Logan fixe silencieusement l’eau pendant un long moment, les poings serrés sur le volant. Finalement, il dit :
Comme tu veux. C’est ta vie que tu risques, mais je reste sur le bateau. Tu as deux heures. Si tu n’es pas revenue à temps, je pars.
Je détourne les yeux et regarde l’eau, absolument furieuse. Je voulais qu’il vienne. J’ai l’impression qu’il ne s’occupe que de lui-même, et ça me déçoit. Je le croyais meilleur que ça.
Alors, tu te soucies seulement de toi, c’est ça? je demande.
Ça m’inquiète aussi qu’il ne veuille pas m’accompa- gner jusqu’à la maison de mon père. Je n’y avais pas pensé. Je sais que Ben ne voudra pas venir et j’aurais apprécié un peu d’aide. Quoi qu’il en soit, je suis quand même décidée. J’ai fait une promesse et je vais la tenir avec ou sans lui.
Il ne répond pas, et je vois bien qu’il est agacé.
Je scrute le fleuve pour éviter de le regarder. Pendant que l’eau s’agite au milieu du rugissement constant du moteur, je prends conscience que je ne suis pas seulement furieuse parce qu’il me déçoit, mais parce que je commen- çais à avoir de l’affection pour lui, à compter sur lui. Il y a très longtemps que je n’ai pas dépendu de qui que ce soit. C’est inquiétant de dépendre à nouveau de quelqu’un, et je me sens trahie.
Brooke?
Mon cœur tressaille en entendant la voix familière, et je me retourne pour voir ma petite sœur éveillée. Rose se réveille aussi. Ces deux-là sont déjà inséparables, comme si elles ne faisaient qu’une personne.
J’ai encore beaucoup de mal à croire que Bree se trouve ici, revenue auprès de moi. J’ai l’impression de rêver. Quand elle a été capturée, une partie de moi était certaine que je ne la reverrais jamais vivante. Chaque instant que je passe avec elle me donne l’impression que le sort m’a accordé une deuxième chance et je me sens plus déterminée que jamais à la protéger.
J’ai faim, dit Bree en se frottant les yeux du dos des mains.
Le chien se redresse aussi sur les genoux de Bree. Elle n’arrête pas de trembler et elle tourne son œil valide vers moi comme pour me faire savoir qu’elle a faim aussi.
Je gèle, dit Rose en se massant les épaules.
Elle ne porte qu’une mince chemise, et je me sens triste pour elle.
Je les comprends. J’ai faim et je gèle aussi. J’ai le nez gelé, et il est presque insensible. Les friandises que nous avons trouvées sur le bateau étaient délicieuses, mais ne
remplissaient pas un estomac vide. Et c’était il y a plusieurs heures. Je songe au coffre de nourriture, au peu qu’il nous reste, et je me demande dans combien de temps il sera vide. Je sais que je devrais rationner la bouffe, mais nous sommes tous affamés, et je ne peux pas supporter de voir Bree dans cet état.
Il ne reste plus beaucoup de nourriture, je lui dis, mais je peux vous en donner un peu, les filles. Nous avons des biscuits et quelques craquelins.
Des biscuits! s’exclament-elles en même temps. Le chien aboie.
Il vaut mieux éviter ça, intervient Logan près de moi.
Je le regarde et le vois tourner les yeux vers l’arrière du bateau d’un air réprobateur.
Nous devons rationner la nourriture.
S’il te plaît! s’écrie Bree. J’ai besoin de manger. Je meurs de faim.
Je dois leur donner quelque chose, je réplique ferme- ment à Logan, comprenant sa raison, mais agacée par son manque de compassion. Je vais distribuer un seul biscuit à chacun d’entre nous.
Et le chien? demande Rose.
Hors de question de donner de notre nourriture au chien, dit Logan d’un ton brusque. Qu’elle se débrouille.
J’éprouve un autre élan de colère vis-à-vis de Logan, même si je sais qu’il a raison. Pourtant, en voyant les regards déconfits de Rose et de Bree, et en entendant de nouveau japper la chienne, je ne peux pas supporter de la laisser mourir de faim. Je me résigne à lui donner une partie de mes propres rations.
