‡Chapitre 10 : Cursed (2)‡

3063 Words
Kaya secoua la tête en réponse. Les frère et sœur partagèrent un coup d'œil résolu pour l'un et déconcerté pour l'autre avant que le jeune homme ne reprenne la parole : – Pour faire simple, dès le moment où tu as levé tes bras, ton corps s'est mis à briller d'un éclat fascinant, bien sûr dans le vrai sens du terme. Puis, quand tu t'es mise à danser, la lueur s'est atténuée, mais battait toujours au rythme de tes pas et à la fin, elle s'est juste dissipée. Évidemment, il était facile de s'imaginer que c'était un tour de passe-passe mais toi comme moi savons mieux qu'il y'a une explication irrationnelle à ça. Zuri ouvrit grand les yeux, interdite. Elle fixa son frère comme si une corne avait subitement poussé sur sa tête, on pourrait en dire autant de Kaya. Elle en resta sans voix, c'était comme si une bûche d'abeille avait été fracassée cruellement sur son crâne, faisant résonner un bourdonnement maladif dans ses tympans. Peut-être était-ce le fait de ressentir soudainement un poids énorme s'abattre très durement sur ses épaules ou bien la fatigue car Kaya se sentit vaciller quelque peu mais se ressaisit bien vite. Heureusement pour elle, cela passa inaperçu. – Je... Afin quoi ? Balbutia-t-elle enfin en regardant entre les deux avec perplexité. Désolée, mais ce que tu racontes est complètement insensé ! Certes, c'est une chose très... bizarre que de se mettre tout à coup à euh... briller, mais je ne suis pas d'accord quand tu dis que ça manque de rationalité, si ça se trouve les rayons de la lune brillaient un peu trop fort à cause des vêtements ou même des ornements... afin, je suppose. Akkun pour toute réponse, soupira. Dans un sens, il fallait s'y attendre. Afin bref, cette journée sera peut-être l'aboutissement de beaucoup de choses, autant procédé étape par étape. Il ouvrit les yeux et verrouilla son regard sur le sien d'un air sérieux. – Discutons-en ailleurs, de plus, tu as l'air épuisé. Zuri, va chercher quelque chose à manger puis rejoins-nous dans la cabane ! Celle-ci voulut protester mais se ravisa, ayant la vague impression que c'était plus sérieux que ça en avait l'air. – Bien, j'y vais, se résigna-t-elle. Mais ne commencez pas sans moi, d'accord ? – Comptes là-dessus, répondit nonchalamment son frère avant de se tourner vers Kaya, cette dernière avait la tête baissée, le regard perdu. Hé ! Ça va ? – Oui, souffla-t-elle, pourquoi est-ce que ça n'irait pas ? Elle leva ensuite ses yeux et tenta de composer une aura plus sereine. Si Akkun savait mieux, il dirait que c'était de la peur et de l'agitation qui se reflétaient dans ses yeux. Il sait aussi que ça ne servait à rien de le lui faire savoir, Kaya ne supportera jamais une once de pitié venant de qui que ce soit, même de lui. Si elle a des insécurités, il attendra juste qu'elle se confie à lui. Il attendra toujours. – Ce que je veux dire, c'est que... Reprit-elle en tentant de reprendre son calme. Akkun, je me fais sûrement des idées, mais j'ai l'impression que tu sais des choses dont j'ignore et qui me concernent, il y a ça et aussi cette sensation étrange que je ressens depuis tout à l'heure... – Donc, ça va pas. – En quelque sorte. Akkun la fixa un instant avant de regarder droit devant lui, poursuivant sa marche à pas lents, suivi de près par Kaya. – Je ne suis pas trop sûr pour ta sensation étrange, toi seule a la capacité de l'interpréter, déclara-t-il prudemment. Sur ce dont j'ai connaissance, même ça je n'en suis pas sûr, néanmoins, je me dois de te dire certaines choses. Après, ce sera à toi de décider s'il faut s'en inquiéter ou pas. Kaya gémit sans enthousiasme, son énorme fatigue ressurgissant d'un coup. « Et tout ça ne pouvait pas attendre que je me sois reposée ? Je suis complètement épuisée. Afin bon, il a raison, je dois tout de même éclaircir cette histoire... » . . . Les deux parvinrent enfin devant la hutte appartenant aux deux frère et sœur. Akkun souleva le rideau d'entrée d'une main et fit un geste de l'autre. – Entre et installe-toi ! Ils pénétrèrent dans la pièce sombre que Akkun s'empressa d'éclairer avec une lampe tempête. Kaya se sentant comme chez elle, se dirigea immédiatement vers un rembourrage semblable au leur et s'allongea sur le ventre. – Ah ! Cette journée était trop épuisante même pour moi, dire qu'aujourd'hui le moindre effort semblait me demander une énorme quantité énergie est un euphémisme... – Tiens, à boire ! Il déposa un gobelet rempli d'un liquide rosé près d'elle, elle le remercia puis s'assit avant de la saisir. Tenue là près de la fenêtre, elle avait une vue parfaite du bel astre lunaire et là juste à côté, une étoile qui ne passait pas inaperçu car scintillant d'un éclat vif. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, c'était les seuls astres qui ornaient le ciel nocturne du territoire d'Aroër. Une lune et une étoile. Tout le reste était une palette d'encre noir s'étendant à l'infini. Terne aurait été le mot pour le décrire mais Kaya voyait les choses autrement. C'était une vision admirable et hautement proverbiale si on prend en compte leur condition et son désir de tout changer. Une lueur d'espoir dans un monde de ténèbre. Même si Kaya voulait se délecter de sa boisson, elle finit par la boire d'une traite. Elle se rallongea ensuite et poursuivit son observation en direction du ciel nocturne. – Ah ~ Je pourrais m'endormir ici même, ce coussin est bien plus confortable que le nôtre... La lune est si belle ce soir, tu ne trouves pas ? C'est peut-être moi mais elle me paraît plus claire et il fait nettement plus froid que d'habitude... Sûrement un changement de saison. – Peut-être. Dès cet instant, l'homme de peu de mots réfléchissait sur comment aborder "l'autre sujet" de la discussion, le temps de se retrouver seuls. Il maugréa sur le fait d'avoir été coupé dans son élan, noircissant ses pensées de doute et de crainte. Heureusement, ces sentiments n'étaient plus aussi oppressants. Finalement, son visage afficha une lueur ferme et résolue : – Kaya ? – Hum ? Dit-elle en roulant de côté pour le faire face, les traits ramollis par la fatigue. Au moins, elle ne s'est pas encore assoupie, commenta Akkun, l'expression neutre mais l'esprit agité. – Tu vois, je... – Je suis là ~ et je nous ai ramené de quoi se gaver pour le reste de la soirée. J'ai aussi croisé tante Salma qui te cherchait, Kaya. Apparemment, tu as oublié de prendre ton fameux potage aujourd'hui. Je ne te fais pas dire à quel point elle avait l'air très préoccupée à ce sujet. Kaya tapota son front avec frustration en lâchant un énorme soupir : – Mince ! Ça aussi, j'ai oublié. – Pourquoi ça ne m'étonne pas de toi ? Afin bref, n'as-tu jamais pensé à apprendre la recette un jour ? Ce serait beaucoup moins de tracasseries pour toi comme pour elle. – Bien sûr que si, sauf que baba insiste toujours pour la préparer elle-même alors, je lui laisse ce soin. – Dis plutôt qu'elle aime te gâter parce que tu es sa fille chérie... Et donc, ce n'est pas grave si ? Tu pourras la rejoindre quand on aura fini ici. Tiens, manges plutôt un vrai morceau~ – C'est vrai que rien ne presse, encore merci Zu et bon appétit~ Les deux filles piquèrent avec joie dans leurs assiettes, riant de bon cœur tout appréciant les diverses saveurs procurer par les mets riches de leur contrée et ceci sous le regard interloqué de l'ainé. Durant un instant, elles oublièrent même la raison de leur présence ici, ce qui provoqua le tremblement de ses paupières et le fort grincement de ses dents à l'égard du vrai cadet de ses soucis. – ZURI ! Rugit ce dernier, ça fait deux fois, DEUX FOIS ! Tu le fais exprès, c'est ça ? Sous l'œil menaçant de son frère, Zuri, hébétée, employa sa méthode de défense directe et heureusement à portée de main, son bouclier anti-grand-frère enragé, Kaya. – M... Mais de quoi tu parles ? J'ai fait ce que tu m'as dit pourtant. – Au lieu de vous disputer, mangez plutôt ! Vous en avez grand besoin, moi surtout et toi aussi Akkun, goûte-moi ce morceau allez allez, intervint une Kaya enthousiaste après avoir avalé une autre bouchée. J'ai l'impression d'avoir dépensé de l'énergie plus que d'habitude alors qu'il m'arrive de m'exercer plus que ça. Mais bon, ce n'est pas le sujet de notre discussion... Akkun, tu as dit que tu pouvais nous fournir des éclaircissements à ce sujet, qu'en est-il ? Nous sommes toutes ouïes ! . . . Akkun relata chaque évènement s'étant produit depuis, aussi longtemps qu'il s'en souvienne, et dont il avait été témoin. D'après lui, ceux-ci atteignaient toujours un pic étrange durant cette période de l'année. Les deux filles qui avaient écouté sagement en restèrent abasourdies pendant un bref instant. – Tu es sûr que c'est vraiment arrivé ? Fit Zuri en