Préface
Préface
L’auteur a déjà publié quelques ouvrages, sans y avoir attaché son nom. Les uns n’ont obtenu aucune attention du lecteur ; les autres, après quelques éditions véritables, sont arrivés au succès qu’il estime le plus, c’est-à-dire à lui concilier quelques suffrages et quelques amitiés honorables. Nul sentiment de vanité, bien ou mal entendu, ne l’engage à essayer de sortir de son obscurité, à une époque où, du fond de la solitude, on se sent assez maladroitement placé entre les deux écueils de notre révolution littéraire : le parti pris du dénigrement des coteries, et l’impudeur des louanges commerciales.
Il confesse que, pour tout ce qui est fabulation, costume, et autre mérite ou démérite d’une composition romanesque il en abandonne et en dénierait au besoin la futile responsabilité.
Il raconte un mystère qu’il n’est pas tenu de comprendre ceux de ses juges qui voudront blâmer, chercheront peut-être quelque interprétation singulière à sa pensée ; ils se croiront en droit de dire que tel sujet, consacré dans un art par un chef-d’œuvre, ne peut être essayé dans un autre art. Ils ajouteront que la statuaire qui écarte les voiles est plus chaste que le récit qui les assemble avec soin. Ceux qui oseraient par hasard approuver, supposeront peut-être que, le naturel et le merveilleux étant deux conditions d’intérêt en tout poème, il n’était pas à dédaigner de traiter un merveilleux qui fût naturel. L’auteur s’engage à ne répondre qu’en s’efforçant de mieux faire un ouvrage d’un tout autre genre.
Mais il a cru utile de faire ressortir, par deux tableaux dont les couleurs sont empruntées à l’histoire de deux pays, une vérité encore attaquée de nos jours. C’est à savoir : qu’un peuple est rarement heureux, et n’est jamais moralement grand, s’il est livré à l’autorité d’un seul ; et qu’il peut, au contraire, devenir ou demeurer glorieux et prospère s’il a la vertu de se gouverner lui-même.
Dans un État comme le nôtre, où, choisissant mieux ses représentants, la France pourrait jouir enfin des droits acquis par le sang de nos pères, qu’est-ce qu’il y a de factieux dans l’expression de cette pensée ? Les écrivains dits monarchiques assurent depuis assez longtemps que le meilleur des régimes est celui qui les pensionne, pour qu’il soit permis d’examiner philosophiquement la question. C’est là seulement que l’auteur prend la responsabilité d’une opinion d’homme ; là, ce n’est plus un livre, c’est une action qu’il signe.
H. DE LATOUCHE.
NOTA. L’orthographe de quelques noms italiens a été sacrifiée à la prononciation française, et, dans la peinture des caractères connus, on n’a point évité de retracer quelquefois les expressions mêmes dont un personnage s’est publiquement servi.