Le petit lever du baron
Le petit lever du baron
Le baron a je ne sais quel âge, mais il paraît avoir quarante ans. Il est grand, élégant, rasé et chauve, comme il convient à un homme qui peut être appelé d’un moment à l’autre à l’honneur de sauver son pays. Sa fortune justifie ses ambitieuses visées. Sa noblesse est de bon aloi et le nom qu’il porte vaut à lui seul un héritage.
Il est neuf heures du matin. Le baron, debout devant la cheminée, dans un boudoir attenant à sa chambre à coucher, perfectionne sa toilette. Il choisit l’épingle qui ornera sa cravate, l’essence qui parfumera son mouchoir, les brévas dont il bourrera son porte-cigares, l’or et les billets dont il emplira ses poches. Il a contrôlé le menu que lui a soumis le chef, donné ses ordres au piqueur, parcouru sa correspondance, caressé ses chiens… L’huissier entre.
L’HUISSIER – M. Weitzer fait demander à monsieur le baron si monsieur le baron veut le recevoir.
LE BARON – Qu’il entre.
– Bonjour, Weitzer ; je ne suis pas fâché de vous voir, j’ai à vous parler.
WEITZER – Monsieur le baron n’avait qu’à me faire demander, monsieur le baron sait…
– Que vous êtes toujours bien aise de gagner un peu d’argent, je sais cela.
– Ah ! monsieur le baron !… Mon dévouement…
– En voilà assez. Je n’ai pas de temps à perdre ce matin. Je vais publier une brochure.
– Ah !…
– Qui fera sensation.
– Il n’y a pas à en douter.
– Aussi je n’en doute pas. Je traite la question romaine.
– Le sujet est neuf !…
– Et le titre audacieux : « La liberté par le Pape ! » J’espère rallier : gauche, tiers-parti et majorité. Je prouverai, vous le verrez, Weitzer, que Rome n’est qu’une république dont le Saint-Père est le président ; président issu d’un suffrage un peu restreint peut-être ; que l’hérédité est, plus que partout ailleurs, bannie de la constitution dans les États pontificaux ; qu’enfin les libéraux sont insensés lorsqu’ils veulent détruire une des deux seules républiques européennes, pour l’offrir à la royauté qui la convoite.
– C’est tout simplement sublime, monsieur le baron.
– N’est-ce pas ? – J’ai la conviction que cette brochure mettra d’accord tous les partis et provoquera une hausse !… une hausse !
– 3 000 francs au-dessus du niveau du pair.
– Vous allez, sans perdre une minute, monsieur Weitzer, vous rendre à la Bourse. Vous achèterez tout ce que vous trouverez de mauvaises valeurs, jusqu’à concurrence de cinq cent mille francs, et vous les revendrez fin courant. Vous comprenez ?
– Autant que la stupéfaction me le permet.
– C’est aujourd’hui le 23, je parais le 28 : le 30 tout a haussé et je gagne un argent fou.
– Fou !
– Ne parlez de cela à personne. Vous pouvez profiter pour vous-même, dans une limite raisonnable, du secret que je vous confie.
– Monsieur le baron peut être tranquille.
– Allez, monsieur Weitzer, et quand vous viendrez le matin, comme aujourd’hui, vous pouvez vous dispenser de porter la cravate blanche.
– Monsieur le baron me comble.
Exit M. Weitzer.
L’HUISSIER – Un monsieur qui a une lettre pour monsieur le baron demande à la remettre à monsieur le baron.
LE BARON – Qu’est-ce que c’est que ce monsieur ?
– Il dit que monsieur le baron ne le connaît pas.
– Est-il jeune, vieux, bien mis ?… Est-ce un monsieur ? Est-ce un homme ?
– C’est un individu. Il a un paletot de velours et un chapeau mou.
– Diable !… Il faut prendre garde par le temps qui court. Faites entrer.
LE BARON – On me dit que vous avez une lettre pour moi.
L’INDIVIDU – Oui, monsieur le baron. La voici.
– Lisant. – C’est vous qui vous nommez Chaudezon ?
