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Sel, poivre & Marjolaine

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Les Editions Memory présentent aujourd'hui un nouveau livre de leur série « Romans culinaires ».

L'eau nous en vient déjà à la bouche lorsque nous découvrons le titre : Sel, Poivre et Marjolaine. Un goût de salé, de piquant...et de curiosité cristallise déjà nos papilles : Qui est Marjolaine, ou qu'est-ce que la marjolaine ? Ce nouveau récit de Jules Boulard entraîne le lecteur dans des dérives culinaires, oenologiques, historiques et culturelles de la belle ville de Mons où, pour le plus grand bonheur des trois « Montois Cayaux », principaux acteurs de ce récit, sévit un restaurant haut de gamme : « Les Gribaumonts ».

Nos trois « Montois Cayaux », après une vie professionnelle bien remplie, se retrouvent « en oisiveté de retraités » et, épris l'un comme l'autre de bonne chère, prennent la décision de découvrir de nouvelles saveurs ou de se souvenir de bonheurs anciens en fréquentant régulièrement ce restaurant et en essayant, sans la carte, évidemment, « noblesse oblige », de retrouver les mets et vins que, fins connaisseurs, ils ont dégustés plus souvent qu'à leur tour.

Leur bonheur de se retrouver en de telles circonstances, ajouté au plaisir de redécouvrir de beaux quartiers historiques de la ville de Mons, et ce quelquefois en belle compagnie, n'a d'égal que leur connaissance approfondie des vins proposés par Nicolas, sommelier. Et c'est ainsi, dans la douceur veloutée des plats et des vins, et dans la fréquentation aussi épisodique que mystérieuse d'une « Marjolaine » que s'est élaboré ce nouveau recueil de recettes que le lecteur, friand et curieux, découvrira en fin de volume : fiches détachables et recettes décrites avec beaucoup de précisions.

Mais, chers amis lecteurs, ne vous laissez pas griller d'impatience pour arriver enfin aux recettes. Voyez-les d'abord, puis lisez le texte avec douceur et bienveillance : il mérite bien cela ! Un livre qui se découvre et se redécouvre avec bonheur et appétit ! Comme tout est bon dans la bouche de nos trois « Montois Cayaux » ! Seraient-ils gourmands, ou gloutons ? Oh non, ils sont tout simplement gourmets et connaisseurs ! Le raffinement dans l'art de déguster !

