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La Chaise de la Mort (The Secret House)

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Un maître-chanteur, un double meurtre et une étrange demeure qui recèle bien des mystères…

Cette histoire pleine de rebondissements compte parmi les meilleurs romans à suspense écrits par Edgar Wallace, l'un des pionniers du genre.

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PROLOGUE
PROLOGUEUn homme venait de s’arrêter devant les hautes portes de Cainbury House, grand immeuble abritant de très nombreux bureaux. Il regarda d’un air irrésolu les plaques de cuivre qui, de chaque côté de la porte, indiquaient les raisons sociales des locataires, puis il entra et, sur la liste affichée à l’intérieur du vestibule, il trouva enfin ce qu’il cherchait. Il sortit de sa poche une coupure de journal pour vérifier l’exactitude de l’inscription qu’il venait de découvrir. C’était bien : Rédaction du Journal : « L’INDISCRET » Il se dirigea résolument vers l’ascenseur. Cet homme devait être un pauvre hère, ses vêtements étaient fripés, ses chaussures éculées. Il avait le teint jaune, les yeux et les cheveux noirs, le nez aquilin, la face glabre. Son chapeau melon commençait à tourner au rouge et ses gants étaient troués. Il demanda le cinquième d’un accent évidemment étranger. Arrivé à l’étage, son hésitation sembla le reprendre tandis qu’il examinait la porte que lui avait désignée le liftier et où se lisait de nouveau : « L’Indiscret » (Veuillez frapper.) Obéissant à l’invite, l’homme frappa et, aussitôt, à sa grande surprise, il vit la porte s’ouvrir toute seule. Il réfléchit qu’il n’y avait là en somme qu’un simple appareil électrique permettant d’actionner la porte depuis l’intérieur. Il se trouva dans une pièce sommairement meublée d’une chaise et d’une table sur laquelle se trouvaient quelques journaux. Sur les parois et se faisant vis-à-vis, une carte de l’Angleterre et une lithographie de paysage. À l’autre bout, une autre porte. Il alla y frapper. — Entrez ! entendit-il crier. Il poussa lentement la porte. Cette nouvelle pièce était plus grande et plus confortable. Il y avait deux petites lampes électriques de table, pourvues de jolis abat-jour sur le grand bureau de chêne massif qui en occupait le centre. Une bibliothèque recouvrait tout une paroi, et de nombreuses épreuves d’imprimerie étaient éparses sur le bureau. Mais, le plus remarquable de tout était l’homme qui était assis à ce bureau : un homme solidement bâti et d’âge moyen, autant qu’on en pouvait juger par sa voix, car il avait la tête tout enveloppée d’un tissu de soie, forte voilette, en somme, qui dissimulait complètement sa chevelure, ses oreilles, tous ses traits. Il se mit à rire en voyant la surprise du nouveau venu. — Asseyez-vous, dit-il, et n’ayez pas peur. — Monsieur, fit l’autre avec désinvolture, je suis bien tranquille, soyez en sûr. Dans ce bas monde, je n’ai jamais eu peur de rien que de la misère… Oui, j’ai toujours redouté de mourir en état de pauvreté, Monsieur ! L’homme voilé garda un moment le silence, puis : — Vous venez au sujet de mon annonce ? — Oui, Monsieur, j’ai vu que vous désiriez un assistant discret, possédant les langues étrangères et pauvre. Je remplis toutes ces conditions, et j’ose ajouter que si vous aviez demandé un caractère aventureux et l’absence de scrupules, je vous aurais également satisfait. Après un long silence durant lequel le candidat se sentit minutieusement observé par l’homme dont il ne pouvait voir les traits, l’employeur déclara : — Je crois que vous ferez l’affaire. — J’en suis sûr, fit le candidat. Et maintenant, Monsieur, à mon tour de vous faire quelques demandes, si vous le voulez bien, car toute entente est bilatérale, n’est-ce pas ? Et d’abord, quel sera le travail que vous songez à me confier ? L’homme voilé se redressa et mit les mains dans ses poches. — Je dirige, dit-il, un petit journal qui est surtout répandu parmi les domestiques de bonnes maisons. Ces gens-là sont aussi mes collaborateurs les plus