– Oui, monsieur le baron.
– Et vous voudriez trouver un emploi ?
– Je n’ai pas de plus grand désir.
L’HUISSIER – M. Leloup vient essayer à monsieur le baron les effets que monsieur le baron lui a commandés.
– Ah ! bravo ! dites-lui d’entrer. Vous permettez, monsieur, je suis à vous à la minute. Entre M. Leloup. Dites-moi, Leloup, il pourrait se faire qu’à la suite d’une brochure que je vais publier… j’eusse à vous commander un fort supplément de livrées… Cela n’a rien de certain, vous comprenez… ; mais enfin… j’ai lieu de le penser… et je ne voudrais pas être pris au dépourvu. On ne me prend jamais au dépourvu !… M. Leloup s’incline. Je voudrais que vous vous préoccupassiez d’une tenue de suisse, de valets de pied… Je voudrais quelque chose de nouveau pour mes huissiers… ; enfin, réfléchissez. Surtout, pas de rouge, cela pourrait passer pour une avance à la gauche ; évitez le blanc et le violet ; pas de jaune serin, surtout, cela prête à la plaisanterie.
M. LELOUP – Est-ce que monsieur le baron arrive enfin au port… ?
– Je n’en puis pas dire plus long, Leloup ; comprenez-moi à demi-mots.
– Ce serait un grand bonheur pour la France, et un bien grand honneur pour notre maison.
– Ce n’est qu’une éventualité ; mais après ma brochure…
L’INDIVIDU – Je vous serais reconnaissant, monsieur le baron, d’achever la lecture de la lettre que je vous ai remise.
– Tiens, je vous avais oublié. Ne vous impatientez pas, Leloup, j’ai tout de suite fini avec monsieur. Nous disions que c’est un emploi que vous voulez ? Écrivez-vous dans les journaux ?
– Non, monsieur.
– Jamais ? Jamais ?… Vous connaissez du moins quelque journaliste ?
– Je n’en connais aucun. Si vous vouliez bien achever de lire la lettre que je vous ai remise, vous verriez…
– Vous connaissez au moins quelque homme de lettres ?
– J’arrive de province, monsieur le baron. J’ai été…
– Je regrette beaucoup de ne pouvoir vous être utile, mais mon crédit est des plus minces… Ne vous impatientez pas, monsieur Leloup… Je suis désolé… si vous saviez combien je suis occupé ce matin…
– Pourtant, monsieur, on m’avait dit…
– C’est une erreur, on vous a trompé.
Il sonne.
L’HUISSIER – Monsieur le baron a sonné ?
LE BARON – Reconduisez monsieur.
Exit l’individu.
– Vous m’avez compris, n’est-ce pas, Leloup. Étudiez mon antichambre avec soin. La sagesse des nations dit « Tel maître, tel valet. » Vous voyez quelle importance à l’antichambre d’un homme d’État. C’est la préface d’un ministère.
L’HUISSIER – Il y a en bas une dame qui désire parler à monsieur le baron.
– Une dame ! Quelle dame ?
– Personne de l’antichambre ne l’a encore vue à l’hôtel. Elle est restée dans sa voiture devant le perron ?
– Est-ce une voiture de maître ?
– Non, monsieur le baron, c’est un fiacre.
– Dans ce cas-là on ne dit pas : sa voiture. Ce sont de ces nuances qu’un huissier n’a pas le droit d’ignorer. Est-elle jeune, est-elle jolie, cette dame ?
– Mon Dieu !… monsieur le baron…, moi, je ne sais pas…
– Enfin, comment la trouvez-vous ?
– Monsieur le baron m’embarrasse. Elle est peut-être un peu maigre… ; mais on dit que c’est distingué.
– Allez donc voir cela, monsieur Leloup, ce garçon n’est bon à rien.
Exit M. Leloup.
LE BARON, à l’huissier. – Je vous ai dit cent fois d’étudier les allures des gens. Que diable ! pour être huissier il faut connaître les femmes…
L’HUISSIER – Quand on n’a que 1 500 francs par an, monsieur le baron, les femmes sont bien difficiles à connaître.
– Je vous dis que vous ne travaillez pas.
– Oh ! monsieur le baron !
– Vous ne travaillez pas. Ah ! voilà Leloup. Eh bien ?
M. LELOUP – Une femme ravissante, monsieur le baron. Un chapeau petit, petit… avec une aigrette sur le côté ; deux brides ponceau perdues dans la dentelle ; – une robe de velours marron très légèrement rehaussée de rouge ; – la jupe de dessous est à la moldave…
– Dites-moi donc, Leloup, vous me parlez beaucoup de la robe, mais vous ne me dites rien du contenu.
– Monsieur le baron peut le recevoir sans crainte.
– Alors, laissez-moi, Leloup. Vous vous en irez par le petit escalier. À l’huissier. Vous ferez monter ; mais avant, dites à Joseph de me parler.
Entre Joseph.
LE BARON – Joseph, mettez de l’ordre dans cette chambre ; – donnez-moi mon flacon d’eau de pois-de-senteur ; – mettez du bois au feu ; – placez ces fleurs plus en évidence ; – roulez mon fauteuil le dos au jour, la demi-teinte me sied mieux ; maintenant qu’on fasse entrer. Je n’y suis plus pour personne.
Entre une femme jeune, jolie, élégante, parfumée, distinguée, émue.
LE BARON – Veuillez prendre la peine de vous asseoir, madame.
LA DAME – Monsieur le baron, ce que j’ai à vous dire est d’un si mince intérêt pour vous, que j’ai conscience d’accepter cette place que vous m’offrez si gracieusement ; j’hésite à vous avouer ce qui m’amène.
– Parlez, madame, je vous en prie. Les choses les plus insignifiantes deviennent palpitantes d’intérêt quand une bouche jeune et rosée les prononce.
– Vous ne me connaissez pas…
– C’est une faute dont je me repens et qui peut se réparer.
– Vous êtes beaucoup trop aimable ; je ne mérite pas de votre part tant de bontés.
– Il s’en faut de si peu, que…
– Monsieur le baron, dans une heure je serai morte.
– Hein ?… quoi ?… que dites-vous ?… je n’ai pas bien compris ?
– Je vais me tuer en sortant d’ici.
– Comment ! comment !… en sortant de chez moi ? Mais c’est très désagréable, cela ! On mettra dans tous les journaux de l’opposition que j’y suis pour quelque chose. J’aimerais mieux que vous fissiez quelque autre course avant.
– Je suis confuse de l’intérêt que vous me témoignez, monsieur le baron ; je m’y attendais. Je regrette de ne pouvoir pas faire ce que vous me demandez, mais mes instants sont comptés.
– Ah çà ! d’où vous vient cette rage ?
– Je suis mariée…
– C’est un malheur, je le déplore, mais enfin que voulez-vous que j’y fasse ?
– Je sais que je n’ai aucun titre à votre intérêt ; je ne me fais à cet égard aucune illusion. J’allais mourir ; un fiacre me conduisait à la rivière qui ce soir me bercera, lorsque, passant devant la porte de votre hôtel, l’idée m’est venue de vous conter mes malheurs. Votre réputation de bonté est universelle…
– Madame, je vous assure qu’on exagère.
– Ce cri du cœur que vous n’avez pu retenir, il y a un instant, en apprenant ma résolution funèbre, m’est une preuve irrécusable du contraire. Je me suis dit que je mourrais plus tranquille après vous avoir ouvert mon âme.
– C’est que j’ai fort à faire ce matin, et…
– Je ne ferai que l’entrouvrir.
– Je vous écoute.