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Chapitre I
I– Non ! Non et non ! Mille fois non ! En abattant le poing sur la table, François Maréchal faillit renverser les verres de « Saison ». Il tomba d’ailleurs, dans le cafébrasserie montois, un instant de silence que les éclats de rire de ses deux convives ponctuèrent comme un double point d’exclamation. Aussi confus que le héron de la fable, il leva sa bière à hauteur des yeux puis, profitant de la douce lumière du couchant qui illuminait la place, ses façades en dentelle et les jeux d’eau qui s’élançaient joyeusement, il mira le beau breuvage sombre, nappé de mousse immaculée, fine et onctueuse à souhait. – Ce serait un gaspillage honteux, saint Feuillien ne me le pardonnerait pas, convint-il en hochant la tête. Alors, il but lentement, savourant en connaisseur la magie brune et fruitée qui rafraîchissait le cœur autant que les idées. Puis, après avoir, du bout de la langue, essuyé ses lèvres et les souvenirs d’écume accrochés aux poils de ses moustaches, il reprit plus calmement : – Je veux dire, Charles, que je ne peux pas être d’accord avec toi quand tu prétends que… – Moi ! Mais je ne prétends rien ! coupa l’autre. Je considère seulement que la vie met à notre disposition des tas de machins fabuleux : la technique, la communication, les voyages, l’information, l’informatique… Des trucs merveilleux. Je dis que nous avons bien de la chance par rapport aux générations d’autrefois qui ne pouvaient qu’aller à pied, et rarement plus loin que le bout de leur village, c’est-à-dire le bout de leur nez. Ce n’est pas ton avis, Président ? Celui qu’il appelait « Président » plissa les paupières en souriant doctement. – Pour commencer, je ne suis plus président depuis quinze ans au moins : la balle pelote est morte de sa belle mort… Pourtant, combien n’avons-nous pas eu de fameuses journées avec « notre petite reine blanche » ! Enfin ! Et je ne veux pas non plus servir d’arbitre entre deux loustics retraités qui ne s’entendent pas tout simplement parce qu’ils ne parlent pas de la même chose. Toi, Charles, tu fais l’inventaire des progrès matériels, et toi, François, comme d’habitude, tu prends le deuil de leur jouissance. Il n’y a pas de quoi se chamailler. Allez ! À votre santé ! Ils reprirent leurs verres dans un recueillement partagé, en harmonie provisoirement ravaudée. Mais François Maréchal, têtu, revint bientôt à son idée : – Reconnaissez quand même que ça ne sert pas à grand-chose d’avoir à sa disposition une quantité de merveilles techniques – enfin… des « merveilles », c’est ce que tu prétends, Charles, tes propres mots… – et de ne trouver ni le temps, ni l’intelligence d’en profiter vraiment. On n’a jamais autant couru pour être toujours en retard, on n’a jamais été aussi loin pour se voir rattrapé par l’indiscrétion des téléphones portables et, quand enfin on s’arrête, c’est pour tomber en pleine dépression. Comment dit-on ? Le burne ahoute ? Tu ne prétendras pas, Président… Euh, excuse !… mon cher Guillaume… que c’est ainsi qu’on va se sentir pleinement heureux ! Les deux autres se regardèrent, opinant du chef, bien obligés d’en convenir. Alors, pour se donner le délai de la réflexion, une trêve, ou pour trouver une réponse qui n’ait pas trop l’air d’une capitulation devant le bon sens, ils firent signe au barman : – Aldo ! Remets-nous ça ! Le garçon, occupé au comptoir, prit le temps de servir d’autres clients, d’encaisser, de rendre la monnaie. Les trois compères, songeurs, devant leurs verres vides frangés d’un souvenir d’écume, semblaient avoir perdu leur verve. Puis Charles Neveu, soudain impatient, se mit à pianoter sur le bord de la table. – Je crois, reprit Guillaume, un tantinet provocateur, que l’abc du plaisir et peut-être du bonheur, c’est d’abord la patience. Regardez là-bas, ajouta-t-il en riant plus ouvertement, le Singe du Grand Garde… là, devant nous, accroché depuis des siècles à la façade de l’Hôtel de Ville, il prend son mal en patience. On dirait le « Penseur » de Rodin. Il ne perd rien à devoir attendre : tous les jours, des dizaines de douces menottes féminines viennent amoureusement lui caresser le crâne. Quelle jouissance ! Tu n’en as pas autant, toi, François… Et pourtant ce n’est pas faute d’avoir le caillou aussi lisse que le sien… Le barman apporta enfin de nouveaux verres et trois autres bouteilles de « Saison » qu’il se mit à transvaser avec art, ménageant un superbe col de mousse, dans un savoir-faire que les convives apprécièrent en silence, une dernière ébauche de sourire suspendue aux lèvres. Était-ce au souvenir de la plaisanterie éculée de Mercier sur la calvitie de l’autre, ou bien une jouisseuse anticipation des rafraîchissantes saveurs promises, délicatement sucrées et fruitées, qui s’annonçaient ? Le breuvage s’écoulait doucement à mi-hauteur de la coupe. Maréchal, vigilant, leva la main dans un geste d’arrêt solennel : – Aldo ! – Je sais, coupa l’autre avec un soupçon de susceptibilité. Je connais mon métier. On ne remplit pas tout le verre. On laisse dans la bouteille de quoi recomposer un beau col de mousse, sinon la bière s’oxyde. Puis, plus conciliant : Je connais mes pratiques ; je ne me risquerais pas à tricher devant des connaisseurs comme vous. François Maréchal, Charles Neveu et Guillaume Mercier étaient de vieux amis. Tous les trois à la retraite, ils s’étaient connus sur les bancs de l’athénée, dans les années cinquante, à l’époque où les « humanités anciennes » livraient à l’enseignement supérieur des lots de potaches capables d’avaler toutes les matières indigestes des universités pourvu qu’elles soient assaisonnées de sel attique, relevées de poivre d’Épicure et décorées de gauloiserie tonique. Ils en avaient d’ailleurs gardé le goût, l’esprit et la verve. Le premier du trio, après avoir tutoyé le « Droit » sous toutes ses formes et dégusté cent fois la lecture des catilinaires, s’était converti à la magistrature, comme juge de paix « car, disait-il, j’aime mieux guérir que punir… ». « Guérir », c’était aussi la profession de foi de Neveu, ancien médecin généraliste, qui