‡Chapitre 2 : Hunt‡

2867 Words
Qu'y a-t-il sur ta paume de main ? Regarde, des lignes qui tracent le destin, N'est-ce pas exaltant ? Car, laisse-moi te dire que c'est ainsi pour chaque être vivant. ♦†♦ _Territoire d'Aroër- Forêt noire de Vanupas_ Le vent chaud et sec balaya les feuilles de la végétation luxuriante qui parsème la forêt noire de Vanupas : impétueux, imprévisible, bien souvent capable de déraciner un arbre lorsqu'il est déchainé. D'autant plus que quand c'est le cas, chaque grain de sable et chaque feuille d'arbre constituent une arme mortelle. L'homme le plus robuste réfléchirait à deux fois avant de s'aventurer dans ce domaine d'où prennent naissance ces tourbillons à l'entre-choquement v*****t. Tout le monde sait qu'il vaut mieux ne pas défier la nature. Surtout lorsque la moindre erreur arrache ta vie sans demander ton reste, comme une feuille sèche se détachant d'une branche. Bien sûr, il y'a aussi les plus téméraires que nous qualifierons d'exceptions à la règle : ceux-là qui se revêtent de force et s'arment de courage pour braver un des gîtes infernaux du territoire d'Aroër. ... Cachés entre les arbustes et à l'affût de la moindre apparition hostile, deux silhouettes se faufilèrent entre les arbres et s'abaissèrent, lorsque la situation l'exigeait, pour ramper sur la terre sinueuse et racinaire de la forêt noire. Le motif de leurs actions pouvait être dû soit à une remarquable témérité ou bien à une incroyable insouciance. Toutefois, ceux-ci avançaient avec un but précis. Si ce n'était pas le souffle du vent un peu trop criard, tout serait apaisant et calme comme le devait être une forêt normale, sauf que la forêt noire de Vanupas ne remplissait en aucun cas ce critère. Malgré tout, rien n'aurait pu nuire à leur concentration, ni freiner leur motivation. ... L'une des silhouettes, à l'aspect féminin, se redressa et grimpa rapidement avec agilité sur un arbre tout en veillant à être bien camouflée par le feuillage aux couleurs sombres et ardentes. L'individu projeta son regard aiguisé aux alentours avant de le verrouiller sur son point focal. Elle agita délicatement une branche faisant tomber quelques feuilles en guise d'avertissement à son compagnon. Sans perdre une seconde, ce dernier s'élança d'un pas furtif, s'éloignant de quelques mètres sur le côté en veillant à parcourir la distance que formerait un rayon par rapport à sa position d'origine, puis s'arrêta à son tour. D'un geste flexible, il défie l'arc accroché à son épaule et ôta une flèche de son dos puis la tendit sur la corde, parer à tirer. La personne sur l'arbre se détacha de l'ombre, dévoilant ainsi une jeune fille, à la peau sombre, vêtue d'une longue tunique grise sans manche et recouvrant le reste de son corps, celle-ci était ficelée au niveau du cou formant une capuche de fortune. Des b****s de tissu recouvraient ses bras de la paume jusqu'au deltoïde, un masque facial occultait son visage, laissant juste entrevoir deux joyaux ambrés, en guise d'iris, brillant dans la pénombre. Elle bondissait de branche en branche avec souplesse, étonnamment sans émettre le moindre bruit déplacé, et ce, jusqu'à leur proie : une énorme bête féroce de deux mètres de haut qui se tenait fièrement sur ses puissantes pattes arrière. Ses poils sombres dressés et d'apparence rugueuse vacillaient à peine sous la brise ; ses griffes acérées creusaient de quelques centimètres le sol ; ses oreilles plates s'agitèrent et son museau massif et allongé pointait vers le haut en une succession de reniflements disgracieux. Les deux chasseurs plissèrent des yeux et eurent la même pensée : « Il nous a repéré ». Mais loin de se décourager, ils s'obstinèrent d'un commun accord à poursuivre leur besogne comme prévu. ... Malgré la brise stridente et l'odeur fortement aigre qui emplissait l'atmosphère des bois serrés, touffus de plantes, de broussailles ou d'arbustes à branches épaisses, la créature a pu ressentir leur présence. Dans un environnement aussi peu éclairé, il est normal pour une bête telle qu'elle, d'affûter ses autres sens. Pour les repérer rien qu'à l'odeur, celle-ci semblait habituée au lieu contrairement à eux. La tâche s'annonce donc délicate. Un long grognement menaçant résonna à travers le fouillis arborescent ; les crocs de la bête féroce relurent à la lumière du jour _ grâce aux infimes rayons lumineux qui se faufilaient à travers le feuillage sombre_ suivit d'un filet de bave jaune clair qui s'écoula le long de sa mâchoire : elle sera ostensiblement aux aguets tant qu'elle ne trouvera pas sa proie pour la déchirer morceau par morceau. Pour les chasseurs, c'était maintenant ou jamais. Flap ! Une lance, finement aiguisée, fila rapidement et vint se planter à côté de la bête, la frôlant de peu. Celle-ci agita le museau fiévreusement en direction de sa provenance et ce moment d'inattention accorda le temps nécessaire au déploiement de deux flèches qui vinrent se loger dans sa nuque, sa tête vacilla, mais le corps demeura ferme. Le danger imminent lui fit renifler scrupuleusement et sentir la présence de deux proies : la première se déplaçait très vite et l'autre était statique. Par instinct, la bête féroce décida de s'attaquer d'abord à la plus accessible malheureusement, son action fut neutralisée par deux autres flèches qui vinrent se planter sur la face ventrale de son cou. Cette partie de son anatomie était la plus exposée, la taille ne dépassait pas celle d'un index d'où le fait de pouvoir tirer avec une précision extrême dès lors qu'il était immobile. Les chasseurs ayant déjà pris en compte cette faille, veillaient à l'utiliser à bon escient. Bien sûr, ils devaient s'attendre à ce que la bête fasse preuve d'une incroyable résistance, elle ne vacilla même pas et reprit son avancée sur ses quatre pattes avec une lenteur démesurée, enfonçant ses griffes dans le sol à chacun de ses pas. Peu importe la rafale de flèches volant avec frénésie dans sa direction, elles aboutissaient au même résultat : celui de s'accrocher à son pelage à la propriété abrasive. L'instinct ne trompe jamais, sa première proie était très proche, il ne manquait plus qu'à bondir sur elle, la déchiqueter avec voracité puis sans transition la dévorer avec insatiabilité. Juste un petit rendement octroyé à ses infâmes briseurs de quiétude. Avec une flexion rapide sur ses pattes arrière, elle bondit et s'élança la gueule grande ouverte et écumante. . . . – A-A-A... ATCHOUM !!! Un éternuement grossier et flasque fit écho dans toute l'étendue de la forêt noire jusqu'aux piques abruptes des montagnes ceinturant la plaine de Vanupas, incitant l'envol soudain des rapaces aux serres venimeuses se trouvant aux alentours. Un gémissement de dégoût suivit après que le responsable renifla bruyamment, faisant remonter le liquide clair et visqueux dans sa cavité nasale. – C'est ce que tu obtiens pour t'être moquée de moi, persifla l'enrhumé tout en essuyant son nez avec la manche de son vêtement. La jeune fille marchant à ses côtés plissa son nez et loucha son compagnon avec mécontentement. – J'en reviens pas que tu rejettes la faute sur moi Akkun, répliqua-t-elle en levant les yeux au ciel en signe d'exaspération, franchement, comment aurais-je pu savoir que tu ne connaissais pas que se couvrir le nez et la bouche avec un masque ordinaire ne suffisait pas ? C'est de la forêt noire dont il est question alors oui, il y'a des précautions plus que nécessaires à prendre... Chose que tu aurais su si tu étais attentif au cours de l'ancien. La jeune fille ôta son masque ainsi que les fines couches de tissu et d'herbes camouflées en dessous puis aspira l'air frais que procurait le secteur peu boisé de la forêt et nettement moins pollué par des effluves plus ou moins toxiques. Sa satisfaction à ne présenter aucun effet secondaire était palpable, n'en déplaise à son compagnon de chasse. – Même si tu ne présentes pas des signes d'intoxication, nous devons tout de même nous dépêcher de le prendre en charge, poursuivit-elle en abaissant le masque de fortune sous son menton, le fait qu'on soit également bien couvert à jouer un rôle primordial. Cela aurait pu être pire. – Tss ! Ne me prends pas de haut sous prétexte que tu maitrises les lieux du bout des doigts, croassa le jeune homme de plus en plus irrité par ses soupirs d'aise. S'il ne trainait pas la carriole artisanale d'où était solidement attachée la bête féroce récemment abattue, il la pointerait du doigt et lui montrerait ses poings peu importe à quel point ça paraitrait