_ Harry, 18 ans._
« Ne t’inquiète pas Harry. Tout ira bien. »
« Tu as du sang d’Alpha en toi. Personne d’autre n’est plus qualifié que toi. »
« Vous avez vu son loup ? »
« Que la déesse de la Lune soit louée, ton père a laissé un héritier à la meute ! »
« Dommage que tes parents ne puissent jamais voir ta cérémonie d’Alpha, Harry. Ils seraient si fiers. »
« Il fait bien plus âgé que ses dix-huit ans. Ce sera plus simple pour asseoir son autorité sur la meute. »
« La Lune Rouge compte sur toi, Harry. »
« Il est un peu jeune tout de même, non ? Vous croyez que ça ira ? »
« Son loup est une véritable arme de guerre. On dit qu’il est déjà capable de le maîtriser à la perfection. »
« Il a choisi un Bêta déjà, vous pensez ? »
« Les rumeurs racontent qu’il aurait choisi Connor. »
« Connor ? Oui, ce serait un bon choix. Il fera un second de premier choix. »
« On sait comment ses parents… ? »
« Son père a été tué par un rôdeur. Une attaque en traitre. Le cœur de sa mère n’a pas supporté la douleur de sentir son Mate périr. »
« La déesse de la Lune, puisse-t-elle avoir pitié d’eux. »
« N’est-il pas trop jeune ? »
Le silence s’installa aussitôt.
Des bruits de pas résonnèrent à travers la grande salle de la maison de meute de la Lune Rouge.
Tous les loups présents baissèrent la tête devant l’aura du Dément. Son simple nom inspirait la peur ; sa présence : le respect absolu.
Magnus Black, l’alpha au loup noir colossal, avait été nommé le Dément à cause de ses rages meurtrières.
Il vivait reclus, gardant jalousement l’étendue du territoire de sa meute. Ses apparences étaient si rares que certains pensaient qu’il n’était rien de plus qu’un conte que les loups se racontaient les soirs de pleine Lune.
Harry dut légèrement lever la tête pour pouvoir mieux l’observer. Il était choqué de voir une personne d’une taille si imposante se tenir devant lui. Les alphas étaient connus pour être plus grands, certes, mais le Dément les dominait tous.
Black, vêtu entièrement de noir dans un costume élégant, se déplaça jusque devant Harry. Il avait fait l’effort, pour présenter ses condoléances, de se raser. Ses cheveux d’un noir de jais étaient coupés court. Le dessus avait été coiffé en arrière, mais une mèche tombait élégamment sur son front, accentuant ses yeux vert forêt.
Le jeune homme à la chevelure rousse coupée en brosse et aux yeux vert émeraude inclina la tête en signe de respect. Harry ne pouvait pas le nier, le Dément était un alpha complètement différent des autres tant son pouvoir était écrasant.
La sueur commençait à perler sur son front. Son loup, lui, tremblait et gardait la tête baissée par crainte de mettre en colère le loup noir.
« Ton nom », se contenta d’articuler le Dément.
Harry eut un sursaut et se racla la gorge avant de tendre une main en avant.
« Harry, Alpha Black. »
Black se contenta de regarder la main ouverte de Harry, placée devant lui, puis il tourna les talons pour aller prendre place sur une des chaises réservées aux Alphas. À peine se fut-il assis qu’une foule de personnes se précipita pour pouvoir venir le saluer.
Harry resserra les doigts dans le vide, rouge de honte d’avoir été ignoré aussi ouvertement devant chacun.
« Ne le prenez pas mal, Alpha Harry », dit une voix chaleureuse.
Harry leva les yeux vers un homme plus âgé que lui et surtout, aussi grand que lui. L’inconnu était un brun avec les cheveux taillés en brosse et des yeux chocolat où pétillait la gentillesse. Il lui tendit la main pour le saluer et Harry fut presque soulagé de faire la rencontre d’une personne plus amicale après son bref échange avec le Dément.
« Je me présente, Bêta Duncan », dit-il d’un ton enjoué.
Harry écarquilla les yeux en entendant cela, puis un sourire franc se dessina sur ses lèvres.
« Le second d’Alpha Black », dit le jeune loup en observant Duncan avec admiration.
« Lui-même. Comme je vous le disais, ne le prenez pas mal. Mon Alpha n’est pas du genre bavard. Je suis même surpris qu’il ait pris la peine de venir vous saluer. Vous pouvez vous sentir flatté », expliqua chaleureusement Duncan avant de tourner la tête vers son Alpha. « D’ailleurs, si vous observez bien, vous verrez qu’il ne prendra pas la peine d’échanger des paroles avec les autres. »
Harry se contenta de regarder la paume de sa main, ne comprenant pas pourquoi le Dément avait refusé de la lui serrer.
