Kenaï
Alors que je me lève pour relever Saïka, je ne cesse de penser à ce que m’a raconté Evana. La pauvre en a bavé. Et je crois qu’elle n’a pas cru ce que je lui ai dit. Pourtant, je pensais chacun de mes mots. Je la protègerai du mieux que je le peux. Je ferai tout pour la rendre heureuse et la réconcilier avec l’amour charnel. Car même si elle s’est donnée à moi, il y a de cela quelques heures, j’ai bien senti qu’elle n’était pas avec moi. Qu'elle semblait distante et surtout déroutée par ce qu’elle a ressenti. Si je ne l’avais pas déjà tué, je prendrais d’abord plaisir à le faire souffrir avant de le tuer. En lui tranchant la gorge, je lui ai donné une mort trop douce. Et je le regrette maintenant qu’elle m’ait raconté tout ça… Comment un homme peut-il se montrer si cruel envers une toute jeune femme ? 15 ans… Elle n’était encore qu’une enfant. Comment un père a-t-il peu consenti à marier sa fille à un tel monstre ? Je rage en imaginant cet homme forçant cette jeune femme. Aucune femme ne devrait subir ça. Aucune femme ne devrait avoir peur de l’amour.
_ Kenaï… Je prends la relève. Va te reposer.
Mon regard se tourne vers mon frère aîné. Il est déjà trois heures du matin ? Je n’ai pas vu le temps passé.
_ Un souci ?
_ Non… Pas vraiment. C’est juste que… Elle m’a raconté ce qu’elle a vécu avec son premier mari et… Elle a… Elle a tant souffert… Tant subi… Que je n’ai qu’une envie, c’est de la choyer jusqu’à la fin de ma vie.
_ Mais tu vas le faire… Je suis sûr que tu sauras la rendre heureuse. Cette femme m’a l’air d’en avoir déjà beaucoup vécu. Ça se voit dans ses yeux.
_ J’ai beau lui avoir promis de me montrer à la hauteur. De la protéger et d’être bon envers elle… Je crois qu’elle ne m’a pas cru et qu’elle n’a pas confiance en moi. Ni en qui que ce soit d’ailleurs.
_ Alors, à toi de gagner sa confiance et de la garder.
_ Je ferais tout pour… Et pas seulement avec elle. Avec le petit aussi. Il mérite d’avoir un père qui l’aime.
_ Kenaï, tu n’es pas son père…
_ Je le serai…. Dès que sa mère sera mon épouse, alors il sera mon fils.
_ Tu seras un bon père pour lui. J’en suis persuadé.
_ Ouais… On se revoit à l’aube.
Je m’éloigne et pars me coucher. M’arrêtant pour la regarder dormir. Allongée sur le sol, elle tient son fils dans ses bras, comme si elle cherchait à le protéger. Même durant son sommeil. Telle une louve protégeant sa progéniture. Oui, je ferai ce qu’il faudra pour les rendre tous les deux heureux. Je m’éloigne et m’allonge pour m’endormir durant les quelques heures qu’il me reste… Et comme quand je montais la garde, je sens que l’on me réveille trop tôt. J’ai l’impression d’avoir fermé les yeux durant quelques secondes. Pourtant, il est déjà six heures quand Donaï vient me réveiller. Pour ensuite réveiller Saïka et lady Liana. Je me cherche de réveillé Evana. Elle sursaute quand elle sent ma main sur elle et je lève les mains en signe de paix.
_ Du calme. Ce n’est que moi.
_ Je… Désolé.
_ Il est l’heure de se lever. Donaï a préparé le petit déjeuner.
_ D’accord… Merci. Ewen… Ewen, debout mon chéri.
Nous mangeons rapidement et reprenons la route. Il nous faudra trois semaines pour atteindre les remparts du château Mackeen. Trois longues semaines où nous nous relayons chaque nuit et/ou nous avançons toute la journée. Ne faisant une pause que pour manger. La famille de Liana a dû remarquer son absence depuis ce temps et nous nous hâter d’arriver en sécurité au château.
