"Une bonne semaine"

749 Words
Me retrouvant seule avec ma moitié et le Cerbère, les paroles du serpent me reviennent en mémoire.   -          Monsieur Jdanov, savez-vous depuis quand son Éminence est en déplacement ? lui demandé-je.  Il nous informe habituellement par une missive et je n’en savais rien avant aujourd’hui.   -          Ça doit faire une bonne semaine que nous ne l’avons pas vu au Munitum, m’apprend-t-il.  Selon le Prêtre Lormier, notre Évêque est en voyage d’affaires en Hongrie, son pays natal, je crois.    -          J’en doute fort, m’inquiété-je, soudainement alarmée.  Je dois aller au Presbytère.  Il se passe quelque chose d’anormal.  Jamais son Éminence ne serait parti sans nous en informer d’abord.  Jamais Viktor ne serait retourné en Hongrie.   -          Madame Duhamel, vous devez…   J’ignore ce qu’il me dit car je détalle à pleine vitesse vers le Presbytère, Gaspard dans les bras.  Je cours dans le passage sous-terrain reliant le stationnement du Munitum à la Chapelle lorsque j’entends des pas derrière moi.  C’est Julian, Milady contre lui.  Je sens sa présence rassurante se rapprocher de moi.  Il sait qu’il ne pourra pas aller plus loin que la Chapelle mais il tient à être le plus près de moi.  Je sais qu’il s’inquiète pour moi.  J’aimerais lui dire que Farkas ou Farouk seront là pour me protéger mais je réalise que je ne les ai pas croisés près des archives depuis quelques nuits.  « Une bonne semaine » pour reprendre les mots du Cerbère.  J’ai un mauvais pressentiment lorsque je laisse Julian derrière moi pour me diriger vers l’aile du Presbytère où se trouve le bureau de Viktor.  Je m’arrête devant la porte close, flairant immédiatement l’odeur infecte qui empeste l’air.  Comment cela a-t-il pu passer inaperçu ?  Personnellement, je n’ai pas mis les pieds dans cette section du bâtiment depuis ma chute, ayant compris que je n’y étais pas la bienvenue.  Je fais tout pour éviter de croiser mon Évêque qui en fait tout autant, j’en suis persuadée.  Mais les autres Purifiés doivent bien passer par ici.  Tout comme Farkas et nos Initiés.  Quelqu’un aurait dû remarquer que quelque chose clochait.  Une odeur pareil, ça ne s’invente pas en une nuit.  Lucy et Marie ne peuvent pas avoir manqué ça.  D’ailleurs, où sont-elles ?  Mon cœur refusant d’admettre ce que ma tête a déjà compris, je pousse la porte et entre dans le bureau de l’Évêque.  Malgré la pénombre de la pièce, je vois clairement l’amoncellement des corps en putréfaction de ceux et celles qui ont servi la Congrégation pendant plus d’un siècle.  Je sens mes jambes se dérober sous moi.  Je m’effondre dans les bras de Julian qui n’a pas su résister à son envie d’être auprès de moi dès qu’il a senti ma détresse.   Il a fait vite.  Je reste là, pleurant la mort des Initiés qui ont toujours été là pour prendre soin des Mathetes Loudas de Montréal depuis l’arrivée de mon Père en cette cité.   À travers mes larmes, je vois une grosse masse noire près de la montagne de corps.  Je m’écarte de Julian pour m’en approcher à quatre pattes.  La tête de Farkas est là, devant moi.  Agenouillée devant lui, je flatte doucement le poil entre ses oreilles avant de le gratouiller comme il aimait tant, lui faisant mes adieux.  Étrangement, ces gestes m’ont apaisée.  Je me remets debout avec l’aide de Julian.  Son téléphone sonne.  C’est le Maréchal.   -          Où êtes-vous bon sang ?   -          Au Presbytère, il y a eu un…   -          Vous ramenez vos culs au Munitum immédiatement.  Le Roi vient d’émettre une « Chasse de Sang » sur Marcel Lormier.  Mettons que traîner au Presbytère n’est pas l’idée du siècle.    -          Mais…   O’Sullivan raccroche avant de laisser le temps à Julian pour lui expliquer la situation.  Pendant qu’il était au téléphone, j’ai regardé rapidement autour de moi et j’ai vu un objet brillant sous un amas de débris.  Je suis en train de soulever les morceaux de bois qui jonchent le sol pour libérer l’objet quand ma moitié me dit que nous devons retourner au Munitum.   -          J’ai entendu O’Sullivan comme toi.  Je ne pars pas d’ici avant de trouver les autres membres de ma Congrégation.    Je tire sur le pommeau d’épée que j’ai partiellement dégagé des débris pour l’en sortir complètement.  Je reconnais immédiatement Scimy, l’arme préférée de Farouk.  Je perds l’équilibre en la soulevant tant elle est lourde pour moi.  Julian se précipite vers moi, inquiet.    -          Il ne l’aurait jamais laissé ici.  Où peut-il bien être ?  Où sont-ils tous ?   
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