– Mon mari était percepteur dans le département du Var. J’ai passé près de lui les deux premières années de notre mariage. Nous nous aimions !… comme si nous n’avions jamais été mariés. Puisque c’est une confession in extremis que je vous adresse là, je vous avouerai que j’ai un tempérament méridional. On n’est pas de Toulouse pour des prunes. Mon mari me consacra tout son temps d’abord ; et j’ose dire que je n’ai rien négligé pour le lui rendre agréable. Mais peu à peu, ses fonctions l’intéressèrent davantage et je perdis du terrain dans son cœur. Le découragement ne tarda pas à me prendre et je résolus de venir à Paris solliciter pour mon mari un avancement qui nous rapprochât d’ici. J’ai frappé à toutes les portes inutilement. Habituée au luxe (mon grand-père était capitoul de Toulouse !) j’aime mieux mourir que végéter auprès d’un mari inerte à trois cents lieues de la capitale. Mais on ne meurt pas à vingt-deux ans sans quelques regrets ; d’autant plus que j’ai la conscience de ce que je vaudrais pour l’homme qui saurait me comprendre.
– Madame, je vous remercie de m’accorder la préférence, et suis désolé de ne pouvoir pas répondre à votre politesse. Vous avez tenu à m’ouvrir votre âme, maintenant vous pouvez la refermer. Bien que nous ne nous connaissions que depuis un quart d’heure, nous sommes déjà sur un tel pied d’intimité que vous ne m’en voudrez pas de vous parler tout net. Je compatis à vos malheurs, je rends justice à votre beauté, j’apprécie votre élégance de bon goût ; vous avez le pied petit, la main mignonne, les yeux étincelants, le sourire nacré, vous êtes adorable !…
La dame se rapproche.
– Oh ! monsieur le baron !…
– Mais j’ai perdu beaucoup d’argent au whist cette semaine, et il faut que je fasse des économies.
– Baron !… pour qui me prenez-vous ?
– Je ne vous prends pas, voilà tout.
– Vous êtes cruel, en vérité, et je vois bien que je n’ai plus qu’à mourir.
– Je vais faire avancer votre voiture…
– Attendez !… un mot encore et je cours à la rivière… Achèteriez-vous un tableau de Fragonard ? J’ai chez moi une Bacchante qui vaut la Cruche cassée…
– Madame, je n’achète pas de tableaux.
– Une de mes amies voudrait aussi se défaire d’un magnifique tapis des Gobelins ; elle le donnerait pour un prix fabuleux de bon marché.
– Je n’ai besoin de rien, madame.
– Ah çà ! il n’y a donc rien à faire avec vous !
– Rien absolument.
– Vous ne pourriez pas me faire avoir un bureau de tabac ? mon père était commandeur de l’ordre de Sainte-Hélène.
– Je suis absolument impuissant.
– Je crois m’en être aperçue. Enfin vous paierez bien ma voiture ? Je n’ai pas le sou et voilà six heures que je roule sans étrenner.
– Tenez, voilà vingt francs.
– Merci, baron, ce sera pour une autre fois.
Exit la dame.
– Ouf !… j’ai cru que je ne m’en débarrasserais jamais. Il sonne ; entre l’huissier. Faites monter M. Maréchal.
Au bout de cinq minutes, entre M. Maréchal.
– Avez-vous corrigé les dernières épreuves ?
– Oui, monsieur.
– Pendant que j’y pense, il faut que je vous adresse un reproche.
– Un reproche ?
– Vous m’avez fait jouer l’autre jour un fort s*t personnage. Vous vous avisez de changer, sans m’en prévenir, une page de ma brochure ; lorsque Dentu m’en a parlé, je ne savais pas ce qu’il voulait dire. J’ai soutenu qu’il se trompait ; il est allé me chercher les épreuves, et vous jugez de mon embarras. À l’avenir, quand je ferai des changements à mes ouvrages, prévenez-m’en, que diable ! c’est bien le moins.
– Je n’y manquerai pas.
– Je veux bien m’occuper de vous, signer votre prose, mais encore faut-il que vous vous en montriez digne.
– Je m’y appliquerai, monsieur le baron.
– Et puis, soignez votre orthographe. Hier encore vous m’avez fait signer une lettre dans laquelle il manquait deux accents. Je ne puis cependant pas employer mon temps à corriger vos boulettes. Enfin, cela passera cette fois encore. Donnez-moi les épreuves que j’y inscrive le bon à tirer. Où cela se met-il ?
– Là, monsieur le baron.
– C’est bon, je le savais.