_ Je vais aller à la rencontre de père. Vous deux, escortez nos invités jusqu’à leur future chambre et rejoignez-moi par la suite.
_ D’accord. Lady Liana, si vous voulez bien me suivre. Je vais vous conduire à votre chambre. Dit Saïka.
_ Evana ne vient pas avec nous ?
_ Elle ne sera pas installer dans la même aile que vous. En tant que ma fiancée, elle logera près de moi et j’ai la chambre idéale pour toi, Ewen. Juste en face de la nôtre. Dis-je, me plaçant face à lui.
Nous nous séparons et j’invite Evana à me suivre. La guidant dans le château, que je connais comme ma poche. J’ouvre une première porte et m’efface, l’invitant à entrer la première.
_ Ce sera ta chambre, Ewen. Et si ça ne te dérange pas, tu la partageras avec ta maman, jusqu’au mariage.
_ Tu ne veux pas que je dorme avec toi ?
_ Bien sûr que si… Nous aurons tout le temps de dormir ensemble, une fois mariés. En attendant, je suis sûr que tu apprécieras le fait d’avoir un peu de temps pour toi et Ewen.
_ C’est gentil.
_ Je vais rejoindre mon frère et mon père. En attendant, reposez-vous, tous les deux. Dormir dans un vrai lit sera un luxe par rapport aux nuits agitées que nous avons vécues durant ce trajet.
_ Curieusement, je ne me sens pas fatigué.
_ Et bien, repose-toi quand même un peu. Il y a de très bons livres sur l’étagère. Je viendrai te chercher une fois la réunion finie.
_ D’accord. Merci, Kenaï.
Je lui souris tendrement et sors sans en attendre plus. Traversant les couloirs pour aller jusqu’à rejoindre mon frère.
_ Kenaï !! Vous êtes de retour !!
_ Bonjour Dana. Nous venons d’arriver. Mais si tu veux bien m’excuser, le devoir m’appelle.
_ Mais vous venez à peine d’arriver.
_ Et j’ai un rapport à transmettre à mon père avec mes frères. Nous nous verrons plus tard.
_ Et vous me conterez-vous aventure ?
_ Oui, Dana. Ce sera avec plaisir.
La jeune fille semble ravie et me sourit en échange. Mais je ne lui accorde pas plus de temps, entrant dans le bureau de mon père après avoir toqué.
_ À Kenaï, nous n’attendions plus que toi. Donaï m’a dit que tu t’es fiancé ? Mais il est resté vague sur cette fiancée. Peux-tu m’en dire davantage ?
J’ai déjà parlé avec Donaï et il sait ce que je vais dire. Prétendre qu'Ewen est mon fils pour que mon père accepte ce mariage. Ce n’est qu’un petit mensonge que mes frères et moi, nous sommes promis de garder. Et Liana à était mise au courant elle aussi…
_ Donc… Tu es tombé par hasard sur cette fille ?
_ Oui…
_ Me prends-tu pour un idiot ?… J’accepterai que tu épouses cette femme si cela peut te faire plaisir ! Mais à la seule condition que tu me donne la VRAIE version. Ce que tu raconteras aux autres, je m’en contrefiche.
J’aurais dû m’en douter. On n’a jamais réussi à mentir à notre père. Il a toujours eu comme un sixième sens avec nous. Je lui raconte alors l’histoire. Les bons comme les mauvais. Je lui parle de notre accord et de mes promesses faites à Evana. Mon père écoute en silence et quand j’en ai terminé. Son regard reste sans émotion.
_ Ce que tu fais là est toute à ton honneur. Mais es-tu sûr de vouloir être le père de cet enfant ?
_ Oui, j’en suis sûr et j’apprécie déjà beaucoup sa mère.
_ Très bien… Qu’il en soit ainsi. Nous célébrerons votre mariage demain.
_ Demain ??
_ Oui, pourquoi ? Ça te pose un problème ?
