"Pourquoi est-ce arrivé ?
Quel mal avons-nous commis cette fois-ci ?
Est-ce ainsi que tu conçois la justice ... Divin ?"
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(PDV personnage)
Le chaos, la désolation, la mort... C'est ainsi qu'on pourrait dépeindre le décor à cet instant précis.
Tout est chaud et froid en même temps. Je ne peux décrire l'atmosphère autrement.
Au cours de ma vie, que je peux maintenant qualifier d'insignifiant, j'ai assisté à des successions de morts toutes plus horribles les unes que les autres. Mais cette scène dantesque qui se dresse sous mes yeux me paraît si invraisemblable que j'ai l'impression de cauchemarder.
Un ouragan impitoyable, sous forme de créatures sombres et monstrueuses crachant du soufre et écumant de l'acide, a déferlé dans notre contrée avec but de tous nous entraîner dans la mort. Emportant tout sur son passage. Ravageant tout ce qui était autrefois nos habitations, nos plantations, nos ressources pour lesquelles on étaient en mal de fierté malgré tout. En d'autres termes, tout ce qui contribuait à notre survie.
«Survie ou encore condition maudite et misérable. Car oui, notre existence ne se résumait qu'en un échelon gravitationnel de malheurs »
Je vois des choses que je n'aurai jamais imaginées même dans mes rêves les plus fous.
Des dizaines de corps en décomposition, à présent tous méconnaissables, jonchent ce lieu appelé Vanupas. Ironiquement ce qui était autrefois le camp des-plus-que-maudits est devenu un véritable lieu de misère emprunt à une impénitente désolation. L'air putride envahi l'atmosphère, rendant l'air irrémédiablement toxique, voire irrespirable.
« C'est bien ici où j'ai grandi ? »
Je ne reconnais plus rien, le soufre emporte le fruit de nos durs labeurs, tout est réduit en un amas de fumiers et de poussière. Il est maintenant évident que pour la majorité d'entre nous, la route prend fin ici.
« Nous sommes à jamais prisonniers d'un destin funeste. »
Je peux maintenant entendre les âmes, arrachées brusquement à leurs corps, poursuivre leur hurlement d'agonie. Car elles le savent, c'est un point de non-retour où l'on entame involontairement une route éternelle.
Tout se déchaine en un instant, hors de sens et complètement hors de contrôle, le désespoir ne peut pas avoir plus ample signification quand avec elle, le regret et l'amertume écrasent impunément tout ce qu'on a ou tout ce qu'on n'a pas pu construire.
J'éprouve tout autant de l'affliction, car je ne suis pas en reste. La posture que j'ai en ce-moment ne pouvait pas autant me narguer. J'en suis complètement écœurée.
« Nous sommes pour toujours des êtres maudits. »
Pourquoi suis-je encore là à souffrir ? Mon heure est proche, je peux le sentir.
Dès l'instant où je fermerais les yeux, je serais partie pour entamer aussi un long voyage. Alors, pourquoi continuer à lutter en vain ?
Une issue. Une échappatoire... Pourquoi en aurait-il pour moi ? Je ne le mérite pas.
« Je suis misérable, j'ai tout perdu. Je n'ai plus de raison de vivre, ni de combattre. »
Néanmoins, je me sentirais plus sereine si je pouvais les voir pour une dernière fois. Juste une fois, c'est tout ce que je désire.
Mais je ne me fais pas trop d'illusions, car je sais que c'est impossible. Jusqu'à la mort, ma vie n'aura été qu'une succession de déception.
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"D... Des f... flammes bleues ?"
Mes gémissements reflétaient mon agonie et je regrettais immédiatement de m'être efforcée. Ma gorge était atrocement douloureuse et mes lèvres inexorablement sèches et craquelées. Je sentis ma vision se brouiller et mes paupières s'alourdir alors, je saisis mes dernières forces pour ne pas me laisser emporter tout de suite par le néant. Est-ce réel ? Est-ce une vision ou une illusion ? Dans tous les cas, elle est sûrement due à mon état agonisant.
Des flammes bleues.
Quelle ironie ! Car pour notre tribu, la couleur bleue symbolise la liberté. Ah ! Est-ce une manière de rendre la situation encore plus macabre ? Mais peu importe la couleur ou le fait que ce soit une illusion, je reste ni plus ni moins mortellement pris au piège. Je suis complètement paralysée.
« Je suis fatiguée... »
" Une bonne fois pour toutes, arrête de t'efforcer ! Jusqu'à quand lutteras-tu ? Tout ceci ne sert plus à rien. Où tu vas, tu trouveras du repos. Tu n'auras plus mal ni dans l'âme, ni dans la chaire. Cette souffrance que tu endures depuis des décennies prendra fin. Laisse-toi emporter ! Coupe les liens qui t'enchaînent dans ce monde plein de cruauté."
C'est vrai ! Toute ma vie, je l'ai vécu dans la douleur en appréhendant le lendemain. Même s'il y avait des moments de joie, il n'en reste pas moins que j'ai vu des personnes qui me sont chères disparaître sous mes yeux. J'ai pleuré, mais je me suis toujours relevée parce qu'il y avait encore de quoi protéger.
C'étaient eux, la source de ma force et de ma détermination. C'est pourquoi en aucun moment, je ne me suis relâchée.
Il fut un temps où je croyais vraiment que je pouvais tout changer, qu'avec une entière persévérance, la malédiction pouvait être brisée. J'aurais tout fait pour vivre ce moment. Absolument tout. Alors oui, j'ai des regrets, une multitude de regrets.
Un flot de larmes jaillit tel un ruisseau sur mon visage meurtri et encrassé, les derniers que je verserai sans doute. De toute façon, il m'était difficile de les retenir. Mon âme était piétinée et complètement malade.
" Je... Je voulais devenir plus forte pour... Pour vous... M... Mais voilà tout est fini maintenant ..."
Mais ensuite je l'entendis :
"... C'est une manière plutôt infâme et laide de mourir."
La voix étrangère que j'enregistrai semblait sortir de nulle part. J'avais l'impression de l'entendre dans ma tête et non physiquement. Pourtant, j'étais sûre qu'une chose pareille était impossible. J'étais seule et entendre des voix sorties de nulle part, sauf celle de ma conscience, ne m'était jamais arrivé jusqu'à maintenant.
"J'ai toujours détesté ceux qui se laissent abattre par leur sort... Hé quoi ! Ta vie ne vaut que dalle ? C'est pour ça que tu capitules si facilement face à la mort ?"
Cette voix s'attendait-elle à une réponse ? Je ne comprends pas ce qui se passe. Suis-je dans l'au-delà ? Est-ce une sorte de jugement ?
"Si pathétique ! Les humains ordinaires sont tellement faibles de nature et de force. Si tu veux rendre ton dernier souffle alors fais-le de manière digne et ne regrette rien jusqu'à la dernière seconde ! Fais en sorte que chaque moment vécu n'ait pas été en vain."
Cette voix... Elle est si forte, si autoritaire et... grognarde. L'impression soudaine que cette... Personne ne se tenait proche de moi, me fit frissonner l'échine. Même si c'était la dernière action que je ferais, il le fallait. Et donc, piquée par la curiosité, j'ouvris mes yeux avec un effort surhumain, c'est là que je le vis.
Non... Je ne peux pas le croire... Qu'est-ce ce que c'est que ça ?
Un... Un tigre ? Était-ce lui qui parlait ?
L'étrangeté ne s'arrêtait pas là, j'avais affaire à un tigre blanc à rayures grises avec des flammes bleues vacillant tout autour de sa silhouette. Ces flammes ne l'affectaient point, au contraire.
Tout à coup, sa proximité me procura une très forte chaleur, loin d'être agréable, toutefois apaisant d'une certaine manière mon corps extrêmement froid et immobile.
"... Bref, je ne peux pas t'en vouloir si tu es faible."
Il bougea et se détourna de moi, je pouvais en déduire qu'il n'était pas là pour m'achever, si ?! De toute façon, qu'est-ce que ça change ? Je suis à bout, je ne tiendrai plus longtemps.
Et toutes ces hallucinations... Serait-ce un effet secondaire de cet air empoisonné ?
"... Faudrait que je me magne, il n'y a pas une minute à perdre. Toi, surtout, ne meurs pas pendant que je réduis en cendre ces saloperies de spectres... Et puis m***e ! J'oubliais qu'elle ne peut pas m'entendre sous cette forme. Bref, qu'elle reste en vie aussi longtemps que son existence frêle ne le permet !"
C'est sur ces mots qu'il s'éloigna et malheureusement, je fus une fois de plus frigorifiée.
Spectre ? Forme ? Mais qu'est-ce qu'il raconte ? Pourquoi s'adresser à moi de la sorte ? Et surtout la question la plus importante, d'où vient-il ?
Je n'eus pas à réfléchir longtemps, car ma conscience m'échappa petit à petit. En ce moment, je perdis tous mes sens et sombrais dans le néant avec comme dernière perception le grésillement des flammes.
« Comment en sommes-nous arrivés là ? »
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