assidus ; je reçois de la part de gentilles femmes de chambre françaises ou de sombres valets italiens de nombreuses lettres concernant les faits et gestes de leurs maîtres de la haute aristocratie anglaise. Or, je ne suis pas très doué pour les langues étrangères, et je regrette de ne pas être en mesure de saisir toutes les nuances de pensée des auteurs de ces lettres… J’ai donc besoin d’un homme discret qui lise ma correspondance étrangère, la traduise en anglais et me résume les plaintes de ces braves gens. Vous savez, continua-t-il en haussant les épaules, que l’homme n’est pas parfait, la femme un peu moins, et les personnes qui ont des domestiques, moins encore. Ces serviteurs ont donc très souvent d’intéressantes choses à conter sur leurs maîtres, et ce n’est pas toujours à l’honneur de ces derniers, ni bien beau… mais vous me comprenez, n’est-ce pas, mon ami… À propos, comment vous appelez-vous ? L’étranger hésita. — Poltavo, répondit-il enfin. — Vous êtes… italien ou polonais ? — Polonais. — Eh bien, comme je vous le disais, mon journal tient à être au courant de tout ce qui se passe dans la haute société. Si les informations reçues peuvent être publiées, nous les imprimons, sinon… non. Mais, conclut-il en levant la main, dans ce dernier cas, il ne faudrait pas croire que ces informations ne sont bonnes qu’à être jetées au panier. Nous les conservons au contraire… pour notre propre divertissement. Ces derniers mots, malgré la façon dégagée dont ils furent dits, ne trompèrent pas le nommé Poltavo. Il y eut de nouveau un long silence. — Où habitez-vous ? demanda enfin l’homme voilé. — Au quatrième d’une petite maison à Bloomsbury. — Bien ; depuis quand êtes-vous en Angleterre ? — Depuis six mois. — Pourquoi y êtes-vous venu ? Poltavo haussa les épaules. — Pourquoi ? insista l’homme voilé. — Oh, à cause d’un léger désaccord survenu entre le chef de police de Saint-Sébastien et moi. — Parfait. Si vous m’aviez dit autre chose, je ne vous aurais pas engagé. — Pourquoi ? — Parce que c’est la vérité. Votre désaccord avec ce policier était dû à une certaine somme d’argent qui avait disparu d’une chambre contiguë à la vôtre à votre hôtel. Et puis, l’impossibilité où vous étiez de payer votre note a aussi hâté votre départ. — Voilà ce que j’appelle un directeur de journal bien renseigné ! s’écria Poltavo sans le moindre embarras. — C’est mon métier, fit l’autre modestement. Appelez-moi M. Brown, s’il vous plaît, et s’il m’arrive de faire le sourd quand vous me donnerez ce nom, vous n’aurez qu’à vous souvenir que ce n’est pas le mien. Vous êtes bien l’homme qu’il me faut. — Ce qui est surprenant, c’est que vous m’ayez découvert, dit Poltavo. La coupure de journal contenant l’annonce m’a été adressée par quelque ami inconnu… — Cet ami inconnu, c’est moi. Vous voyez bien la situation ? — Oui, je vois tout cela très bien… excepté peut-être le chiffre de mes mensualités. … L’homme voilé indiqua une somme – assez généreuse – et parut satisfait de la voir acceptée sans surprise ni trop d’empressement. — Vous me verrez très peu au bureau, dit-il encore. Si votre travail me satisfait et si je puis me fier à vous, je doublerai votre salaire ; mais si ça ne va pas, vous aurez à le regretter. Il se leva. — Je ne vous retiens plus. Venez demain matin. Voici les clefs du bureau et du coffre où je dépose toute la correspondance. Vous y découvrirez beaucoup de motifs de maudire la société et quelques-uns de me haïr moi-même. J’espère que vous vous adonnerez de tout cœur à ce travail. — Vous pouvez être certain… — Attendez, je n’ai pas fini. Je veux dire par là que vous n’aurez pas de temps à perdre en recherches sur ma véritable identité. Au moyen de quelques dispositions simples, mais que je ne prétends pas vous expliquer, je peux quitter ce bureau et l’immeuble sans être aperçu de personne. Quand vous aurez lu les lettres, veuillez traduire celles qui vous paraîtront de quelque intérêt et les remettre à un messager qui viendra tous les soirs à cinq heures. Votre salaire vous sera payé