‡Chapitre 4 : Vanupas (2)‡

2381 Words
†♦† – Grand-frère Akkun est très fort, vous ne trouvez pas ? Maiiis je pense que pour cette épreuve, il a besoin de nos encouragements. Allez les amis, avec moi "Vas-y Akkun, tu peux le faire ! Vas-y Akkun, tu es le meilleur !" Les gamins se prirent immédiatement au jeu sans se poser des questions sinon en y mettant plus d'ardeur, d'autant plus que le tumulte était coordonné par leur grande-sœur bien-aimée. Le brouhaha était tout de même persiflant sur l'ensemble du camp jusqu'à ce que Akkun, clairement irrité, les renvoie brusquement. – Rah ! Mais taisez-vous et allez voir ailleurs si j'y suis ! Grogna-t-il, l'air aussi menaçant que possible. Cela aurait eu l'effet escompté si Kaya n'intervenait avec un léger rire moqueur. Bien qu'une certaine crainte s'empara de quelques-uns à cet instant précis : il paraissait telle une bête sauvage enragée. L'instant d'après, les enfants, toujours encouragés par leur grande-sœur toute souriante et satisfaite de sa mise en scène, retournèrent immédiatement vaquer à leurs occupations. Le pauvre Akkun avait besoin d'un repos bien mérité et vite, si possible même des congés tout frais payé. Ce qui serait possible dans un autre contexte. Pour cause de supporter autant de niaiseries, il avait l'air d'accomplir un double travail. Kaya était trop enfantine à son goût et malheureusement, aimait aussi entraîner les autres dans ses bagatelles. Ce fut un rajustement qui s'est fait tout naturellement. Ce n'est pas non plus sa faute s'il ne lui a trouvé aucun véritable défaut jusque-là. Pour lui, elle était juste comme cette étoile belle et scintillante, convergeant tous les regards lorsque les yeux se posent en direction du ciel nocturne et ténébreuse d'Aroër. De nature comme de force, toutes les qualités qu'elle possédait à l'instar de sa vivacité d'esprit, ses prouesses physiques et plus encore faisaient d'elle une chasseuse et une combattante hors-pair. . . . Une femme d'âge mûre sortit d'une hutte à proximité, alertée par le chahut. D'une peau sombre, teint caractéristique de la tribu, elle était vêtue d'une robe en tissu pagne aux imprimés ethniques rouge et noires, sans manche, et d'un foulard joliment noué sur sa tête. Son visage s'illumina quand elle aperçut les deux jeunes gens revenir de leur chasse. – Ah ! Voilà notre étoile du jour, les accueillit-elle avec un sourire maternel puis son attention fut déviée en direction de la cargaison étrange trainée par Akkun. Ça alors ! Hum... C'est ce que j'appelle une grosse prise. Une autre femme avec un accoutrement presque similaire s'était également rapprochée par curiosité, elle n'avait pas pu s'empêcher de savoir ce qui provoquait autant de bruit. – Je confirme ! Approuva-t-elle d'un hochement de tête avant d'afficher une mine de dégout. Toutefois, cette bête est répugnante, j'avoue que je n'en ai jamais vu d'aussi impressionnante. Vous, les enfants, possédez des talents exceptionnels pour la chasse. – Ouais ! Et pour conséquence, on a failli en baver mais, la fierté d'avoir dompté le fameux ours de jais de la forêt sombre prend le dessus sur tout le reste, intervint Akkun le sourire aux lèvres tandis qu'il se grattait l'arête du nez. Hormis le fait d'avoir contracté cette stupide allergie, c'était plutôt exaltant ! On pourra remettre ça pour tes 18 ans, à condition que tu t'engages à ne plus me mettre les bâtons dans les roues, suggéra-t-il ensuite en se tournant vers la présupposée. Kaya étira sa langue puis ria moqueusement. La première femme du nom de Salma parut soudainement soucieuse, elle interpella Kaya qui se tourna vers elle, le sourcil arqué. – Kaya, tu es la première à savoir que je ne doute pas de tes capacités en tant que chasseuse mais, une fois de plus, laisse-moi te dire que cette décision était complètement insensée. Navrée mon trésor, mais tu es trop téméraire pour ton propre bien. Elle soupira légèrement avant de radoucir son expression : – Toutefois, vous nous revenez encore sains et saufs et c'est tout ce qui importe. Kaya qui s'était rapprochée de sa mère, la tint fortement dans ses bras, lui communiquant toute l'affection et l'amour qu'elle éprouve pour elle, touchée comme d'habitude par ses inquiétudes et la confiance qu'elle manifeste pour elle. Bien que justifiées, elle espérait que cela suffirait pour dissiper ses doutes et ses craintes. Salma lui retourna le câlin avec un sourire attendrissant. Tandis qu'elles se séparaient, Kaya déclara d'un ton empli de fierté : – Bien sûr baba, tu t'attendais à quoi ?! En tant que guerriers chasseurs du camp de Vanupas, si nous ne prenons pas de risque, qui