J’ouvre le coffre et examine encore une fois nos provi- sions. Il y a deux boîtes de biscuits, trois de craquelins, plu- sieurs sacs d’oursons en gélatine et une demi-douzaine de barres de chocolat. J’aimerais bien que nous ayons des ali- ments un peu plus nourrissants, et j’ignore combien de temps nous allons pouvoir faire durer ce que nous avons, comment le peu qu’il nous reste suffira pour nourrir cinq personnes trois fois par jour.
Je prends les biscuits et en distribue un à chaque per- sonne. Ben sort finalement de sa rêverie en voyant la nour- riture et il accepte un biscuit. Ses yeux sont cernés, et il ne semble pas avoir dormi. Son expression, si anéantie à cause de la mort de son frère fait peine à voir, et je détourne les yeux en lui tendant son biscuit.
Je reviens à l’avant du bateau et tends le sien à Logan. Il le prend et il le glisse dans sa poche, le gardant évidemment pour plus tard. Je ne sais pas d’où il peut bien tirer sa force. Moi, je faiblis seulement à l’odeur du biscuit aux pépites de chocolat. Je sais que je devrais imiter Logan, mais je n’y arrive pas. J’en prends une petite bouchée, résolue à mettre le reste de côté, mais il goûte si bon que je ne peux m’empê- cher de le dévorer en entier sauf la dernière bouchée que je mets de côté pour la chienne.
Ça fait tellement de bien. L’énergie du sucre envahit ma tête, puis mon corps tout entier, et je souhaiterais en avoir une dizaine de plus. J’en ai mal au ventre, alors je prends une profonde respiration en essayant de me maîtriser.
Le fleuve se rétrécit, les rives se rapprochant de plus en plus l’une de l’autre, tandis qu’il s’étire en méandres. Nous sommes proches de la terre, et tous mes sens sont en alerte alors que je scrute les berges pour y déceler un quelconque danger. Je regarde sur ma gauche et aperçois tout en haut d’une falaise les vestiges d’une ancienne fortifica- tion bombardée. Je suis renversée en reconnaissant ce que c’était jadis.
West Point1, dit Logan. (Prestigieuse académie militaire américaine.)
Il doit le reconnaître en même temps que moi.
C’est bouleversant de voir ce bastion de la puissance américaine maintenant transformé en un monceau de débris, son mât tordu pendant au-dessus de l’Hudson. Il ne reste pratiquement rien de ce qu’a été cette institution.
Qu’est-ce que c’est? demande Bree en claquant des dents.
Elle et Rose ont grimpé sur le devant du bateau, près de moi, et elle a suivi mon regard. Je ne veux pas le lui dire.
Ce n’est rien, ma chérie, je réponds. Seulement des ruines.
Je passe mon bras autour d’elle et la serre contre moi, puis fais de même avec Rose. J’essaie de les réchauffer du mieux que je peux en leur frottant les épaules.
Quand retournons-nous à la maison? demande Rose.
Logan et moi échangeons un regard. Je ne sais trop comment répondre.
Nous n’allons pas à la maison, je dis à Rose d’un ton aussi doux que possible, nous sommes en route pour trouver une nouvelle maison.
Allons-nous passer par notre ancienne maison? demande Bree.
J’hésite.
Oui, je dis.
Mais nous ne retournons pas y rester? demande- t-elle.
Non, je réponds. C’est trop dangereux de vivre là-bas maintenant.
Je ne veux pas retourner y vivre, dit-elle. Je détestais cet endroit. Mais nous ne pouvons pas laisser Sasha là-bas. Allons-nous l’enterrer? Tu l’as promis.
Je repense à ma discussion avec Logan.
Tu as raison, je lui dis doucement. Je l’ai promis. Et oui, nous allons arrêter.
Logan se détourne, clairement fâché.
Et après? demande Rose. Où irons-nous, alors?
Nous allons continuer de remonter le fleuve, je lui explique. Aussi loin qu’il va nous mener.
Où est-ce qu’il finit? demande-t-elle.
C’est une bonne question, et je l’interprète dans un sens beaucoup plus profond. Où tout cela se terminera-t-il? Par notre mort? Par notre survie? Est-ce que ça prendra fin un jour? Y a-t-il une quelconque fin en vue?
Je n’ai pas la réponse.
Je me tourne, m’agenouille et la regarde dans les yeux. Il faut que je lui donne de l’espoir. Une raison de vivre.
Il finit dans un magnifique endroit, je dis. Où nous allons, tout est revenu à la normale. Les rues sont si propres qu’elles brillent, et tout est parfait et sans danger. Il va y avoir des gens là-bas, des gens amicaux, et ils vont nous accueillir et nous protéger. Il va y avoir de la nourriture aussi, de la vraie nourriture, tout ce que tu pourras manger, en tout temps. Ce sera le plus bel endroit que tu aies jamais vu.
Rose ouvre tout grand les yeux.
C’est vrai? demande-t-elle.
J’incline la tête. Lentement, un large sourire s’épanouit sur son visage.
Dans combien de temps allons-nous arriver? Je souris.
Je ne sais pas, ma chérie.
Toutefois, Bree est plus cynique que Rose.
C’est vraiment vrai? demande-t-elle doucement.
Est-ce qu’il y a réellement un pareil endroit?
Oui, je lui réponds en essayant de paraître le plus convaincante possible. N’est-ce pas, Logan?
Logan les regarde, hoche brièvement la tête, puis détourne les yeux. Après tout, c’est lui qui croit au Canada, qui croit en une terre promise. Comment pourrait-il en nier l’existence maintenant?
Nous suivons les méandres de l’Hudson qui tantôt devient plus étroit, tantôt s’élargit de nouveau. Finalement, nous entrons dans une zone que je connais bien. Nous pas- sons des endroits que je reconnais, nous rapprochant de plus en plus de la maison de papa.
Nous contournons une étroite péninsule, et j’aperçois une petite île rocheuse inhabitée. On y voit les ruines d’un phare, sa lumière depuis longtemps éteinte, sa structure qui en est réduite à une façade.
Nous contournons un autre coude dans le fleuve, et j’aperçois au loin le pont sur lequel je me suis trouvée seule- ment quelques jours auparavant quand je pourchassais les chasseurs d’esclaves. Là, au milieu du pont, je vois l’énorme trou qu’a créé l’explosion, comme si on y avait laissé tomber un boulet de démolition. Je me souviens en un éclair du moment où Ben et moi filions à travers celui-ci sur la moto et où nous avons failli tomber. C’est incroyable. Nous y sommes presque.
Tout cela me fait penser à Ben, me rappelle comment il m’a sauvé la vie ce jour-là. Je me retourne pour le regarder. Il fixe l’eau d’un air morose.
Ben? je fais.
Il lève la tête et me regarde.
Tu te souviens de ce pont?
Il regarde, et je vois la peur dans ses yeux. Il se souvient.
Bree me pousse du coude.
Je peux donner une partie de mon biscuit au chien? demande-t-elle.
Moi aussi? demande Rose.
Bien sûr, je réponds d’une voix forte pour que Logan m’entende.
Il n’est pas le seul qui soit responsable ici, et nous pou- vons faire ce que nous voulons de notre nourriture.
Sur les genoux de Rose, le chien se redresse comme s’il avait compris. Je n’ai jamais vu un animal aussi futé.
Bree se penche pour lui donner un morceau de son bis- cuit, mais je lui retiens la main.
Attends, je dis. Si tu as l’intention de la nourrir, elle devrait avoir un nom, n’est-ce pas?
Mais elle n’a pas de collier, dit Rose. Elle pourrait s’appeler n’importe comment.
C’est votre chien maintenant, je réponds. Donnez-lui un nouveau nom.
Rose et Bree se regardent avec excitation.
Comment devrions-nous l’appeler? demande Bree.
Qu’est-ce que tu penses de « Pénélope »? dit Rose.
Pénélope! s’exclame Bree. J’aime ça.
J’aime ça aussi, je dis.
Pénélope! s’écrie Rose en direction du chien.