régulièrement et vous n’aurez rien d’autre à faire pour le journal. Maintenant, ayez la bonté de passer dans l’autre pièce et d’y attendre un moment. Ensuite vous pourrez revenir et commencer tout de suite à dépouiller le dernier courrier. Poltavo obéit et referma soigneusement la porte de communication. Il entendit presque aussitôt un léger clic… comme celui d’un commutateur électrique. Au bout de cinq minutes, il estima qu’il pouvait revenir au bureau directorial ; il y entra et vit du premier coup d’œil que son employeur avait disparu. Il y avait bien dans cette pièce une autre porte donnant accès direct au corridor, mais quelque chose disait à Poltavo que ce n’était pas par là que le directeur s’était éclipsé. Il examina soigneusement toute la pièce : il n’y avait pas d’autre issue. Derrière le fauteuil du maître du logis se trouvait une grande armoire pleine de livres et de fournitures de bureau. Tous les tiroirs étaient ouverts et, d’ailleurs, Poltavo pensait qu’un homme du genre de son chef n’avait pas coutume de laisser traîner des papiers compromettants. Il s’assit, roula une cigarette et attaqua la pile de lettres du dernier courrier. * Depuis six semaines M. Poltavo se livrait avec ardeur à ses nouvelles fonctions. Chaque vendredi matin, il trouvait sur la table une enveloppe contenant ses honoraires. Chaque jour, à cinq heures, un homme d’aspect rébarbatif venait prendre les traductions de la journée. Le Polonais lisait attentivement chaque semaine le numéro de l’Indiscret, mais il n’y avait encore pas trouvé grand’chose qui provînt de ses propres travaux. Évidemment, M. Brown se servait de son journal à d’autres fins que la publication de petits scandales plus ou moins inoffensifs, et Poltavo en apprit quelque chose lors d’une visite qu’il reçut inopinément une après-midi. Au coup frappé à la porte extérieure, il pressa le bouton électrique, placé sous sa table… Bientôt, on frappa à la porte du bureau même… Ce fut une jeune femme qui parut sur le seuil. Elle paraissait hésitante. — Entrez donc, je vous prie ! dit Poltavo en se levant. — Êtes-vous le directeur du journal ? demanda-t-elle en refermant la porte derrière elle. Poltavo s’inclina. Il était toujours prêt à accepter tous les titres qu’on voudrait bien lui donner. Lui eût-on demandé s’il était M. Brown, il se fût également incliné. — J’ai reçu votre lettre, dit la jeune femme en faisant un pas en avant et en le considérant avec une sorte de crainte mélangée de mépris. Poltavo s’inclina de nouveau. Il n’avait écrit à personne qu’à M. Brown, mais il avait la conscience élastique. — J’écris tant de lettres, répondit-il, que je ne sais réellement plus ce que j’ai pu vous dire. Voudriez-vous me la montrer ? Elle ouvrit son petit sac, en sortit une enveloppe dont elle sortit une feuille qu’elle passa au jeune homme. Le papier était à l’en-tête de L’Indiscret, mais le nom et l’adresse du destinataire avaient été déchirés. Poltavo lut : « Madame, » Des renseignements très graves au sujet de vos relations avec le Capitaine Brackly sont en ma possession. Vous ne savez certainement pas encore à quel point on associe vos deux noms. En tant que fille et héritière de feu Sir George Billk, vous avez pu penser que votre richesse et votre haute position sociale vous mettaient au-dessus de tout soupçon, mais je puis vous certifier que si les documents que j’ai entre les mains étaient mis sous les yeux de votre mari, cela aurait des conséquences désastreuses. » Pour éviter que les choses aillent plus loin et pour réduire vos détracteurs au silence, notre Bureau Spécial d’Enquêtes est disposé à supprimer toute cause de médisance à votre égard. Cela vous coûtera dix mille livres, payables en billets de banque. Si vous acceptez, mettez une annonce dans le Morning Mist, et j’arrangerai une entrevue où vous me verserez l’argent. Sous aucun prétexte, ne m’écrivez ni ne tâchez de me voir au bureau du journal. » Veuillez agréer…………… etc. » J. Brown. » Poltavo lut attentivement cette lettre. Il savait maintenant à quoi s’en tenir sur le