Le matin où tout a changé restera à jamais gravé dans ma mémoire. Les premiers rayons du soleil peignaient les sommets des montagnes d’une lumière dorée, tandis que je me tenais immobile devant ma fenêtre, le cœur lourd. Aujourd'hui, je devais quitter tout ce que je connaissais : mon village, ma famille, et cette vie simple qui m’avait toujours offert un cocon rassurant. Ce jour-là, mes pieds semblaient cloués au sol, tiraillés entre l’excitation d’un avenir inconnu et la peur paralysante de l’inconnu.
La veille, ma mère m’avait posé une question simple, mais lourde de sens : « Clara, es-tu sûre de toi ? » Sa voix, douce mais tremblante, résonnait encore dans ma tête. Elle n’avait prononcé ces mots qu’une fois, mais ils hantaient mes pensées. Je savais ce que ce départ signifiait pour elle, pour mon père, et pour tout ce que nous avions construit ensemble. Pourtant, je ne pouvais plus reculer. La décision était prise, et je devais avancer, coûte que coûte.
Je lançai un dernier regard autour de moi, absorbant chaque détail de notre maison et de ces montagnes majestueuses qui avaient été les témoins silencieux de ma vie. Ici, chaque pierre racontait une histoire, chaque sentier serpentait vers un souvenir. Mais là-bas, à Lausanne, qui serais-je ? Une inconnue parmi d’autres, une fille perdue dans la foule.
Le train pour Lausanne partait à 9 heures. Le trajet ne durerait que quelques heures, mais dans mon esprit, il semblait interminable. Jamais je n'avais quitté ce village plus de quelques jours, et cette fois-ci, c’était pour un voyage sans retour, un saut dans le vide.
Sur le quai de la petite gare, mes parents se tenaient à mes côtés, silencieux. Ma mère, les yeux rougis par les larmes qu'elle essayait de retenir, me serra une dernière fois contre elle. « Prends soin de toi, ma fille. » Mon père, d’un naturel stoïque, posa une main ferme sur mon épaule. « On est fiers de toi. Souviens-toi de cela. » Ces mots simples, mais puissants, résonnèrent en moi alors que je montais dans le train.
Installée près de la fenêtre, je regardais les paysages familiers s’effacer peu à peu. Chaque village, chaque forêt que nous traversions semblait emporter avec lui un morceau de mon passé. Mon cœur était un mélange d'angoisse et d'espoir. Je ne savais pas ce qui m’attendait, mais une chose était sûre : je devais réussir.
Lorsque le train s’arrêta à Lausanne, la ville m’accueillit avec une froideur que je n'avais pas anticipée. Les bâtiments imposants se dressaient autour de moi, leurs silhouettes austères semblant me défier. Les rues grouillaient de monde, mais l'indifférence de cette foule accentuait encore plus mon sentiment de solitude. Tout allait plus vite ici. Les pas pressés des passants, les klaxons des voitures, les conversations bruyantes, tout était un contraste frappant avec la sérénité de mon village.
Après avoir pris un taxi jusqu'à mon nouvel appartement, je montai lentement les escaliers, traînant ma valise derrière moi. La clé tourna dans la serrure avec un clic sec, et la porte s’ouvrit sur une pièce vide, impersonnelle. Le silence qui m'accueillit fut assourdissant. Déposant mes affaires sur le lit, je m’assis et laissai échapper un profond soupir. Pour la première fois de ma vie, j'étais vraiment seule.
La nuit tombée, le poids de la journée me rattrapa. Allongée dans ce lit étranger, je fixais le plafond, ma tête pleine de doutes. Avais-je fait le bon choix ? Avais-je la force de surmonter ce qui m’attendait ? Ces pensées tourbillonnaient dans mon esprit jusqu’à ce que l’épuisement m’emporte dans un sommeil agité.
Le lendemain matin, le réveil fut brutal. Le campus de l’EPFL s'étalait devant moi, immense et intimidant. Chaque bâtiment semblait abriter un monde de connaissances que je devais encore conquérir. Mon premier cours me plongea directement dans l’ambiance : l’exigence était palpable, l’excellence une norme inébranlable.
Les étudiants autour de moi semblaient déjà bien installés dans ce monde, certains échangeant des notes, d'autres discutant de projets complexes avec une aisance déconcertante. Moi, je me sentais perdue. Mais au fond de moi, une flamme persistait, un feu alimenté par le désir de prouver ma valeur. Même si chaque jour allait être une bataille, je savais que je ne pouvais pas échouer.
Assise à ma place, j’observais ces visages inconnus. Chacun avait une histoire, une ambition, un rêve. Et moi, parmi eux, j'étais une fille des montagnes, prête à défier les attentes, à briller malgré les obstacles.
Ce premier jour fut une montagne russe d'émotions, mais alors que je quittais l'amphithéâtre en fin de journée, je réalisai une chose : ce rêve qui m’avait portée jusqu’ici était plus qu’un simple objectif. C’était une quête de transformation, une métamorphose intérieure. Je devais me trouver dans cette ville, découvrir qui j’étais réellement, et ce que je pouvais devenir.
Le chemin serait long, semé d’embûches, mais quelque part en moi, je sentais que j’étais prête. Lausanne n’était pas seulement un défi à relever ; c’était le début d’une nouvelle aventure, un nouveau chapitre de ma vie.