Proposition Douteuse

1421 Words
Les six yeux dans la pièce braqués sur moi, j'inspirais profondément avant de murmurer, finalement, « Désolée, c'est juste que le voyage a été long et je n'ai pas encore pris de douche. Je me sens vraiment mal à l'aise. » « Oh ! » Monsieur Ben se frappa la tête, tandis que Béatrice gonfla ses joues en levant les sourcils. « Je comprends », continua-t-il. « Tu as tout à fait raison. Ce n'est pas très courtois de ma part de vous retenir ici alors que vous avez besoin de vous rafraîchir après ce long voyage. » « Oui... déjà que je n'avais pas dormi de la nuit, mais alors là... passer huit heures assises à me dandiner comme une gazelle, c'était épouvantable. » « Tu n'as pas dormi de la nuit ? » Il reprit, curieux. « J'imagine que c'était à cause de l'excitation de quitter le village. » « C'est ça ! » Béatrice sautilla sur place, sa voix résonnant comme les oiseaux chanteurs du matin. « Nous étions si impatientes que nous n'avons pas réussi à fermer l'œil de la nuit. » Elle me lança un regard complice avant de continuer à discuter avec monsieur Ben. Pendant ce temps, je baladais mes yeux dans la pièce. Les voix des filles devenaient moins distinctes à mes oreilles alors que je me concentrais sur les odeurs et les objets qui nous entouraient. Une boîte noire posée sur le bureau attira mon attention. Je me levai et m'approchai d'elle sans regarder autour de moi. De mes doigts, je caressais le vieux bois marron verni, fermé par un cadenas glacé, trahissant les heures que l'objet avait passées dans la pièce. En le soulevant, je découvris en dessous une photo qui me donna la chair de poule. Une femme au teint noir, me ressemblant vaguement, souriait sur la pellicule. De ma main gauche, je tenais le coffre qui sentait le bois reconstitué, tandis que ma main droite descendait pour soulever la photo qui m'intriguait. Soudainement, une main dodue m'attrapa par le poignet. « Et si on s'en allait d'ici ? » Monsieur Ben me dit, le ton de sa voix aussi sérieux que celui des cris d'alerte. Il reprit le boîtier de mes mains et le replaça sur la photo. Ensuite, il se tourna vers les filles en m'attrapant par la taille, « J'ai une proposition à vous faire. » Alors qu'une envie de couvrir mon corps me prit. « Je pourrais vous emmener chez moi pour vous faire visiter. » « Non... » Murmurai-je en m'éloignant un peu de lui. « Nous voulons juste appeler les cousines de Chantal. » « C'est vrai ! » Chantal se leva, « Votre proposition est gentille, mais— « Ok ! » