Clovis
Nous sortîmes de la salle d’examen et nous rendîmes avec les potes dans un petit bistrot pas loin de la fac.
- Alors les gars, comment était l’examen ? nous demanda Florent.
- Bah, une catastrophe, répondis-je dépité.
- Pour moi aussi, répondit Florent.
- C’est ça, tu dis toujours la même chose, mais après, tu as toujours les meilleures notes, rétorqua Claude d’une voix irritée.
Un silence embarrassant s’installa avant que Florent ne le rompe.
- Les mecs, c’est vendredi aujourd’hui, vendredi les gars ! Nous sommes les rois de la nuit. Que faisons-nous ce soir ? demanda Florent. J’ai repéré un petit coin sympa avec des filles canons, de vraies bombes les mecs, on pourrait…
- Désolé, mais je ne serai pas de la partie. L’examen s’est très mal passé et j’ai vraiment besoin de calme et de sérénité pour préparer la prochaine section, le coupa sèchement Claude.
- Bah dis donc, ne fais pas le rabat-joie l’ami. Tu es jeune, tu dois profiter de la vie, sortir ce soir ne te tueras pas. Tu auras tout le temps de réviser demain.
- Désolé, mais je préfère rentrer me reposer, répliqua fermement Claude.
- Je vais suivre Claude, je pense, intervint enfin Roland qui était resté calme depuis que nous nous étions installés.
- Haha, libre à vous les gars, mais après, ne soyez pas jaloux lorsqu'on vous enverra nos photos avec de jolies nanas toutes sexy.
On resta encore une bonne heure avant de se séparer. Claude et Roland s’en allèrent immédiatement.
- Alors, où nous retrouvons-nous ce soir ? me demanda Florent avec le sourire. On va mettre le feu à la ville Clovis. Tu vas adorer.
- On pourrait se retrouver directement devant le local. Tu me passes l’adresse ? lui demandai-je un peu embarrassé.
Ce n’était pas la première fois que les gars désistaient quand il fallait sortir avec Florent et cela me mettait mal à l’aise.
Tic tic, mon téléphone signala l’arrivée d’un message. Florent venait de m’envoyer l’adresse du local de ce soir.
- Bien reçu, à ce soir alors mec, lui dis-je en me dirigeant vers ma voiture.
- À ce soir mon pote, me répondit Florent avec un large sourire.
Je me rendis immédiatement à l’hôpital pour rendre une courte visite à ma pauvre victime de tout à l’heure.
- Bonjour, je suis Clovis Ngaha. J’ai amené il y a quelques heures une dame qui a été victime d’un accident de la circulation.
- Mademoiselle Manga ? Elle se trouve actuellement en salle 4 en attente des résultats des radiographies qui ont été effectuées il y a peu.
J’ouvris la porte de la salle 4 et mon regard tomba immédiatement sur cette fille qui était profondément endormie. Elle avait les cheveux éparpillés çà et là sur l’oreiller. Avec l’adrénaline de l’accident et la peur de rater mon examen, je n’avais pas pris la peine de l’observer. Elle était vraiment belle avec de lèvres pulpeuses, une poitrine généreuse et une peau laiteuse complétaient le décor. Je regardai l’heure et m’aperçus qu’il était déjà 19h30. Elle allait certainement se réveiller d’un moment à l’autre et aurait sûrement très faim. La nourriture qui était généralement servie dans les hôpitaux n’était pas vraiment appétissante. Je décidai donc de me rendre dans le restaurant au coin de la rue et pris des plats à emporter. Ils étaient spécialisés dans du poulet, leur plat phare était du poulet DG, un met fait à base de frites de (banane) plantain, poulet et légumes.
Je rentrai dans sa chambre près d’une heure plus tard et la belle Clara dormait encore du sommeil du juste. Je m’installai confortablement sur le fauteuil et envoyai un message à Florent pour l’informer que j’allais surement être en retard à notre sortie de ce soir. Je devais attendre que la belle dame se réveille et que je la raccompagne chez elle, je devais ensuite faire un saut à la maison pour une douche rapide avant de le rejoindre, en admettant que Clara sorte aujourd’hui même.
J’étais en train d’échanger des textos avec une jolie nana que j’avais connu le week-end dernier en discothèque quand j’entendis toquer délicatement à la porte. Je me levai précipitamment.
- Vous êtes un membre de la famille de la dame ? me demanda le médecin.