_ Non. Demain, ce sera parfait.
_ Quant à lady Liana… C’est une autre paire de manche… Quand le Lord saura que sa fille est ici. Il voudra tout faire pour la récupérer, tout comme Donald MacDonagh. Ils auront vite fait de faire venir leurs hommes à nos portes. Il faut que l’on se prépare à les accueillir. Surtout si ce que tu m’as dit est vrai, Donaï. S’il a fiancé sa fille au clan MacDonagh. Nous ne déclarerons pas seulement la guerre au clan Lovelace. Mais aussi au clan MacDonagh.
_ Nous sommes déjà en guerre contre eux.
_ Oui, mais pas officiellement. Les clans cherchés des excuses pour nous attaquer. Excuse qui, jusqu’ici, ils n’avaient pas. Mais maintenant, avec lady Liana derrière nos murs, ils ont l’excuse parfaite.
_ Alors quoi ? Vous allez la ramener, comme si de rien était ?
_ Non Donaï… Comme je l’ai dit, nous devons la jouer plus fine. Hum…
Notre père se lève et tourne en rond. Puis, posant son regard sur nous, il finit par les fixer d’abord sur Donaï, puis sur Saïka…
_ Donaï, tu as bientôt 29 ans… Te marier serait un luxe. Mais je pense que lady Liana te trouverait trop vieux pour elle.
_ Je ne suis pas si vieux que ça !
_ Mais tu as le même âge que Donald MacDonagh et ça semble déjà la gêner avec lui... Non, par contre… Toi, Saïka… Tu as à peine un an ou deux de plus qu’elle.
_ D’après Evana, elle a 19 ans. Rajoutais-je.
_ Mmm… Oui, Saïka sera parfait.
_ Parfait pour quoi ??? J’le dis tout de suite, je ne veux pas me marier !!
_ Te marier ? Non, non… Pas encore, mon fils. La vingtaine est l’âge parfait pour fleureté. Ce que j’attends de toi, c’est que tu distrais notre jeune invité. Que tu ries avec elle. Que tu la complimentes… Que tu la sortes dans de charmantes promenades. Je veux qu’elle se plaise à être à tes côtés.
_ En gros, vous voulez que je séduise la fille pour qu’elle tombe amoureuse de moi ?
_ Exactement. En tombant amoureuse de toi, elle fera tout pour que son papa ne cherchait pas à entrer en guerre contre elle. Alors seulement, nous proposerons de vous marier tous les deux.
_ Vous oubliez une chose, père… Je ne veux pas me marier.
_ Pour l’instant… Apprends à la connaître. Je suis sûr que vous vous entendrez bien tous les deux. Deux fils mariés, il ne restera plus que toi à trouver une épouse, Donaï. Si Kenaï n’avait pas déjà proposé d’épouser cette demoiselle. J’aurais plutôt favorisé le mariage pour vous deux. Mais ce qui est fait est fait. Demain, nous célébrerons le mariage de Kenaï et ensuite… Si tout se passe bien, ce sera le tien, Saïka.
_ Mais je ne veux pas l’épouser !! Pourquoi ne demandez-vous pas à Donaï ?!!
_ Je me suis déjà exprimé là-dessus !! Donaï n’est pas celui qu’il faut !!! Tu auras la charge de la séduire !! Est-ce que c’est clair ?!! Tu veux faire partie des adultes ? Alors, agis de la sorte !!
_ Très bien !! Je ferai ce que vous me demandez !!!
Saïka se lève et sort sans en dire plus. Claquant la porte derrière lui.
_ Que l’un de vous aille lui parler. Il doit accepter la situation.
_ Je m’en charge.
Je me lève à mon tour et pars le retrouver. Je peux comprendre ce qu’il ressente. Si j’ai accepté tout de suite d’épouser Evana, j’ai quand même douté durant les premières semaines. Mais, en connaissant son histoire, je me suis défié de la rendre heureuse. Et maintenant, je suis prête à y aller jusqu’au bout…