– Je vous ferai respectueusement remarquer, monsieur, que cette fois encore vous avez écrit : « Bon à tirer » avec deux R.
– Comment ! comment ! où voyez-vous deux R ?
– Ici, monsieur le baron.
– C’est ma foi vrai ! Cela m’arrive toujours quand je ne prends pas mes lunettes. – Allez à l’imprimerie, monsieur Maréchal, et recommandez qu’on se hâte. Allez, et soignez votre orthographe.
Exit M. Maréchal.
Entre Joseph.
JOSEPH – Voilà la réponse que M. le baron attendait.
LE BARON – Donnez vite ! – Il n’est rien arrivé de fâcheux ?
JOSEPH – Non, monsieur le baron. C’est la dame qui m’a ouvert. Elle m’a dit d’attendre en bas. Je suis descendu. Un quart d’heure après, elle est sortie en voiture et a laissé tomber par la portière la réponse que j’ai eu l’honneur de vous remettre.
– C’est bien, laissez-moi.
Joseph sort.
LE BARON lisant :
Gaston, mon cher Gaston,
Que vous êtes cruel et que votre lettre m’a fait de mal ! Vous êtes tous les mêmes, vous autres hommes.
– Tiens ! comment le sait-elle ?
« Tant que nous n’avons pas accompli pour vous le dernier des sacrifices… »
– Je trouve sacrifice adorable !
– « Vous ne voulez pas vous croire aimé. Eh bien ! soit… »
– Allons donc !…
« Disposez de moi. Mais vous devez comprendre, mon ami, tout ce que je souffrirais après cela, chaque fois que vous et mon mari seriez en présence. Il y a de ces pudeurs, de ces délicatesses dont une femme, fût-elle la plus misérable des misérables, ne saurait faire bon marché. Noble et généreux comme vous l’êtes, assurément vous me comprenez. »
– Je ne vous comprends que trop, madame, je ne vous comprends que trop.
« Votre Charlotte veut vous aimer sans remords. Je vous en supplie, faites accorder à mon mari une recette générale de première ou, au moins, de seconde classe, dans les environs de Paris. Travaillons ensemble à assurer son bonheur. »
– Une recette générale et de première classe, encore ! Charlotte, vous n’y pensez pas. Une inspection dans les assurances contre la grêle fera l’affaire ; j’en ai précisément une sous la main.
Cette union intime de nos deux âmes, ce tendre accord a quelque chose qui m’entraîne. Croyez-moi, Gaston, après que nous nous serons employés à assurer le bien-être de celui que nous trompons, nous serons plus à l’aise pour nous aimer. Et puis, je serais si fière d’avoir pu contribuer, même sans qu’il s’en doutât, à assurer l’avenir du père de nos enfants.
Je vous aime du plus profond de mon âme, Gaston, et après l’aveu qui vient de m’échapper, il faut que je vous voie. Je passerai ce soir, à quatre heures, Chaussée-d’Antin (côté droit), en revenant de chez ma sœur. Je m’arrêterai devant le n° 29 ; venez. – Puissiez-vous être aussi heureux en pensant que je vous aime, que, moi, je suis heureuse en pensant que vous m’aimez.
Votre CHARLOTTE.
P.-S.– J’apprends à l’instant que deux recettes générales de première classe vont être vacantes. Nous en causerons ce soir à quatre heures.
LE BARON après avoir reployé la lettre et l’avoir mise dans sa poche.
– Joseph ! vous ferez atteler le petit coupé bleu ; vous savez ? Louis conduira en tenue banale. Qu’il soit à quatre heures Chaussée-d’Antin, à la porte du 29. Il n’avancera que si je fais un signe et me suivra à distance. Je n’ai besoin ni de groom ni de valet de pied. Vous mettrez dans la voiture une boule d’eau chaude et des fourrures. Vous y mettrez aussi un bouquet de chez Barjon, et une boîte de fondants que vous prendrez chez Boissier… comme à l’ordinaire. J’irai à pied au cercle (Le baron sur le perron.) Ouf !… il est temps que j’arrive au ministère ! j’ai besoin de me reposer !