- Non, je suis le responsable de l’accident et c’est moi qui l’ai conduite ici il y a quelques heures.
- D’accord. Nous avons obtenu il y a peu le résultat de ses radiographies. Tout va bien, pas de fractures, juste une petite entorse à la cheville qui se résoudra avec des antiinflammatoires et du repos. Elle devra encore passer la nuit ici et elle pourra sortir demain matin après une dernière perfusion d’antidouleurs.
- D’accord docteur. Je vous remercie, dis-je avec un faux sourire en pensant à ma sortie avec Florent. C’était mort pour ce soir. Je n’avais pas le cœur à la laisser passer la nuit toute seule.
Je m’installai donc confortablement et envoyai un message à maman pour l’aviser que je ne rentrerai pas ce soir, sans toutefois rentrer dans les détails. Elle pensera que je passais à nouveau la soirée en boite de nuit. J’envoyai ensuite un message à Florent pour l’informer qu’on devait remettre notre sortie à demain. A ma grande surprise, il lut le message mais n’y répondit pas.
Florent
Pff, pestai-je en jetant violemment mon téléphone contre le mur. p****n de bordel de m***e, cet idiot me posait un lapin à la dernière minute, comment allais-je faire ? Il était plein aux as et gérait toujours financièrement nos sorties sans la moindre plainte. J’avais envie de tout casser. J’étais déjà prêt, j’avais mis mes vêtements les plus classes, prêt à aller à l’assaut. Pff, comme j’avais la rage ! J’avais repéré durant mes précédentes sorties une jolie nana. J’avais l’intention de lui en mettre plein la vue ce soir avec le fric de Clovis. Avec lui, les soirées étaient toujours haut de gamme, le champagne coulait à flot. Ce n’était vraiment pas la peine ! Je me rendis dans ma chambre et me déshabillai avec rage. C’était vraiment mort pour ce soir !
Clara
J’étais en train de m’étirer dans le lit quand une petite douleur à ma cheville me stoppa net dans mon mouvement. J’ouvris brusquement les yeux et tous les souvenirs de la journée me revinrent en pleine face. Je jetai un coup d’œil rapide sur l’horloge murale et posai mes deux mains sur ma bouche dans un cri d’horreur. Mon Dieu, il est 23 heures, je crois que c’est ma fin. Ma tante allait me déchiqueter ce soir. J’entendis un léger bruit provenant de ma gauche, je tournai la tête dans la direction du bruit et découvris une forme humaine qui se redressait avec difficulté dans un fauteuil trop petit pour elle. Cette fois, je poussai un cri strident et je vis Clovis se lever précipitamment et se rapprocher de moi en posant délicatement une main sur ma bouche. Une décharge électrique me parcourut le corps entier et il sembla s’en apercevoir. Il enleva délicatement la main de ma bouche et nos regards s’accrochèrent pendant un bon moment.
- Désolé de t’avoir fait peur, me chuchota-t-il. Je voulais simplement t’empêcher de hurler et de réveiller les autres malades.
Je sentis mon corps vibrer au son de sa voix. Mais que m’arrivait-il ? Pourquoi me sentais-je aussi bizarre depuis qu’il s’était rapproché de moi. C’était la première fois que j’étais aussi proche d’un garçon.
- Ce n’est pas grave. Tu peux rejoindre ta place, lui dis-je d’une voix tremblante.
Il s’éloigna pour mon plus grand soulagement et se dirigea vers ma petite table de chevet. Il prit un sachet contenant certainement de la bouffe. Je comprenais maintenant d’où provenait cette odeur agréable qui avait envahi ma chambre. Sans grand risque de me tromper, ce sachet contenait du poulet DG.
- J’ai pensé que tu aurais faim à ton réveil. J’ai pris du poulet DG pour tous les deux. J’attendais que tu te réveilles pour qu’on puisse manger ensemble, me dit-il d’une voix douce.
Il était bien vrai que mon ventre criait famine, mais l’appréhension serrait mon estomac. Ma tante n’allait faire de moi qu’une bouchée.
-Vous êtes bien gentil, mais malheureusement, je ne pourrais pas partager ce repas avec vous, lui répondis-je en me redressant. Je dois rentrer chez moi, ma famille va s’inquiéter.
