Chapitre 4

2214 Words
Caroline - Ci vediamo settimana prossima (à la semaine prochaine), lança Monsieur Bianchi, le professeur d'anatomie pathologique en sortant de la salle. Je pris mes effets personnels et les mis à l’intérieur de mon sac à dos. - Tu dois bosser aujourd'hui ? demanda Alessandro, mon camarade de classe et ami. - Oui, je commence d'ici une heure, ripostai-je en regardant ma montre. Il était en effet 17 h et je devais prendre le service au Mac Donald ce soir à 18 h. - As-tu besoin d'un coup de main pour transporter tes affaires ? demanda Alessandro. - Non Alessandro, je t'en remercie. Je saurais me débrouiller, répondis-je avec un léger sourire aux lèvres. Tu en as déjà assez fait pour moi. - Mais non, ce n'est vraiment pas un problème et en plus, l'appartement de ma grand-mère devait être remis en location de toute façon, que ce soit toi ou quelqu'un d'autre, cela ne change pas grand-chose. J'eus envie d'éclater de rire à ces propos. Il n'avait pas la moindre idée de ce que cela représentait pour un étranger, de surcroit noir, sans bulletin de paie consistant, sans famille pour faire office de garant, de trouver un logement de nos jours. J'étais une jeune camerounaise de 27 ans, arrivée en Italie il y a cinq ans pour entreprendre des études de médecine. Je n'avais pas de famille ici, juste quelques amis. J'habitais un appartement avec deux autres étudiantes camerounaises, mais malheureusement pour nous, le propriétaire nous avait demandé de libérer son appartement, nous accordant un délai de trois mois. Il était fatigué des tracasseries que représentait la location et avait décidé de le vendre. Je m'étais ainsi retrouvée dans une position vraiment inconfortable. J'avais commencé à éplucher les annonces et quand j'appelais au téléphone, certains me raccrochaient au nez dès qu'ils percevaient mon accent étranger. D'autres me donnaient des rendez-vous et quand je m'y rendais, l'appartement avait mystérieusement été loué dans la nuit. Je commençais sérieusement à désespérer. Mes colocataires avaient décidé de s'installer chez leur copain en attendant de trouver autre chose. Au détour d'une conversation avec Alessandro, je lui avais fait part de mon problème de logement. Il m'avait parlé de cet appartement de sa grand-mère qui avait récemment été libéré. - C'est un petit appartement, je te préviens, chambre, cuisine américaine et petite toilette, m'avait dit Alessandro. Ah j'oubliais, tu as même un tout petit balcon. - Alessandro, c'est plus que suffisant pour moi. Que demande ta grand-mère comme loyer ? avais-je demandé à Alessandro. - Ne t'inquiète pas pour ça, j'en parle avec elle et je te reviens. Nous étions ensuite allés visiter l'appartement et il me plaisait bien. Alessandro m'avait informé quelques jours plus tard que sa grand-mère demandait 400 euros pour le loyer. C'était beaucoup plus que ce que je payais avec les filles. J'occupais une chambre double et je payais 220 euros le mois, là, c'était pratiquement le double qu'il me demandait. Mais je devais admettre que le prix était bas par rapport à la moyenne et surtout pour la zone, ce n'était pas très loin de la fac. D'un autre côté, je ressentais le besoin d'avoir mon espace à moi. Je m'entendais assez bien avec ma colocataire, mais ce n'était pas toujours facile de partager la chambre avec quelqu'un d'autre. Je touchais près de 900 euros chaque mois et j'y laisserais 400 euros seulement pour le loyer, entre ma petite voiture et mes frais scolaires, j'arriverais de justesse à chaque fin de mois, si j'y arrivais ! - Ça me va, avais-je d'une voix décisive à Alessandro. C'est bon, je le prends. - D'accord, je te confirme tout d'ici demain, conclut Alessandro avec un large sourire. Tu sais, je n'habite pas très loin de là, nous aurions l'occasion de nous voir plus souvent. Bah voilà la raison de ma réticence à accepter la proposition d'Alessandro. Je savais au fond de moi qu'il avait le béguin pour moi, mais je faisais semblant de ne pas le remarquer. De son côté, il n'osait pas se déclarer, ce qui m'arrangeait. - T'es sûre de n'avoir vraiment pas besoin d'un coup de main ? insista Alessandro. - T'inquiète, je devrais y arriver. J'ai pris mon congé ce week-end au boulot, je vais en profiter pour transporter mes affaires, déjà que je n'ai pas grand-chose. L'appartement était déjà meublé quand nous y étions entrés. - C'est cool, ici aussi tu