enfantin. – Tu peux être fière de toi Kaya, je ne me suis jamais senti aussi mal de toute ma vie. D'ailleurs pourquoi c'est moi qui traine le bestial hein ? Après tout c'était ton id... Il fut interrompu par un autre éternuement. Cette fois-ci, accompagné de vilaines démangeaisons picotant son nez et sa gorge. Il toussota plusieurs fois malheureusement sans grand effet calmant. – RAAAHHH !!! J'ai l'impression d'abriter une fourmilière, ça me rend f... A-Atchoum !! Akkun rejeta convulsivement l'air humide de sa bouche et l'action lui fit perdre l'équilibre. Il se ressaisit bien vite grâce à ses réflexes et lâcha la corde pour prendre appui sur ses genoux. Quelques minutes après que la rafale nasale fut calmée, il s'accorda un instant de répit pour remettre ses sens en place ; en un moment donné, il a cru que son cerveau allait jaillir de ses narines. Kaya avait observé la scène avec une pointe d'inquiétude malgré qu'elle s'était éloignée de quelques mètres pour éviter d'être touchée par les éjections de mucus par peur des microbes. « Je t'assure, ça fait vraiment peine à voir, le pauvre ! » Avec un air de sympathie, elle se rapprocha de lui et lui tendit une petite étoffe dont Akkun s'interrogea de la provenance. Néanmoins, il le prit, les yeux plissés et larmoyants, puis se moucha férocement. Kaya dût s'empêcher d'exprimer une autre mine de dégoût. La cavité nasale bien dégagée, Akkun se redressa et hissa une fois de plus la corde du chariot autour de ses épaules, non sans avoir jeté le tissu qui atterrit dans un coin au hasard dont il ne s'en souciait pas, tout ceci sans piper un seul mot. Alors qu'il passa devant Kaya, celle-ci cligna des yeux face à ce mutisme délibéré et frotta distraitement le tissu qui lui servit de masque. Elle ressentit une légère culpabilité même si elle ne voulait rien laisser paraître. Pourquoi ? Eh bien, juste comme ça. Elle n'y était pour rien après tout. S'il veut bouder, grand bien lui fasse. En trois enjambées, Kaya fut à son niveau. Les mains derrière son dos, elle pencha la tête pour jeter un coup d'œil à son visage. Akkun ne broncha pas et ne l'épargna même pas un regard. Elle fronça légèrement puis se redressa. – Tu vas faire la tête encore longtemps ? Sa voix ressortit avec une pointe de contrariété sans compter que sa question eût résultat un silence délibéré. Elle n'était pas sûre que des excuses auraient suffi, il ne la prendrait sûrement pas au sérieux. Après avoir lâché un soupir morne, elle reprit d'un ton efficacement en proie au remords : – J'admets avoir une part de responsabilité, étant donné que je t'ai entraîné là-dedans et donc, tu as le droit de m'en vouloir... Mais d'abord, il faut que tu saches que tu es bien le seul à qui j'aurais pu demander ce service. Même si cela ne s'est pas bien terminé, pour toi surtout, nous nous en sortons indemnes et victorieux. Une preuve que j'ai eue raison de me fier à toi. Cette chasse me tenait particulièrement à cœur et je n'y serais jamais arrivée sans toi, Akkun. Lentement, un sourire reconnaissant s'étendit sur ses lèvres naturellement pulpeuses, une brise incroyablement douce souffla tandis que son visage éclaira à la lueur du jour, la capuche ôté par le souffle. Ses cheveux bruns, taillés très courts furent balayés au gré du vent. Kaya les gardait à ce niveau pour les rendre moins gênants, étant une combattante, elle aimait être libre de ses mouvements en toute circonstance. C'est donc à ce moment précis que le jeune homme lui épargna un coup d'œil et la vision dont il fut témoin lui fit hausser grandement les sourcils de même que les marques tribales dessinées sur son front. Pourquoi ses mots sonnaient-ils incroyablement doux à ses oreilles ? Et qu'y avait-il avec ce sourire ? Akkun ne l'avouera jamais, mais il en fut déconcerté. C'était sa meilleure amie et coéquipière pour l'amour de Dieu. Il l'a vu grandir et devenir la ravissante jeune fille qu'elle est aujourd'hui alors, y a-t-il un mal à ce qu'il la voit un peu différemment ? Il redoutait un peu la réponse, peut-être parce qu'il la connaissait au fond de lui. Malheureusement pour notre chasseur, la contemplation ne dura pas longtemps, brisée par les quelques mots qui suivirent : – En parlant de réaction allergique, celle-ci est