- Hé là, il est bien tard ma belle. Ce n’est pas prudent de rentrer à cette heure. J’ai déjà payé de toute façon la chambre pour la nuit. Tu devrais l’occuper et rentrer demain matin chez toi. En plus, tu n’as pas de vêtement de rechange, ton uniforme de classe s’est totalement abimé pendant ta chute et j’avais l’intention de me rendre très tôt demain dans une boutique pour te prendre quelques vêtements.
À ces mots, je fondis en larmes. Mon Dieu, ma seule tenue de classe était abimée. Il est bien vrai qu’elle était dans un état dégueulasse, mais je n’en avais pas d’autres. Comment aurais-je fait pour suivre les cours pour tout le reste de l’année scolaire ?
- Je n'ai pas besoin de vêtements, je veux mon uniforme ! me mis-je à hurler d’une voix presque hystérique.
Il me regarda avec les yeux effarés. Il devait certainement me prendre pour une folle.
- Je veux mon uniforme, tu as compris ? criai-je à nouveau.
- Du calme Clara, il n’y a pas de raison d’en faire tout un plat, me répondit-il d’un ton apaisant.
- Je serai calme dès que j’aurai retrouvé mon uniforme, lui dis-je d’un ton désespéré. Si tu avais fait attention, on n’en serait pas là, ajoutai-je d’un ton accusateur cette fois.
Il sembla à ce moment percevoir mon désespoir et me regarda fixement.
- Tu n’as pas à t’en faire ok ? Demain matin, dès la première heure, je vais te procurer un uniforme tout neuf. Essaie de manger quelque chose et de te reposer, d’accord ? me dit-il d’une voix douce.
Je sentis ma colère baisser d'un cran et mon désespoir s’éloigner. J’espérais vraiment qu’il tiendrait parole.
Il ouvrit le sachet et en sortit deux petits bols en aluminium, il approcha à ma hauteur la petite table et la couvrit d’un mouchoir de table avant d’y disposer mon repas. Il me passa ensuite les couverts avant de prendre son bol et le tenir en main avant de manger.
- Bon appétit ma belle, me dit-il en piochant dans son plat.
J’ai déjà de l’appétit mon cher, pensai-je intérieurement. Je ne me rappelais même plus la dernière fois que j’avais eu droit à un repas décent. Certainement du vivant de mes parents, je devais être âgée de plus ou moins 5 ans. Je n’avais plus jamais eu la possibilité de manger à satiété.
Je dévorai mon plat en moins de 5 minutes, j’étais en train croquer et lécher les os quand je me sentis observée. Je relevai la tête et surpris le regard de Clovis posé sur moi. Un sentiment de honte m’envahit à l’instant et je reposai dans mon plat l’os que j’étais prête à dévorer. Je pris un mouchoir pour m’essuyer la bouche et relevai à nouveau la tête vers Clovis et me rendis compte qu’il ne m’avait toujours pas quittée du regard.
- Merci beaucoup, c’était très bon, lui dis-je avec un sourire embarrassé.
- Il n y’a vraiment pas de quoi, me répondit-il avec un sourire avant de continuer son repas.
Il avait un sourire tellement étincelant qu’il était capable d’illuminer la pièce entière.
Il se leva quelques minutes plus tard et vint débarrasser devant moi.
- Il faudrait peut-être qu’on avertisse tes parents de ton absence, ils doivent certainement être morts d’inquiétude.
- Euh, en fait, euh, j’étais censé passer la soirée à étudier chez une copine, improvisai-je à l’instant.
- On devrait alors avertir ta copine, je pense, me dit-il.
- Euh, ce n'est pas grave, je lui ferai signe demain à ma sortie.
Il me regarda avec insistance un court moment avant de hausser les épaules.
- C’est comme tu veux ma belle, dit-il en regardant l’heure. Il se fait déjà tard, tu devrais te reposer.
- D’accord, lui répondis-je timidement.
Il se dirigea vers le fauteuil et s’y installa.
- Mais qu’est-ce que tu fais ? lui demandai-je avec surprise.
- Pardon ? demanda-t-il.
- Tu devrais rentrer chez toi, lui dis-je.
- Il est déjà tard. Je préfère dormir ici et éviter ainsi un autre voyage demain matin.
Je ne savais pas quoi lui répondre. Je n’avais jamais partagé ma chambre avec un garçon et j’étais vraiment embarrassée.
- Bonne nuit Clara, me dit-il en éteignant la lumière.
- Bonne nuit Clovis, lui répondis-je simplement.
Et je me laissai aller tout doucement dans les bras de Morphée.