fronçant les sourcils, l'air dubitative. – Aucun doute là-dessus ! Et avec tout ce dont nous venons d'assister, même les doutes se confirment... Sa sœur l'empêcha de continuer sa phrase d'une main : – Attends une minute ! À t'entendre parler, on dirait que Kaya possède des dons de mysticisme. – C'est une possibilité. Kaya était consternée, confuse et effarée en même temps . Si elle le croyait ? Bien sûr. Akkun n'irait jamais raconter une histoire pareille juste pour le plaisir. Sans compter qu'il avait l'air d'être aussi troublé qu'elle. Le mysticisme a toujours été un sujet tabou au sein de la tribu. Tout ce dont elle se souvint ce sont les commérages concernant cette pratique, colportés par des adultes indiscrets au temps où elle résidait encore dans la ville principale, elle était alors très jeune. Son esprit vif lui a bien souvent permis de comprendre certaines choses et le tout se résumait toujours aux deux mots en concordance avec leur contexte : fléau et outrage. – Mais enfin, pourquoi ? E... Et Si c'est vraiment le cas alors comment puis-je en être inconsciente ? J'aurai forcément dû m'en rendre compte à un moment comme à un autre... Akkun savait qu'ils risqueraient d'aller à la dérive si rien n'était confirmé, mais au moins, il fallait faire tout son possible pour la rassurer, car très souvent, il était difficile de prédire ses prochaines actions. Kaya possédait une grande témérité de même qu'une vive impétuosité. – Ce qui s'est passé ce soir était aussi une sorte de première vraie manifestation pour moi. D'ailleurs, on n'a jamais dit que l'explication sera plus évidente que le nez au milieu de la figure, c'est déjà une bonne chose d'en avoir connaissance. Pour le reste, nous finirons par le comprendre tôt ou tard... C'est fort probable mais Kaya voulait une explication maintenant. Et à son avis, une seule personne pouvait lui accorder cette doléance. – Baba... Elle doit sûrement être au courant de quelque chose, après tout c'est ma mère. Mais... s'il s'avère que c'est vrai, quelle sera sa raison de m'avoir caché ça ? « Si ces événements survinrent depuis mon enfance alors il n'est que logique qu'elle le sache, n'est-ce-pas ?... Mais alors, pourquoi suis-je subitement rongée par le doute ? Quelque chose ne va pas, je manque un truc. » – Pas de conclusion hâtive ! S'exclama Zuri bien qu'elle-même traitait encore l'information. Surtout prends le temps de bien y réfléchir, d'accord ? Certes, c'était tout bonnement incroyable mais loin d'être impossible. Pour autant qu'ils sachent, les cas de véritable mysticisme étaient absolument rares voire impossibles à dénicher. Au fil du temps, il fut trait aux mythes. Cependant, ce qui ne changeait pas, c'était le sort qui était réservé aux concernés et il n'avait absolument rien à envier à celui des plus-que-maudits. Le moindre individu soupçonné d'être en possession de dons mystiques parmi le peuple devait immédiatement être dénoncé. Après introspection de la cour, la famille avait l'obligation de le présenter publiquement par procuration sous peine de sanctions lourdes. L'initiation était suivi par la réclusion à perpétuité du spirituel dans un compartiment du domaine du chef gardé sous très haute surveillance, c'est ainsi que selon l'âge, il entame son service. De quel type ? Personne ne sait, ce qui est sûr c'est que pour un enfant, l'attente peut être plus longue. La rumeur courait selon laquelle, le développement mental était à risque à cause de l'isolement. Pour y remédier, le jeune enfant pouvait côtoyer ses proches jusqu'à un certain âge où il sera trouvé apte à accomplir sa besogne. Mais le résultat était toujours le même : Tout lien avec les proches est rompu et peu importe ce qu'il advient, il en est plus du ressort de la famille car elle ne possède plus aucun droit sur lui. Jamais plus, il ne pouvait en sortir, son sort était scellé, éternellement lié à une vie de servitude car dit-on, il amènera par ses capacités infâmes la perdition et la rébellion au sein de la tribu en plus, de mettre au défi le Divin Suprême qui demande juste à ce que le peuple soit soumi jusqu'à ce que le temps de sa colère passe. Que ce soit telle ou telle punition, à la fin, il n'en demeurait pas moins une fatalité commune aux habitants d'Aroër. Kaya ne put s'empêcher de serrer ses poings sentant la rage et le dégoût gravir par quatre dans son âme seulement