le fera pour nous ? Elle la relâcha doucement pour se tenir près d'Akkun qui grimaça lorsqu'il reçut de sa part une pichenette amicale mais, étonnement forte sur son épaule. Kaya ne semblait pas s'en soucier et reprit solennellement : – De plus, tu as devant toi les deux plus grands chasseurs que le territoire d'Aroër n'ait jamais connus... Pour mon anniversaire, sachant que j'aurai bientôt atteint l'âge adulte, il était impératif de monter d'un cran dans mes capacités et une fois de plus, je suis parvenue à prouver qu'aucune bête sauvage ne peut résister à moi et à mes fidèles lances. Akkun croisa les bras et lâcha un petit rire sarcastique. – Et comme toujours, je tiens la chandelle pour la grande chasseuse. Kaya tapota l'épaule déjà meurtrie et répliqua d'une voix toujours excitée. – Pas de doute ! Je sais que tu sais que je peux toujours compter sur toi pour assurer mes arrières, mon fidèle coéquipier ! – Cela suffit à me consoler. Son ton ironique était accompagné d'un soupir las et les deux femmes ne purent s'empêcher de rire sous cape. – Alors là, bravo la modestie ! – Obstinée comme ton père, tu ne changeras jamais ma fille. Salma secoua la tête. Cette dernière se sentit envahir d'un pur sentiment de fierté et de satisfaction. – Comme Malika l'a si bien dit, vous pouvez être fiers de vous. Malgré les conditions dans lesquelles nous vivons, vous arrivez à accomplir de fabuleux exploits, faisant naître de l'espoir à ceux qui n'en n'ont plus et contribuant à notre épanouissement commun. Continuez ainsi les enfants ! Ils hochèrent la tête d'un air légèrement grave, car oui, un grand fardeau pesait sur leurs épaules mais malgré tout, ils l'endigueront avec dignité jusqu'au bout, ce qui signifie pour eux, la mort. – Huh ? Non mais vous pouvez me dire ce que vous faites tous ici ? Interrogea une jeune fille de la même tranche d'âge que Kaya qui se tenait juste là en fixant chaque personne d'un air réprobateur. Vous semblez oubliés qu'on a une célébration en cours et que tout doit être prêt pour ce soir. Vous aurez tout le temps de discutailler mais avant, hop ! Au bou... lot ?! La jeune fille était vêtue d'une robe en tissu pagne de textile rouge et blanche sans manches, serrée autour de sa taille par une corde tressée ; ses cheveux étaient noués par un foulard avec quelques mèches noirs grossièrement bouclés qui pendirent à ses épaules ; des lignes pourpres ornaient ses joues et ses épaules et ses poignets et enfin des sandales en cuir au pieds. – Waouh ! La taille de ce truc ! S'exclama-t-elle en ouvrant grand ses yeux noirs ivoires tout en pointant du doigt le dit truc. Il n'y a pas à dire la forêt sombre porte bien son nom, on aura tout vu. – A... ATCHOUM !!! Elle leva sur Akkun un regard curieux puis arqua un sourcil. – Qu'y a-t-il frérot ? T'as attrapé un rhume ? – Quelque chose comme ça... Déclara-t-il tout simplement comme si ça répondait à sa question. Il ne comptait pas lui accorder plus d'explications, et ce même si celle-ci hocha bizarrement la tête d'une manière savante. – Je vois, vu que tu es l'ainé, je m'attendais à ce que tu sois plus futé, mais bon, il faut dire que ça arrive même aux meilleurs d'entre nous surtout s'ils sont de nature très distraite... Oh oui ! Il savait où cela partait et il préférait l'arrêter tout de suite sinon, il n'attendra pas la fin. – Ferme-là ! Tu vas pas t'y mettre aussi ok ? Aboya-t-il d'un ton profondément gluttural. Zuri glapit et bondit sur Kaya pour se cacher derrière son dos. – Oh nom d'un— ! Mon frère est en train de se métamorphoser en monstre. Qu'est-ce qui arrivé à ta voix ? Rassure-moi Kaya, ce n'est pas contagieux, j'espère ? – Je ne suis pas experte en la matière, mais je pense que non, répondit tout simplement Kaya en haussant des épaules. Et puis, j'ai déjà la solution à ce problème donc tout ira bientôt. Zuri lâcha un soupir de soulagement. Sans quitter sa position de défense, elle reprit avec plus d'assurance. – Quand même, il faut toujours qu'il se mette dans des situations improbables. Heureusement que tu es toujours là pour le sortir du mauvais pas. Je t'assure que ce rôle devient de plus en pesant pour moi, j'ai plus du tout l'âge... Akkun lança un regard fulminant à sa sœur, lui défiant de poursuivre sa phrase. – Toi, si tu l'ouvres encore, prit-il la peine d'appuyer sa menace de vive voix. Zuri se tut, d'abord parce que "sa voix" lui faisait peur et ensuite, aussi vrai que Kaya était un bouclier efficace, elle n'était malheureusement pas permanente. Cette dernière d'ailleurs, intervint immédiatement comme un effet tampon. – Pas la peine de te mettre dans tous