Après l’altercation violente avec Kéllia dans les toilettes, une chose devint évidente : je devais m’éloigner de Peter, au moins pour un temps. Même si l’idée de mettre de la distance entre nous me déchirait, je savais que c’était nécessaire. Les cours devenaient de plus en plus intenses, et je ne pouvais pas me permettre de me laisser distraire. Entre les révisions, les projets, et mon travail au café, je n’avais ni l’énergie ni le temps pour gérer la jalousie toxique de Kéllia. Chaque interaction avec Peter semblait attiser le feu, et je ne pouvais pas continuer à me justifier à chaque regard échangé ou à chaque mot prononcé.
Ma priorité devait rester mes études. Je repensais souvent à mes parents, à leur visage empreint de fierté le jour où j’avais quitté notre petit village pour rejoindre l’EPFL. Mon père, d’ordinaire si réservé, m’avait prise dans ses bras avant de me murmurer de ne jamais oublier d’où je venais. Ces mots résonnaient en moi comme un mantra, surtout dans les moments de doute. Je ne pouvais pas les décevoir. Ils avaient sacrifié tant de choses pour que je puisse être ici, et je me devais de réussir, pour eux, pour moi.
En pensant à eux, un souvenir soudain me traversa l’esprit : l’enveloppe. Celle que mon père m’avait remise avant mon départ, en me disant qu’à l’intérieur se trouvaient des choses qui me rappelleraient d'où je venais. Je me souvenais vaguement l’avoir posée quelque part en arrivant, mais avec la tête plongée dans les études et la routine quotidienne, je l’avais complètement oubliée. Maintenant, avec tout ce qui se passait, il me semblait essentiel de la retrouver.
Je me levai soudainement, déterminée à la retrouver. Je fouillai d’abord mon bureau, entre les piles de livres et de carnets, mais elle n’y était pas. Ensuite, je me dirigeai vers ma petite table de chevet, pensant l’y avoir rangée en sécurité, mais là encore, rien. Frustrée, je me laissai tomber sur mon lit, essayant de me rappeler où j’avais bien pu la mettre. C’est alors que mon regard se posa sur un coin du salon, près de la bibliothèque où j’avais empilé quelques affaires en arrivant.
Je me précipitai vers la pile et, après quelques instants de recherche, mes doigts effleurèrent le papier rugueux de l’enveloppe. Un soulagement inexplicable m’envahit alors que je la tenais enfin entre mes mains. Je m’assis sur le canapé, l’enveloppe serrée contre ma poitrine, hésitant un instant avant de l’ouvrir. Qu’allais-je y trouver ? Des photos ? Une lettre ? Quelque chose d’autre qui m’aiderait à me reconnecter à mes racines ?
Prenant une profonde inspiration, je déchirai délicatement l’enveloppe, laissant tomber le contenu sur mes genoux. À l’intérieur, je découvris plusieurs objets soigneusement emballés. Le premier était une petite photo de notre maison, prise sous un angle qui capturait parfaitement les montagnes en arrière-plan, les sommets enneigés se dressant majestueusement sous un ciel bleu éclatant. La vue familière me réchauffa le cœur, et un sourire nostalgique s’étira sur mes lèvres.
Je passai mes doigts sur la photo, comme si je pouvais ressentir la fraîcheur de l’air alpin à travers elle. Cette image ramenait tant de souvenirs – les matinées brumeuses où le soleil perçait doucement à travers les nuages, les soirées passées près de la cheminée avec mes parents, les rires partagés dans notre petite cuisine. Tout cela me semblait si lointain maintenant, comme une autre vie. Mais cette photo me rappelait que cette vie faisait toujours partie de moi, qu’elle m’avait façonnée, m’avait donné la force de poursuivre mes rêves.
Ensuite, je sortis un petit carnet en cuir, usé par le temps. En l’ouvrant, je reconnus l’écriture soignée de ma mère. C’était un recueil de recettes familiales, celles qu’elle préparait avec tant d’amour pour nous tous les dimanches. En feuilletant les pages, je pouvais presque sentir l’odeur du pain frais et des tartes aux pommes qui embaumaient la maison. Un sentiment de réconfort m’envahit alors que je parcourais les mots, me rappelant ces moments simples, mais précieux passés en famille.
Je me souvenais de ces après-midi passés à la regarder cuisiner, à l’écouter me raconter des histoires tout en pétrissant la pâte. À l’époque, je n’aurais jamais pensé à quel point ces instants me manqueraient, à quel point ils deviendraient mon ancre dans ce monde si différent. La nostalgie me serra la gorge, mais elle était douce, comme une couverture réconfortante.
Enfin, au fond de l’enveloppe, je trouvai un petit pendentif en forme de cœur, en argent vieilli. Immédiatement, je me rappelai l’histoire de ce bijou. C’était un pendentif que ma grand-mère avait porté toute sa vie. Ma mère l’avait hérité et, à son tour, me l’avait offert en secret avant que je parte. En le tenant dans ma main, je ressentis une vague de chaleur, comme si ma grand-mère, malgré la distance, était là pour me protéger.
Les larmes me montèrent aux yeux, non pas de tristesse, mais de gratitude. Je réalisais combien mes parents avaient voulu que je garde un lien fort avec mes racines, même en étant si loin de chez moi. Ils savaient que la route que j’avais choisie serait difficile, mais ils voulaient que je me souvienne toujours de l’endroit d’où je venais, de cette terre qui m’avait vue grandir. Le pendentif semblait pulse de la force et de l'amour de mes ancêtres, comme s'il me transmettait toute la résilience dont j'aurais besoin pour affronter ce monde complexe et parfois cruel.
Je restai un long moment assise sur le canapé, les objets étalés devant moi. L’enveloppe m’avait rappelé pourquoi j’étais ici, pourquoi je me battais chaque jour pour réussir. Ce n’était pas seulement pour moi, mais pour eux, pour ma famille. Je devais continuer, malgré les obstacles, malgré les distractions. Je pensais à Peter, à Kéllia, à tout ce qui s’était passé depuis mon arrivée ici. Ils faisaient partie de cette nouvelle vie, mais ils ne devaient pas me détourner de ma mission.
Avec une nouvelle détermination, je remis soigneusement chaque objet dans l’enveloppe, sauf le pendentif que j’attachai autour de mon cou. En sentant le métal froid contre ma peau, je sus que j’avais fait le bon choix. Ce pendentif serait mon rappel quotidien, mon talisman, pour ne jamais oublier d’où je venais, et pour m’assurer de ne jamais perdre de vue ce qui était vraiment important.
Ce soir-là, alors que je me préparais à me plonger dans mes révisions, je sentis un poids s’alléger dans ma poitrine. Les conflits avec Kéllia, les sentiments confus pour Peter, tout cela sembla soudain moins pressant. Mon chemin était clair, et je savais que je devais m’y tenir. J’avais une promesse à tenir, un rêve à réaliser, et rien ni personne ne m’en détournerait.
Je m’allongeai sur mon lit, le pendentif serré dans ma main, et pour la première fois depuis longtemps, je m’endormis paisiblement, le cœur empli d’une nouvelle force, prêt à affronter tout ce qui viendrait. J'avais renoué avec mes racines, et cela m'avait donné la force dont j'avais besoin pour continuer, pour avancer vers l'avenir tout en gardant le passé près de moi, comme un guide, comme une source de courage inépuisable.