genre d’affaires auxquelles se livrait son directeur. Il rendit le document à la jeune femme. — Je ne suis peut-être pas très rusée, dit-elle, mais enfin, je ne crois pas me tromper en affirmant que voilà ce qu’on appelle du chantage. Poltavo ne fut pas longtemps embarrassé. — Je n’ai jamais écrit cette lettre, dit-il aimablement. Je n’en ai pas eu connaissance. Je ne suis que le Rédacteur en Chef du Journal et M. Brown le dirige de haut et de loin. Je suis au courant de tout, d’ailleurs, s’empressa-t-il d’ajouter afin de ne pas passer pour quantité négligeable aux yeux de la visiteuse, et je suis au regret pour vous… La dame sourit. Poltavo, qui était psychologue, comprit qu’il n’était pas en présence d’une créature timide et facile à terrifier. — C’est au Capitaine Brackly et à mon mari de s’occuper de cette affaire, dit-elle ; je vais leur montrer cette lettre avant de la remettre à mon avocat. … Oui, mais cette lettre datait déjà de quatre jours, ainsi que Poltavo l’avait remarqué, et il se dit que si la dame n’avait pas montré cette lettre au capitaine, à son mari ou à son avocat dans le premier moment de colère et de surprise indignées, il était à prévoir qu’elle ne le ferait jamais. — Je crois que c’est la sagesse même, dit-il avec la plus suave politesse. Après tout, qu’y a-t-il de si déplaisant là-dedans ? La publication de quelques petites lettres n’a pas si grande importance… — M. Brown a ces lettres ? demanda vivement la jeune femme d’une voix altérée. Poltavo s’inclina. — Me les rendra-t-il ? Poltavo fit un signe d’assentiment. — Je vois, dit la visiteuse en se mordant les lèvres. Elle examina de nouveau la lettre comme pour en bien peser tous les termes, puis sortit. Poltavo l’accompagna jusqu’à la porte du palier. — C’est un chantage fort bien mené, dit-elle encore et sans la moindre émotion. Il me reste à voir ce que j’ai à faire. Le Polonais referma la porte sur elle, et, en repassant le seuil de son bureau, demeura médusé : sur le fauteuil même qu’il venait de quitter se trouvait l’homme voilé. Il riait aux éclats. — Très bien joué, Poltavo ! s’écria-t-il. Tous mes compliments. — Vous avez donc tout entendu ? — Pas un mot ne m’a échappé… Eh bien, que pensez-vous de cette affaire ? Poltavo alla prendre une chaise et s’assit en face de son chef. — Je trouve, dit-il, que c’est extrêmement ingénieux, et aussi que mon salaire est insuffisant. — Vous avez raison, et je veillerai à ce dernier point. Mais, cette femme, faut-il qu’elle soit folle pour s’aventurer ici ! — Folle ou mauvaise comédienne. — Que voulez-vous dire ? Poltavo haussa les épaules. — À mon humble avis, dit-il après un instant de réflexion, toute cette affaire n’est qu’une comédie fort habile… et efficace, puisqu’elle a atteint son but. — Quel but ? fit M. Brown. — Celui de me montrer quel est au vrai votre genre d’occupation. J’en ai plusieurs preuves. La première, et la plus importante, c’est que d’après l’enveloppe – que j’ai pu apercevoir – la dame s’appellerait, mettons Cruxbury… Or les initiales de son sac à main et de son mouchoir portent un G et non un C. Elle n’était donc pas la personne même qui a reçu la lettre. Dans une affaire aussi importante, Lady Cruxbury serait venue elle même… Mais, au fond, je crois qu’il n’existe point de Lady Cruxbury et que tout cela a été machiné uniquement pour me mettre à l’épreuve et vous permettre d’écouter ce que je dirais, de savoir jusqu’où irait ma discrétion… M. Brown se remit à rire. — Vous êtes intelligent, dit-il, et vous méritez à coup sûr une augmentation. Je veux être franc avec vous. Admettons que tout cela ait été en effet un coup monté pour vous éprouver : vous connaissez donc la nature de mes affaires… Eh bien, dans ce cas, restez-vous avec moi ? — Cela dépend du prix que vous mettrez à mes services. — Dites un chiffre. — Je ne suis qu’un pauvre homme, commença Poltavo ; je n’ai pas eu de chance depuis… — Pas de bavardage, coupa sèchement M. Brown. Je ne saurais vous offrir une fortune… mais seulement le nécessaire avec quelque confort... Poltavo se leva, alla à la fenêtre, mit les mains dans ses poches… puis revint en face de son interlocuteur. — Le nécessaire, pour moi, dit-il, c’est un appartement rue St-James, une auto, une loge à l’Opéra… — Vous n’aurez rien de tout cela. Soyez raisonnable. Poltavo sourit. — Mes services vous valent une fortune, dit-il, parce que j’ai de l’imagination. Tenez, par exemple, ceci, poursuivit-il en prenant parmi d’autres sur le bureau une missive, couverte d’une écriture visiblement servile… Eh bien, cette lettre qui ne représenterait peut-être pour un esprit épais qu’une masse informe d’ennuyeux détails, est pour moi riche de possibilités infinies. Elle vaut une somme énorme. Il tint la lettre à bout de bras comme pour en exalter la valeur. Ses yeux brillaient étrangement… — C’est la lettre d’un Italien désireux d’intéresser un grand journal anglais dont il a entendu parler – Dieu sait comment – à la découverte d’un certain M. Fallock. L’homme voilé sursauta. — Fallock ! répéta-t-il. — Oui, ce Fallock a fait bâtir un palais « magnifique », dit la lettre. Sous ce palais sont enterrés des millions de livres… Cela n’excite-t-il pas votre imagination ? — Et après ? fit M. Brown d’une voix qu’il s’efforçait visiblement de rendre indifférente. — Nos correspondants – je vous ai dit, n’est-ce pas, que cette lettre avait deux signataires – assurent qu’ils ont l’adresse actuelle de ce M. Fallock, un scélérat, un criminel, mais qu’ils ont besoin d’aide. L’homme voilé tambourinait sur la table et penchait la tête comme absorbé dans la solution d’un très ardu problème. — Ces histoires de trésors enfouis sont des contes de nourrices ! s’écria-t-il enfin d’une voix rude. J’en ai tellement entendu ! Vos Italiens n’ont que de l’imagination, c’est tout. Qu’est-ce qu’ils demandent ? Qu’on leur avance les frais de voyage, n’est-ce pas ? — En effet. — C’est le truc des prisonniers espagnols, dit M. Brown avec un rire un peu forcé. Vous n’êtes sûrement pas dupe d’une pareille farce ? Il se leva. Poltavo haussa les épaules et répondit doucement. — Un homme qui a langui lui-même dans les geôles de Castille et qui a aussi écrit à de généreux Anglais des suppliques pour être délivré, moyennant finance, de sa triste position, comprend très bien les délicats procédés de ce que vous appelez le truc espagnol. Ainsi, faut-il vous dire que nous autres, prisonniers espagnols, n’écrivons jamais en notre langue, mais en anglais à des Anglais, en français à des Français. Nous savons bien que les destinataires de nos suppliques ne prendraient jamais la peine de les faire traduire… Non, non, cette lettre n’est pas un « truc espagnol » ; c’est authentique. — Voulez-vous me la montrer ? Poltavo passa le document à M. Brown, qui, tournant le dos, soulevait un instant son voile pour pouvoir mieux lire. Cela fait, il mit la lettre dans sa poche. — J’y réfléchirai, dit-il d’un ton bourru. — Si vous êtes content de moi, il y a autre chose que de l’argent… commença Poltavo. — Quoi donc ? — C’est une faiblesse de ma part, évidemment, mais je supporte malaisément la solitude. La société des gens intelligents, influents, puissants, des banquiers, des grands avocats, des hommes du monde me manque infiniment. J’adore les salons où l’on entend de la bonne musique, où l’on converse avec de jolies femmes… — Eh bien, alors, quoi ? — Présentez-moi à des gens du monde ! et plus particulièrement à ce gros banquier dont je lis les exploits dans les journaux, à Monsieur… comment déjà s’appelle-t-il ? Ah, oui, M. Farrington. L’homme voilé resta longtemps silencieux ; puis alla à la grande armoire placée au fond de la pièce. Il l’ouvrit, allongea la main à l’intérieur… un déclic se fit entendre, et toute l’armoire pivota sur elle-même démasquant l’entrée d’une autre pièce. M. Brown demeura un instant sur le seuil de ce second bureau, tête baissée, les mains derrière le dos. — Vous êtes un habile homme, Poltavo, dit-il enfin, puis il passa et l’armoire revint occuper sa première place.

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