en repensant à ce qu'elle avait entendu une fois par un adulte ivre : "Aussi longtemps que ces spirituels sont asservis, leur famille octroie d'un certain privilège jusqu'à ce que leurs jours de service arrivent à expiration." . . . « Voilà ce qui se dit depuis belle lurette. Je n'avais jamais entendu parler d'un spirituel ayant vécu à mon époque ou peut-être... mis à part lui mais je pense que son cas était très différent. Et même, le peu temps que j'ai eu à côtoyer cet individu ne m'a en aucun cas fait penser qu'il vivait dans la servitude, bien au contraire.» Toute possibilité de détente étant réduite à néant, Kaya en profita pour réfléchir plus calmement, toutefois rien n'y faisait. Son esprit était agité et ce sentiment négatif revint encore plus tenace et bien plus persistant. Tout à coup, le sol frémit sous ses pieds et son postérieur d'une manière effroyable qu'elle crût que la terre allait s'ouvrir en deux pour l'engloutir. Prise de panique, elle se leva en sursaut et ouvrit grand les yeux en fixant le sol. Son cœur battit fort et son pouls palpita rapidement tandis qu'elle observa frénétiquement tout autour d'elle. À sa grande surprise, absolument rien ne semblait anormal. – Kaya, ça va ? Ses amis, quant à eux, n'avaient pas l'air affectés par quoi que ce soit, hormis l'inquiétude qui se lisait sur leurs visages. Cette dernière déglutit d'effroi quand elle s'y rendit compte. « Suis-je donc la seule à l'avoir ressenti ? Mais... Comment ? » Elle posa sa paume de main glacé sur son front plissé en inspirant profondément « Était-ce une vision ou bien un état second dû à la fatigue ? » Loin de s'être calmée, elle s'efforça tout d'abord à reprendre sa place. Il ne fallait pas les inquiéter plus que ça, à tous les coups, ce n'était surement rien de grave. – Je... Je vais bien... J'ai juste pensé à un truc et ça m'a mis hors de moi. Kaya ressentit, tout à coup, le besoin urgent de voir sa mère. – Zuri ? Où as-tu vu ma mère pour la dernière fois s'il te plaît ? – Pas loin de chez vous... Hé ma belle ! Il y a un problème ? Quoi qu'il en soit, tu dois nous en parler, je t'assure que nous le résoudrons ensemble. Kaya y réfléchit. Zuri a peut-être raison et puis à ce stade, plus rien ne pouvait être surprenant. Akkun qui n'avait rien dit jusque-là, la fixa également avec attente. – Eh bien, plus tôt, j'ai eu comme une... – Akkun ! Kaya ! Un jeune garçon pénétra brusquement dans la pièce, très affolé. Les trois se retournèrent et Akkun se leva immédiatement, pressentant l'urgence. – Paco ? Qu'y a-t-il ? Ce dernier tenta de reprendre son souffle, les mains sur les genoux, avant de poursuivre : – Là-bas, à la cabane de l'ancien... Il est venu... Le... grand sage... Ouf ! Ha ! Ha ! – QUOI ? T'es sûr de ce que tu avances petit ? Paco hocha la tête avec véhémence et se redressa : – Puisque j'te le dis ! J'ai entendu les adultes l'appeler ainsi et puis ce n'est pas tout... Il est accompagné de quelques gardes et ils sont armés jusqu'aux dents. Quand j'ai vu ça, je me suis directement mis à votre recherche... Disons plutôt qu'on m'a ordonné de venir, vous cherchez. Et heureusement je n'ai pas mis long à vous trouver. Bien sûr, ça expliquerait pourquoi il avait l'air d'avoir couru un marathon, mais loin d'y penser, Akkun se tendit et serra ses poings avec fureur. – Comment ces fourbes osent-ils mettre leurs sales pattes ici ? Pour qui se prennent-ils ? Et pourquoi les a-t-on autorisés à pénétrer dans le camp hein ? Nous ferions mieux de nous dépêcher, Kaya ! Quand il se tourna, il ne la vit nulle part. – Elle est partie dès qu'elle a entendu les mots grand sage, Zuri répondit à sa question muette en pointant la porte, l'air tendu. Akkun, tu dois l'empêcher de faire quelque chose qu'elle regrettera, je te suivrai plus tard. Akkun hocha gravement la tête puis il sortit non sans en lui avoir épargné un dernier regard. La cadette baissa ses yeux avec tristesse, complètement déçue de la tournure prise par les évènements, mais se retourna curieusement après avoir perçu des bruits plats de mastication. – Voir toute cette nourriture après cette course m'a encore creusé l'appétit, dis grande-sœur, ça ne te dérange pas hein ? Dit le bonhomme qui était à sa cinquième bouchée. – Pas du tout, répondit calmement Zuri, fais-toi plaisir Paco. . . . . . . . . ♦‡♦
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