plutôt agressive, mais pas du tout mortelle, tu vas en baver pour un moment ça c'est sur, déclara Kaya d'un ton qui dépeignait parfaitement l'apitoiement pour une personne autre que soi-même. Je pense que pour l'irritation, tu n'auras pas à t'inquiéter pour longtemps, j'ai entendu dire qu'elle disparait en deux ou trois jours, plus précisément, après exposition. Akkun se raidit. A-t-il bien entendu ? – T... T'es pas sérieuse ? Quand celle-ci feignit la sourde oreille, son visage se froissa littéralement de colère. Il réitère. C'est quoi le problème de cette fille ? – KAYA ! Réponds-moi tout de suite ! Lui hurla-t-il au visage et celle-ci couvrit ses oreilles avec frustration. – Pas la peine de me crier dessus ! Je ne suis pas sourde. Eh oui, tu m'as bien entendu... Ah ! Encore une fois, tu l'aurais su, si tu avais fait attention aux enseignements de... – Mais tu vas arrêter avec ça ? Non loin d'être affectée par sa brusquerie, Kaya haussa ses épaules et continua d'avancer. – Prends-le comme tu veux, au moins tu es avisé. Akkun se renfrogna d'une manière qui pourrait être jugée de très, mais alors très inquiétante. Encore plus lorsque cette dernière se mit à balancer nonchalamment ses deux lances parfaitement aiguisées entre ses mains. . . . Les deux chasseurs longeaient les sentiers battus qui traçaient le chemin menant au camp de Vanupas situé à plusieurs kilomètres de la forêt noire. Des collines rocailleuses s'étendaient de part et d'autre de l'allée, le gris terne des monts s'entrechoquait avec la lumière du gigantesque astre aux reflets rougeâtres prodiguant un aspect rupestre sur ces remparts naturels. Un vent chaud et poussiéreux souffla, ni trop fort, ni trop délicat, s'additionnant au tableau sombre et esseulé des lieux. Kaya connaissait le chemin par cœur ainsi que tous les dangers encourus si on y demeure trop longtemps. De toute façon dans un lieu comme celui-ci, tout est possible surtout quand les évènements sont suivis de conséquences désastreuses. Avec le temps, elle a fini par ne plus s'en soucier : grâce aux entraînements, elle est devenue plus aguerrie au combat et à la chasse, en plus d'avoir affiné son instinct. Elle n'est pas invincible, mais au moins cela a eu le mérite de faire grandir sa confiance en soi. Toute sa vie, elle s'est évertuée à maitriser la contrée maudite de Vanupas. Alors autant dire, qu'elle était parée à n'importe quoi. – À partir d'ici, tu devrais éviter de hurler ou d'éternuer trop fort, sinon tu vas nous attirer des ennuis, dit Kaya en observant les roches qui s'effritaient de part et d'autre des collines en bloc de pierres d'une taille capable d'assommer un buffle. Je ne fais pas de miracles, mais pour me faire pardonner, je demanderais à baba de concocter un onguent qui fera disparaitre les effets un peu plus rapidement que prévu. Sans attendre la réponse de son interlocuteur et avec le sourire aux lèvres, elle pressa le pas pour le devancer. De là où elle se trouvait, le camp était déjà en vue : la fumée, sortant des cheminées des fours artisanaux, s'élevait haut dans le ciel tandis que les cris enthousiasmés des plus jeunes, sûrement en train de s'amuser, pouvaient être entendus. Dans une autre vie où Akkun n'était pas aussi bon et généreux _ en plus d'un autre type de sentiment qu'il éprouvait depuis quelque temps à son égard _ cette fille aurait déjà judicieusement reçu une de ses flèches plantée entre ses omoplates. C'est vrai quoi ? Pourquoi faut-il toujours qu'elle le tourne en bourrique ? Elle le fait exprès, c'est certain. À quelques pas devant lui, Kaya se retourna vivement pour lui faire signe de la main, un sourire moqueur en place. – Allez grand dadais, dépêche-toi ! N'oublie pas que c'est un grand jour et qu'on n'a pas toute la journée, s'écria-t-elle joyeusement, sa voix rebondissant entre les murs sinistres et fragiles des collines. Akkun ne dit rien, la dévisageant juste de ses prunelles sombres. C'est lorsqu'elle se retourna pour reprendre la route en trottinant que celui-ci prit d'ardeur répliqua fortement d'une voix éraillée : – Hé ! Je pensais qu'on devrait éviter de hurler ! Et puis, je t'interdis de me traiter d'imbécile, petite sotte ! . . . . . . ♦‡♦
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