La Prado noire de monsieur Ben défilait dans les rues, m'offrant une vue exceptionnelle. Des maisonnettes s'étendaient les unes sur les autres dans ce qui semblait être des bidonvilles. Et même si la pauvreté marchait entre les allées de ces quartiers, les couleurs vibrantes peintes sur les maisons formaient une festivité de teintes, démontrant leur reconnaissance envers la vie.
Puis, vint un moment où nous pénétrâmes une avenue menant à un coin luxueux. Des villas se succédaient, chacune plus grande que la précédente. Des maisons encore plus gigantesques que celle de chef.
Je tournai la tête, alertée par le silence des filles. Je remarquai rapidement que Béatrice et Chantal étaient également fascinées par le paysage. À un moment, Béatrice baissa la vitre, et le chauffeur tourna la tête sur la droite, esquissant un sourire en croissant.
Je ne savais pas s'il s'agissait de moquerie ou de bonheur de voir des jeunes filles impressionnées, mais son parfum imposant, traînant une odeur de macadamia, laissait deviner qu'il était bien payé et côtoyait le luxe depuis un bon moment déjà.
De nouveau, ses yeux se tournèrent vers moi, et je détournai instinctivement la tête vers l'extérieur.
Je murmurais « Wow », ma bouche bougeant comme si je soufflais pour faire une bulle de savon.
« C'est beau, n'est-ce pas ? » demanda Chantal d'une voix lente et douce.
« Humm, humm », répondis-je, observant les rayons du soleil qui se couchait et faisait scintiller les feuilles vertes autour de nous. Des manguiers, des bananiers, des palmiers, s'alignaient parfaitement sur les concessions et les parcs de la zone.
Béatrice, toute joyeuse, dit, « Et vous vouliez qu'on refuse cette offre magnifique. » Elle frappa ses mains l'une contre l'autre, le bruit résonnant fortement avec la climatisation qui tournait toujours et le vent qui frappait la voiture.
Nous arrivâmes dans une étroite allée, et le chauffeur pivota vers la gauche, se précipitant à dire, « Désolé » alors que nos corps basculèrent vers la droite en criant, « Ahh ! » surprises par cette secousse.
Je vis comment des rides d'expression dansaient sur son visage, trahissant son envie d'éclater de rire.
Il klaxonna devant un portail en fer forgé puis un monsieur très mince le poussa vers la gauche pour ouvrir. Toto, le chauffeur, descendit en disant, « Nous sommes arrivés, mesdemoiselles. » alors que j'étais hypnotisée par la beauté des lieux.
Il y avait dans la cour jardinée plusieurs terrasses abritées, décorées par des tables de quatre chaises. Toutes sortes de fleurs y poussaient : des roses, des lavandes, des hibiscus, créant une explosion de couleurs vives. Une odeur envoûtante flottait dans l'air. Un bruit me sortit de cette contemplation, « Mademoiselle, venez. » C'était Toto qui venait m'ouvrir la portière.
Je descendis en posant ma main sur la sienne, ne quittant pas des yeux les alentours. L'homme qui nous avait ouvert dit, « Moi, c'est Ali. Le gardien. » tandis que les filles venaient me rejoindre.
« Je vous emmène à l'intérieur. » Toto marcha devant nous, et de pas lents et tremblants, nous le suivîmes à l'intérieur de ce palace de trois étages.
« Eh ! » s'écria Béatrice, à peine nos pieds franchissaient l'intérieur. « C'est une maison, ça ? Ehhhhh... » plaçant ses mains sur sa tête.
Mon cœur battait de plus en plus fort. J'avais l'impression que ma chair se détachait de mon esprit. Que ce dernier voulait fuir alors que mes envies me retenaient ici.
« Ça sent bon la fleur. » chuchota Chantal. « Et ces canapés... » Elle courut vers le salon, avant de s'arrêter. « Oh, puis-je les toucher ? » Je regardais le chauffeur qui répondit, « Bien sûr... » alors Béatrice et moi courûmes vers elle pour toucher ce gigantesque salon.
Ma main s'enfonça dans le canapé d'angle en velours côtelé et glissa tout le long, et je finis par allonger mon corps dessus. Béatrice se blottit contre moi. « Je suis désolée de m'être énervée plus tôt. Je ne désirais que ça pour nous. » Et alors que mes yeux se fermaient sous la fatigue, un bruit craquant me fit pousser Béatrice, qui tomba au sol en criant, « Aïe ! » Pendant que j'étais déjà debout, je réalisai que le doigt de Toto était posé sur un bouton dans le mur, et une vitrine s'ouvrit, dévoilant la vue sur l'arrière de la maison.
Là-bas, une piscine magnifique, son bleu taché par les couleurs chaudes d'un ciel annonçant la nuit, dansait avec les mouvements du vent doux et léger. J'avançai lentement, posant ma main sur la vitrine.
« Papa... » murmurai-je, alors que mon âme vagabondait. Je revoyais mon père nous amener à la rivière pour nous apprendre à nager. Ce jour où il nous avait jetés un à un à l'eau et que nous criions, apprenant déjà à nous débrouiller seuls dans la vie.
J'essayais ensuite d'imaginer un passé différent : une mère souriante, un père affectueux, et des frères et sœurs compatissants.
« Oublie-les. » Béatrice posa sa main chaude sur mon épaule. « Voici ta nouvelle vie maintenant. » Et je me jetai dans ses bras.