogna. Il ne voulait pas détruire ses illusions en cette journée. Les rêves et la réalité étaient des choses complètement différentes. Il savait mieux que quiconque qu’il fallait toutes sortes de gens pour faire un monde, et en presque vingt-huit ans, il avait vu le côté obscur bien plus souvent qu’il n’avait vu la lumière. Le meurtre de leur mère par un membre d’un gang pour quelques misérables dollars et une chance de promotion au sein du gang avait fait de lui et Kali des orphelins alors qu’ils étaient encore jeunes.
Il ne put s’empêcher de réprimer la constatation douce-amère que lui et Kali étaient devenus bien différents de leur mère. Il serra ses mains ensemble quand il songea au sang dont elles étaient souillées. Il avait des démons qu'il avait besoin d’exorciser, et reconstruire Chicago pour en faire un havre moderne et sûr était, il l’espérait, un moyen d’y parvenir.
— Quoi ? demanda-t-il, se rendant compte que Kali lui avait dit quelque chose.
— J’ai dit que tu rencontrerais peut-être quelqu’un ici et que tu aurais envie de rester, le taquina Kali en le regardant par-dessus son épaule.
— C’est déjà fait. Son nom est Ami, rétorqua Destin, tendant le bras et chatouillant Ami quand elle se tourna pour lui sourire.
Mais ce ne fut pas l'image d'Ami qui lui vint à l'esprit ; ce fut celle d’une femme avec des cheveux blancs, une peau bleu pâle et un regard enflammé. Un éclair de désir le traversa et il ferma les yeux. Cela faisait définitivement trop longtemps qu'il n'avait pas touché de femme. Il y remédierait à son retour.
— On est arrivé, dit Razor. Comment s'appelle cette cérémonie, déjà ?
— Un mariage, répondit Kali, regardant impatiemment par la fenêtre la longue guirlande de fleurs blanches qui bordait la haie.
Razor jeta à Kali un regard presque terrorisé.
— Tu vas en vouloir un ? demanda-t-il, se concentrant à nouveau sur l'atterrissage du véhicule.
— Non, murmura Kali. Je suis contente d’y assister, mais je n’en voudrais pas.
— Que la Déesse soit louée, marmonna Razor, éteignant le véhicule et ouvrant les portes.