as déjà tout le nécessaire comme tu as pu le constater, même si c'est assez minimal, répondit Alessandro. - C'est parfait ainsi, répondis-je avec un large sourire. J'étais tellement soulagée d'avoir enfin pu trouver un logement. - Ale, je dois te laisser, je risque d'arriver en retard au boulot, dis-je en me levant précipitamment. - Je ne sais pas comment tu fais, s’exclama Alessandro. J'y arriverais jamais moi ! - La nécessité mon cher, lui répondis-je en riant. Alessandro vivait chez ses parents qui le prenaient totalement en charge. Il avait de la peine à comprendre comment je faisais pour tout gérer : maison, études et boulot. Je lui fis une bise rapide et m'éloignai rapidement vers la sortie de l'amphi. Je comptais aménager ce weekend et l'inviter à dîner le week-end prochain pour le remercier. Il me sauvait vraiment la mise. Je m'installai dans ma petite voiture et tant bien que mal, je rejoignis mon lieu de service. Je travaillai machinalement malgré l'énorme fatigue que je ressentais. J'avais déjà commencé à empaqueter mes effets, ce qui me prenait énormément de temps et d'énergie. Le samedi matin arriva bien vite. Je commençai à charger les différents cartons dans ma voiture. Je pris la route et arrivai quelques minutes plus tard au pied de l'immeuble. Je descendis de voiture en portant péniblement mes affaires quand j'entendis une voix derrière moi. - Bonjour, avez-vous besoin d'un coup de main ? Je me tournai la tête et vis une jeune-femme brune, assez frêle. Nous avions sensiblement le même âge. - Euh, je vous remercie, mais ça devrait aller, dis-je avec un faible sourire. - Je suppose que vous êtes la nouvelle voisine, répliqua la dame en répondant à mon sourire. Je suis Tiziana, j'habite l'appartement juste en face du vôtre. - Enchantée, Caroline, répondis-je en lui tendant la main. - Vous êtes certaine que vous n'avez pas besoin d'aide ? insista Tiziana. - Si vous insistez, lui dis-je en me demandant dans quelle mesure pouvait-elle m'être utile, elle me semblait tellement menue que j'avais peur qu'elle ne se rompe l'échine avec un de mes cartons. Vous pouvez prendre celui-ci, continuai-je en lui indiquant un de mes cartons les plus légers. - D'accord, répondit Tiziana en soulevant sans grande difficulté le carton en question. J'eus de la peine à masquer ma surprise. - Haha, je fais toujours cette impression, lança Tiziana d'un ton hilare. Ne jamais se fier aux apparences, continua-t-elle en me faisant un sourire sibyllin. Nous fûmes très rapidement dans mon appartement. - Vous pouvez le déposer là, dis-je en lui indiquant un angle de mon minuscule salon. Merci encore. - Il n’y a vraiment pas de ... Tiziana dut interrompre sa phrase à cause de la sonnerie de l'interphone. - Un moment s'il vous plaît, dis-je en me rendant à l'interphone. Qui est-ce ? demandai-je 'une voix interloquée. - C'est moi Caroline, Alessandro. Mais que faisait-il là ? Je lui avais pourtant dit que je n'avais pas besoin d'aide. J'ouvris la porte d'entrée de l'immeuble depuis l'interphone. - Tout va bien ? demanda Tiziana. - Eh oui, ça va, répondis-je sous le regard inquisiteur de Tiziana. Elle avait dû percevoir mon trouble. - Euh, j'y vais. Je suis dans l'appartement juste en face, si vous avez besoin de quoi que ce soit, n'hésitez surtout pas. - D'accord et merci encore pour tout à l'heure. Je l'avais dit en la suivant dans le couloir. Alessandro déboucha à ce moment et arriva très rapidement à notre hauteur. Il jeta un regard surpris vers Tiziana avant de reporter le regard sur moi. - Bonsoir, désolé de débarquer ainsi à l'improviste, je passais dans le coin et j'ai pensé à te faire un coucou et aussi pour savoir si tu avais besoin d'un coup de main. - C'est très gentil de ta part, répondis-je. Au fait, je te présente ma nouvelle voisine. Alessandro, Tiziana. Tiziana, Alessandro. - Buonasera, piacere Alessandro (Enchanté, Alessandro), dit Alessandro en tendant la main à Tiziana. - Piacere mio, Tiziana (moi de même, Tiziana), répondit Tiziana en acceptant la main d'Alessandro. Je vais vous laisser, bonne soirée à vous, poursuivit Tiziana. - À vous de même, nous répondîmes en chœur Alessandro et moi. Tiziana prit congé de nous et je me trouvai actuellement face à Alessandro. - T'as fini ? demanda Alessandro pour rompre le malaise. - Euh, pas vraiment. J'ai encore quelques effets dans la voiture. - Qu'attendons-nous ? Allons-y, dit Alessandro avec un large sourire. Nous descendîmes et transportâmes les choses en près de trois tours. - Où veux-tu que je mette ce carton ? demanda Alessandro. - Dans la cuisine, répondis-je en le suivant. Je déballai immédiatement le carton qu'Alessandro avait à peine déposé dans la cuisine et sortis tous les ustensiles de cuisine. Je commençai à ranger et Alessandro me donna un coup de main. Je regardai ma montre et me rendis compte avec stupéfaction qu'il était déjà 19 h. - Je pensais faire des pâtes à la tomate, ça te dirait ? demandai-je à Alessandro. - Volontiers, répondit-il avec un large sourire. Trente minutes plus tard, nous étions confortablement installés au salon à dévorer notre repas. - Merci Caroline, s'exclama Alesandro en s'adossant à une chaise. - Merci à toi, merci pour tout, répondis-je avec le sourire. - T'as déjà tout emporté ? demanda Alessandro. - Non, mais je n'ai plus grand-chose. - D'accord, rendez-vous demain matin ici à 9 h. - Mais, Alessandro ! Ce n'est vraiment pas nécessaire. - J'insiste Caroline, affirma Alessandro d'une voix ferme. Je soupirai simplement et lui lançai finalement un regard reconnaissant. Tiziana La nouvelle voisine avait aménagé il y a près de deux semaines de cela. J'avais eu l'idée de faire un petit gâteau pour lui souhaiter la bienvenue. J'étais actuellement devant sa porte avec mon petit plateau contenant ledit gâteau. Elle m'avait semblé sympa. Toutes les fois que nous nous étions croisées, nous avions échangé des cordialités et le courant semblait bien passer entre nous. Ma vie pendant ces trois dernières années s'était résumée au boulot et à Giorgio. Je ressentais le besoin de sortir de ma zone de confort et de me faire de nouvelles rencontres. Dans ma ville natale à Palermo, j'avais beaucoup d'amis et j'avais une vie mondaine. Je savais que Giorgio n'allait pas apprécier mon initiative, mais j'en avais marre de cette vie de reclus. J'appuyai sur le bouton de sonnette où était inscrit : Caroline Nganso. La porte s'ouvrit quelques minutes plus tard sur Caroline qui me jeta un regard surpris. - Bonjour Tiziana, s'exclama Caroline avec un large sourire. - Bonjour Caroline, ceci est pour toi, dis-je en lui tendant mon plateau. C'est juste pour te souhaiter la bienvenue. - Wow, merci, c'est très gentil de ta part, s'exclama Caroline avec un sourire émerveillé. Viens rentre, ne reste pas là ! m'invita Caroline en se mettant sur le côté pour me permettre d’accéder à son appartement. J'entrai et elle m'invita à prendre place. - Je te sers quelque chose à boire ? - Un verre d'eau merci, répondis-je un peu embarrassée. Caroline apporta de quoi boire, quelques friandises et mon gâteau. Une petite gêne s'installa entre nous. - T'habites ici depuis longtemps ? demanda Caroline. - Oui, pratiquement depuis mon arrivée à Brescia, c'est-à-dire trois ans. En fait, je suis venue à Brescia pour... Je lui racontai les raisons de ma venue dans le nord de l'Italie et elle me raconta un peu de sa vie en Italie depuis près de cinq ans. Nous avions pratiquement le même âge, elle 27 ans et moi 28. La soirée se déroula paisiblement jusqu'à ce que je ne reçoive l'appel de Giorgio. Un sentiment de panique envahit mon être avant que je ne cherche à le dominer. Je ne faisais rien de mal après tout. - Tu ne réponds pas ? demanda Caroline en me regardant attentivement. - Euh, je vais le rappeler plus tard. C'est Giorgio, mon petit ami. - D'accord, répondit Caroline sans me lâcher du regard. Comme je te disais tout à l'heu... Caroline dut interrompre sa phrase, car mon téléphone se remit à sonner incessamment. - Tu devrais répondre, ça ne me dérange aucunement, dit Caroline. - Euh, je vais y aller, il commence à se faire tard, rétorquai-je en me levant brusquement. - D'accord ma belle et merci encore pour la visite, répondit Caroline avec un large sourire. - Pas de quoi, dis-je précipitamment en sortant de son appartement presque au pas de course. Mon téléphone était encore en train de sonner. J'entrai dans mon appartement et étais sur le point de décrocher quand la sonnerie fut interrompue. J'étais sur le point de le rappeler quand mon téléphone recommença immédiatement à sonner. Je décrochai le cœur battant. - Où étais-tu bon sang ?! Et pourquoi ne répondais-tu pas à ton téléphone ? hurla Giorgio à l'autre bout de la ligne.
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