3
Aspromonte, 1908«Dès qu’il sera sevré, je veux aller en Amérique! annonça Cetta à sa mère, pendant qu’elle allaitait son fils Natale.
— Et pour quoi faire?» maugréa sa mère sans lever les yeux de sa couture.
Cetta ne répondit pas.
«Tu appartiens au patron, tu fais partie de ses terres, ajouta alors sa mère.
— Je suis pas une esclave!» protesta Cetta.
La mère posa son ouvrage et se leva. Elle regarda sa fille qui allaitait le nouveau bâtard de la famille. Elle secoua la tête: «Tu appartiens au patron, tu fais partie de ses terres» répéta-t-elle avant de sortir. Cetta baissa les yeux vers son fils. Son sein brun, avec un mamelon plus brun encore, contrastait avec les cheveux blonds de Natale. Contrariée, elle le détacha du sein. Une petite goutte de lait tomba à terre. Cetta posa le bâtard dans le berceau maintenant vétuste où ses frères, elle-même et aussi l’autre avaient grandi. Le bébé se mit à pleurer. Cetta le fixa d’un regard dur. «On va encore devoir pleurer beaucoup, tous les deux» lui dit-elle. Puis elle sortit rejoindre sa mère.