Duncan remarqua son geste, puis il se pencha en avant pour lui murmurer : « Ne le prenez pas mal. Alpha Black se fait un devoir de ne toucher personne. Peu d’individus peuvent supporter son contact physique à cause de son loup. Je peux même affirmer avec certitude que votre loup aurait détesté qu’il vous touche. » Duncan se crispa subitement, puis il se mit à rire d’un air gêné. « Ah. J’en ai trop dit. Si vous me permettez, Alpha Harry », dit-il en tendant une enveloppe blanche cachetée d’un sceau à la cire noire. « Mon Alpha m’appelle. À plus tard. »
Harry se contenta de hocher la tête en glissant l’enveloppe dans la poche de son pantalon.
Une fois la cérémonie funéraire terminée, Harry se rendit dans le bureau de son père. Il poussa un profond soupir.
Absolument tout ici, lui rappelait la présence de ses parents. Il s’attendait, inconsciemment, à ce que la porte s’ouvre subitement, laissant le pas lourd des bottes de son père résonner dans la pièce, suivi des rires joyeux de sa mère.
Harry secoua la tête et s’assit dans le grand fauteuil d’Alpha de la Lune Rouge. Il laissa sa nuque s’enfoncer dans le cuir rouge sombre et prit de profondes inspirations tandis que ses poumons se remplissaient de l’odeur, encore présente, de son père. Il pouvait entendre, dans son esprit, son loup pleurer la perte de leurs parents. Harry ne laissait rien paraître de sa douleur et c’est pourquoi sa partie animale pleurait pour tous les deux.
Ils devront être forts désormais.
Ils devront être dignes de la charge d’Alpha dont ils ont si tragiquement hérité.
Seuls.
Harry secoua la tête, se rappelant la lettre que lui avait transmise le Bêta du Dément. Puis, il la tira de sa poche et se dépêcha de l’ouvrir.
_ Demain soir.
Crossroad Café.
23 H.
Alpha Black._
Harry eut d’abord un sourire amusé. Même par écrit, le Dément était un homme de peu de mots. Puis, il fronça les sourcils. Pourquoi souhaitait-il le rencontrer ?
Le lendemain, et sans dire un mot à personne, Harry se rendit au lieu de rendez-vous en prenant sa forme de loup. Il s'arrêta à de nombreuses reprises, reconnaissant encore, l'odeur que ses parents avaient laissé pour que personne ne se perde en chemin. Il voulait hurler à la lune pour laisser éclater sa peine. Pourtant, il se retint, veillant à ce que personne ne se doute de sa disparition dans sa meute.
Combien de fois s’y était-il rendu au Crossroad Café avec ses parents par le passé ? Ce lieu, si banal dans son enfance, lui semblait aujourd’hui être chargé des plus précieux souvenirs de sa vie.
Mais, ce soir, ce lieu de repos prendrait son rôle premier : celui où toutes les créatures peuvent se réunir pour discuter autour d'une table sans être menacée.
Le Crossroad Café se tenait ainsi devant lui, simplement éclairé par quelques rayons de lune. C’était un impressionnant chalet en bois de trois étages. Les murs étaient d’un blanc immaculé. Les énormes fenêtres, elles, étaient habillées de gravures de loups, d’étoiles, de lierres et de lunes. Sur un grand panneau, un loup noir hurlant à la lune se tenait sous le nom du Café écrit en jaune fluo.
Harry commença à monter les trois marches pour parvenir sur la grande terrasse avant l’entrée du Café. Puis, il s’arrêta aussitôt en sentant l’odeur de tabac sur le côté. Il tourna la tête et se détendit aussitôt qu’il reconnut la personne assise sur un fauteuil à bascule.
« Sacrée soirée, n’est-ce pas Harry ? Ah. Excuse ma maladresse. Alpha Harry », salua le vieil homme qui continuait de se balancer tranquillement.
Il portait un vieux chapeau de cowboy tandis qu’une longue tresse pendait à son épaule. Il était vêtu d’un simple jean, d’une chemise blanche aux motifs ethniques colorés et de bottes en cuir marron. Sa peau était tannée par les années d’exposition au soleil, rendant impossible de lui donner un âge précis.
« Bonsoir, Vieux Al », répondit Harry en lui faisant un sourire.
Une fois de plus, Harry se sentit rassuré par la présence du chef de la Tribu du Vent, le fondateur originel du Crossroad Café. Il avait ainsi la garantie que rien ne risquerait de lui arriver face au Dément.
« Tu peux entrer », dit le Vieux Al en prenant une bouffée dans sa cigarette.
« Le Dément est-il déjà arrivé ? », demanda Harry de façon nerveuse.
Le Vieux Al se mit à rire doucement et secoua à la tête pour lui dire non. « Alpha Black n’est pas encore là. Je peux te garantir que tu l’aurais senti s’il se trouvait déjà à l’intérieur. »
Harry salua encore une fois le Vieux Al d’un geste de la tête, puis il se rendit à l’intérieur.