savait fort bien de quoi il parlait pour avoir usé jusqu’à la trame les pneus de nombre d’automobiles par les routes du canton, et béni, en le maudissant parfois, le téléphone qui l’obligeait à confronter sommeil et serment d’Hippocrate. Quant au troisième, le « président » de l’ancien club du jeu de balle, ses études de « philo et lettres » l’avaient malignement fourvoyé, après quelques escapades artistiques du côté de la scène et des cimaises, vers le restaurant paternel. C’était jadis une maison de bouche ancestrale qu’il avait préféré fermer après plusieurs années de succès, en restant sur le souvenir des gloires passées, plutôt que de céder aux exigences d’un modernisme culinaire dont il se méfiait. Sans s’être jamais vraiment perdus de vue, ils avaient vécu leurs cheminements professionnels, et la retraite atteinte – « enfin ! » en ce qui concernait les jours de rhumatismes… « trop tôt ! trop vite ? » entre deux agacements de goutte – ils ravaudaient de plus en plus souvent, à la Brasserie de la Grand-Place, la trame ineffable, féconde, mais mitée aussi, de leurs souvenirs. Un silence abyssal, une plongée à contre-bulles au fond de leurs verres, distillèrent à nouveau quelques pensées métaphysiques que chacun poursuivit de son côté en méditant sur la fugacité de la vie, la vanité des plaisirs et la sublimation de leur mousse. – Mieux vaut la bière dans le corps que le corps dans la… soupira lourdement Maréchal. – Oui… Et qui disait qu’il vaut mieux une bière d’Alsace qu’un cercueil de Lorraine ? compléta Neveu, encore plus pesamment. – Oh ! Ça va ! Elles sont connues, largement éculées. Comme de vieilles ribaudes ! coupa Mercier. Les plaisanteries salaces et pataudes ayant fait long feu telles des cartouches d’exercice, ils replongèrent dans leur nirvana, tandis qu’Aldo s’avançait avec une apparence de commisération sincère : – Eh bien, Messieurs ! Il me semble que vous avez le moral dans les chaussettes. Et pourtant vous voilà arrivés là où chacun aspire. La retraite ! À vous regarder, on pourrait croire que la « Saison » n’est bonne qu’à noyer des regrets. – Vois-tu, Aldo, répondit Mercier en ébauchant un sourire narquois nuancé d’amertume, ces deux-là ne sont pas encore habitués à savourer chaque instant du temps qui passe. L’excitation du boulot leur manque. Comprends-les : un juge sans accusé, c’est une guillotine sans couperet, un médecin sans malade, c’est une béquille abandonnée à Lourdes. Ils sont honteux de leur désœuvrement, comme les crabes de Madagascar quand ils perdent leur carapace. Il n’en fallait pas davantage pour titiller des amours-propres chatouilleux, surtout celui de Maréchal qui réagit au quart de tour : – Hé ! Ho ! C’est bon comme ça, l’artiste ! Ce n’est pas parce que maintenant tu barbouilles des toiles que… que tu… Il faillit s’étrangler. Et puis qu’est-ce que tu sais exactement de la psychologie ou de la pudeur des crabes de Madagascar ? – C’est vrai, grogna Charles Neveu, après tout, qu’est-ce que tu en sais ? Moque-toi de toi-même, tu es plus près. Puis, changeant de ton : c’est vrai aussi que ça me plairait de faire encore quelque chose d’intéressant, autre chose que du jardinage ou de l’aquarelle comme certain artiste que l’on connaît… C’est encore Aldo qui les tira de l’abîme où ils sombraient derechef. Il imposa d’office devant eux trois nouvelles « Saison ». – Voilà, Messieurs. C’est la tournée du patron. Pourquoi ne faitesvous pas quelque chose ensemble ? Vous vous connaissez depuis toujours, vous partagez les mêmes goûts pour les bonnes bières, le bon vin, la bonne table ; vous êtes de vrais Montois Cayaux. Vous en auriez des choses à dire ! Ils se regardèrent en silence, le temps de passer du scepticisme à l’intérêt. – Hé ! Ce n’est pas idiot, ce qu’il raconte là, fit remarquer Mercier aux deux autres. Souvenez-vous… Quand on a commencé à besogner, après l’université, on avait juré de se réunir périodiquement autour d’une bonne table, et de tout faire pour ne pas laisser nos souvenirs montois couler à pic, petit à petit, dans la mare gluante de l’oubli… – On voulait grimper au beffroi, sonner le tocsin pour que la ville ne s’endorme pas, ironisa Maréchal un peu amer. On était jeunes, gourmands de tout et idéalistes. Et voilà qu’à présent nous sommes devenus trois vieux radoteurs inutiles. C’est nous qui nous endormons peu à peu dans un ultime sommeil… Au fond du troisième verre, la bière appesantit les paupières, mais assurément, c’est pour mieux réfléchir et réveiller les idées. Donc, assez naturellement, Neveu lança la sienne : – Je vais peut-être dire une sottise… Qu’en pensez-vous ? Si on fondait une confrérie gastro… gastro… – Gastro… ! Voilà le toubib qui se réveille ! On reconnaît bien là ta sensibilité iléoviscérale. – Non… gastro…nomique et archéo… – Archéologicogastronomique… C’est trop malaisé à prononcer, on va dire plus simplement « historique et gastronomique ». Mais c’est vrai, c’est une bonne idée ! approuva Mercier enthousiaste. Et je peux même vous dire comment on va l’appeler. Il se leva, solennel, prit une voix grave, sonore, et déclama : Ce 21 septembre de l’an de grâce deux mille onze, sur les fonds baptismaux mousseux de la Brasserie de la Grand-Place en la bonne ville de Mons en Hainaut a été ondoyée à grand renfort de Saison « La Joyeuse Confrérie des Compagnons de Lucullus » ! Et, dans un geste large : Aldo ! Un verre pour arroser ça ! Quatre salves, c’est beaucoup pour la lucidité. D’autres idées concomitantes jaillirent dans tous les sens comme un feu d’artifice incontrôlé. Mais le projet, lui, ne s’évanouit pas dans les étincelles et la fumée des fusées. Il s’accrocha au coin de leur pensée ainsi qu’un fruit de bardane, de plaque-madame, au revers du veston, titillant, agaçant l’imagination. En les voyant sortir un peu moins assurés qu’à l’arrivée, Aldo et le patron de la brasserie échangèrent un clin d’œil : – Pourquoi pas ? dit le barman. – Surtout s’ils installent ici leur quartier général, fit l’autre. Aldo, d’un geste décidé, changea son liteau d’épaule.

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