3 DANS LE BROUILLARDOn avait rarement vu une nuit pareille. Le brouillard submergeait entièrement la ville, la noyait comme sous une pluie de cendre. Il remplissait les grandes artères comme d’une masse compacte et solide, bouchant les rues latérales, recouvrant les squares comme d’une souple étoffe grise. Jusqu’au sol, il semblait appesantir sa substance épaisse, visqueuse, impénétrable et d’une opacité telle que le rayon visuel n’atteignait pas un mètre. Les rares passants que l’on rencontrait semblaient des fantômes, qui, surgis inopinément devant vous, s’évanouissaient presque aussitôt comme happés par un fluide palpable. Par endroits, ce fluide semblait s’évaporer. Devant le théâtre Jollity par exemple, de nombreuses lampes à arc réussissaient ensemble à créer un espace empli de cla