Étonnamment, la chienne se tourne immédiatement vers elle comme si elle avait toujours porté ce nom.
Bree sourit pendant qu’elle lui tend un morceau de bis- cuit. Pénélope l’attrape et l’avale d’une seule bouchée. Bree et Rose rient de tout cœur, et Rose lui donne le reste de son biscuit. Elle l’attrape aussi, puis je tends la main pour lui donner la dernière bouchée du mien. Pénélope nous regarde tour à tour, excitée et tremblante, et jappe trois fois.
Nous rions toutes. Pendant un moment, j’en oublie presque nos ennuis.
Mais au loin, j’aperçois quelque chose au-dessus de l’épaule de Bree.
— Là-bas, je dis à Logan en m’approchant et en poin- tant un index vers notre gauche. C’est là où nous devons aller. Tourne par là.
Je vois la péninsule où Ben et moi avons foncé à moto sur la surface glacée de l’Hudson. Mon cœur palpite en son- geant à quel point cette poursuite était folle. C’est renver- sant que je sois encore en vie.
Logan regarde par-dessus son épaule pour voir si nous sommes suivis, puis il ralentit à contrecœur et tourne en nous menant vers la crique.
Je me sens nerveuse et je regarde autour avec inquié- tude tandis que nous dépassons la pointe de la péninsule. Nous nous laissons glisser le long de celle-ci vers la terre ferme. Nous sommes maintenant très près de la rive et pas- sons un château d’eau effondré. Nous poursuivons notre route et passons bientôt le long des ruines d’une petite ville, en plein milieu de la péninsule. Catskill. On y aperçoit des immeubles calcinés de tous côtés, et il semble qu’elle ait été frappée par une bombe.
Nous sommes tous nerveux tandis que nous nous frayons lentement un chemin le long de la crique, la rive ne se trouvant plus qu’à quelques mètres. Nous sommes exposés à une embuscade, et inconsciemment, je tends la main vers ma hanche où se trouve mon couteau. Je remarque que Logan en fait autant.
Je tourne la tête pour regarder Ben, mais il est encore dans un état quasi catatonique.
Où est le camion? demande Logan d’un ton dur. Je ne veux pas aller trop à l’intérieur des terres, je te le dis tout de suite. S’il arrive quoi que ce soit, il faut que nous puis- sions retourner à toute vitesse sur l’Hudson. C’est un endroit idéal pour un piège, dit-il en regardant la rive d’un air inquiet.
Je la regarde aussi, mais elle est complètement déserte et gelée, sans aucun humain en vue aussi loin qu’on puisse voir.
Regarde là, je dis en pointant un index. Tu vois ce hangar rouillé? Il est à l’intérieur.
Logan nous conduit sur une autre trentaine de mètres, puis tourne vers le hangar. Il y a un vieux quai croulant, et Logan réussit à guider le bateau à quelques mètres seule- ment de la rive. Il éteint le moteur, agrippe l’ancre et la jette par-dessus bord. Ensuite, il attrape le câble du bateau, fait un nœud lâche à une extrémité et le lance comme un lasso vers un poteau de métal rouillé. Il atteint son but et nous tire en nous approchant de façon à ce que nous puissions monter sur le quai.
Y allons-nous? demande Bree.
J’y vais, je dis. Attendez-moi ici, sur le bateau. C’est trop dangereux pour vous. Je vais revenir vite. Je vais enterrer Sasha. C’est promis.
Non! hurle Bree. Tu m’as promis que nous ne nous séparerions plus jamais. Tu l’as promis! Tu ne peux pas me laisser seule! Tu ne PEUX PAS!
Je ne te laisse pas seule, je réponds, le cœur brisé. Tu seras ici avec Logan, Ben et Rose. Tu seras en parfaite sécu- rité. Je te le jure.
Mais Bree se lève et à ma grande surprise, elle se met à courir vers la proue, puis saute sur la rive sablonneuse, atterrissant dans la neige.
Elle se tient là, les mains sur les hanches, me fixant d’un air de défi.
Si tu y vas, j’y vais aussi, déclare-t-elle.
Je prends une profonde respiration en voyant qu’elle est résolue. Je sais que quand elle prend cette attitude, il est impossible de la faire changer d’avis.
Sa présence risque de me ralentir, mais je dois avouer qu’une part de moi est heureuse de l’avoir à l’œil en tout temps. Si j’essaie de l’en dissuader, je vais seulement perdre mon temps.
D’accord, je dis, mais tu restes près de moi. C’est promis?
Elle incline la tête.
Promis.
J’ai peur, intervient Rose en regardant Bree avec de grands yeux. Je ne veux pas quitter le bateau. Je veux rester ici avec Pénélope. Je peux?
C’est ce que je veux, je lui dis, refusant silencieuse- ment de l’emmener aussi.
Je me tourne vers Ben. Il me regarde de ses yeux tristes. J’ai envie de détourner le regard, mais je réussis à ne pas le faire.
Tu viens? je demande.
J’espère qu’il va accepter. J’en veux à Logan de rester ici, de me laisser tomber, et j’apprécierais vraiment la présence d’une autre personne responsable.
Mais Ben, de toute évidence encore secoué, se contente de me regarder d’un air impassible comme s’il n’avait rien compris. Je me demande s’il a eu pleinement conscience de tout ce qui s’est passé autour de lui.
Tu viens? je lui demande d’un ton plus ferme. Je n’ai pas de patience pour ce genre d’attitude.
Il secoue la tête lentement avec l’air de se retirer en lui- même. Il est vraiment ailleurs, et j’essaie de le lui pardonner, mais c’est difficile.
Je saute sur la rive. C’est bon de se retrouver sur la terre ferme.
Attends!
Je me retourne et vois Logan se lever du siège du conducteur.
Je savais que ça allait arriver, dit-il.
Il traverse le bateau en rassemblant ses affaires.
Qu’est-ce que tu fais? je demande.
Qu’est-ce que tu crois? répond-il. Je ne vais pas vous laisser y aller seules.
Je suis profondément soulagée. Si ce n’était que de moi, je ne m’en ferais pas autant, mais je me réjouis qu’il y ait quelqu’un d’autre pour surveiller Bree.
Il saute sur la rive à son tour.
Je te le dis tout de suite, c’est une idée stupide, fait-il dès qu’il atterrit près de moi. Nous devrions continuer d’avancer. Il fera nuit bientôt. L’Hudson peut geler. Nous pourrions nous trouver coincés ici. Sans parler des chas- seurs d’esclaves. Tu as une heure et demie, c’est compris? Trente minutes pour y aller, trente minutes là-bas et trente pour revenir. Aucune exception pour quelque raison que ce soit. Autrement, je repars sans vous.
Je me sens à la fois impressionnée et reconnaissante.
C’est d’accord, je dis.
Je pense au sacrifice qu’il vient de faire et je commence à éprouver autre chose. Derrière son attitude, j’ai de nouveau l’impression que Logan m’aime bien. Il n’est pas aussi égoïste que je le pensais.
Au moment où nous nous tournons pour partir, j’en- tends un bruit de pas sur le bateau.
Attendez! crie Ben.
Je me tourne pour le regarder.
Vous ne pouvez pas me laisser ici tout seul avec Rose. Qu’est-ce que je suis censé faire, si quelqu’un arrive?
Surveiller le bateau, répond Logan avant de se retourner pour partir.
Je ne sais pas comment le conduire! crie Ben. Je n’ai aucune arme.
Logan se tourne de nouveau, agacé, tend la main, prend un des pistolets à sa hanche et le lui lance. L’arme frappe Ben à la poitrine, et il l’attrape gauchement.
Peut-être que tu vas apprendre comment t’en servir, dit Logan d’un air méchant tandis qu’il se retourne encore.
J’examine Ben qui se tient là, l’air tellement impuissant et effrayé, avec à la main un pistolet qu’il ne semble pas pouvoir utiliser. Il paraît absolument terrifié.
Je voudrais le réconforter. Lui dire que tout ira bien, que nous serons bientôt de retour. Mais quand je regarde la vaste chaîne de montagnes devant nous, pour la première fois, je ne suis pas certaine que nous reviendrons.