ses états, tu sais bien que c'était pour rire. Ah non ! Zuri était très sérieuse, mais elle laissera le soin à Kaya d'adoucir les choses. De toute façon, son frère portait toujours une attention considérable à Kaya, il l'écoutait plus qu'elle, sa propre sœur. Chose qu'il n'admettrait jamais directement. – ... Et puis, n'oublies pas que tu dois reposer ta voix, la santé et le bien-être avant tout, chasseur ou pas. Akkun grogna d'agacement en réponse, mais n'ajouta rien. Kaya et Zuri, quant à elles, partagèrent un regard complice. Salma décida également d'intervenir en ce moment-là. – Félicitations pour avoir géré la trêve tout seul les enfants, ça se voit que vous murissez tous autant que vous êtes. Akkun mon cher, va ranger tout ça s'il te plait, nous verrons comment tirer le meilleur parti de cette belle prise... Zuri ma chérie, tu peux retourner donner un coup de main en cuisine... Et Kaya ? Entre mon trésor, tu dois te reposer après cette dur labeur, commence par boire quelque chose ! Aujourd'hui est ton jour très spécial, tu ne devrais pas t'épuiser, mais profiter. Le jeune homme soupira avant de lâcher un "À vos ordres, m'dame !". Zuri repartit d'où elle était venue et Kaya suivit sa mère dans leur hutte, d'où elle fut accueillie par une odeur très alléchante. On aurait dit que c'est un festin de roi qui se préparait ou plutôt de reine. Quelque peu fatiguée, elle s'affaissa sur un pouf rembourré de paille et recouvert de tissu puis étira ses muscles endoloris. Sa mère avait déjà repris sa tâche. – Étonnamment, entama Kaya après quelques secondes d'étirement et de flexion. Cette chasse n'était pas si difficile comme je m'y attendais, pas plus que d'habitude en tout cas, peut-être parce que Akkun était avec moi, comme toujours. Elle s'allongea ensuite au sol pour profiter de sa fraicheur. – Mais c'était mon objectif pour cette année... C'est mon jour de naissance et en tant que chasseuse, je ne pouvais pas accomplir meilleur exploit. J'en suis vraiment fière. Elle ferma les yeux et bâilla, se sentant de plus en plus détendue, le sommeil n'étant plus très loin. – Je veux devenir suffisamment forte pour affronter toutes les créatures sauvages de Vanupas afin d'assurer notre sécurité. C'était le rôle de yaya de nous protéger maintenant, c'est le mien. Kaya était sur le point de s'assoupir, mais aussitôt qu'elle sentit sa présence, elle accueillit sa chaleur réconfortante en rampant pour l'encercler de ses bras. – Ton rôle hein ?! Salma passa délicatement les mains sur la touffe de cheveux ébouriffées de sa fille qui avait posé sa tête sur ses genoux. – Kaya, ne t'y sens pas obligée d'accord ? Ce rôle, comme tu dis, devrait être mien. Après tout, je suis ta mère, je suis celle qui doit te protéger. Sa voix pointait vers le regret et son cœur se serra lorsqu'elle songea à sa fille qui s'élançait toujours dans des situations dangereuses pour le bien de tous. C'est ainsi qu'elle s'est toujours sentie impuissante, en plus d'être nourrie par d'innombrables inquiétudes. Néanmoins, Salma le savait mieux que quiconque, car oui, le gabarit de sa fille a toujours été inversement proportionnelle à sa détermination. Une détermination était au-delà des limites de l'impossibilité. – ...Malgré tout, laisse-moi te dire que tu fais bien, tu l'as toujours fait d'ailleurs... Ah ! Ma fille chérie a dépassé mes attentes mais aussi ceux de son père et tu iras encore plus loin, j'en suis sûre. Seulement... Ne te mets plus en danger pour un oui ou pour un non. Ta vie est tellement précieuse. Voilà pourquoi je veux que tu me promettes que lorsqu'elle est en danger et que tu te retrouves dans l'impossibilité de faire quoi que ce soit : fuis ! Kaya sentit les doigts délicats de sa mère se contracter légèrement malgré qu'elle ne cessa pas ses douces caresses. Ses mots, sans le vouloir, transpercèrent son âme, lui faisant baigner dans un immense flot d'amertume. – Fuir ? Mais pour aller où ? Dit-elle entre la tristesse et la frustration, ses doigts agrippèrent la jupe de sa mère mais ses yeux restèrent fermés. C'est ici notre maison maintenant, cet enclos est notre malédiction... Elle se recroquevilla et se rapprocha pour davantage être enveloppée par ce baume représenté par l'unique présence de sa mère, la seule famille qu'il lui reste dans ce monde de misère. – Non ! Tout ce dont j'ai besoin, c'est d'être à vos côtés. Elle avait juré de la protéger, elle et tous ceux qui lui sont chers, c'était son fardeau, sa raison de vivre et de lutter de toutes ses forces. – ... Et ce sera toujours le cas ! . . . . . . . ♦‡♦
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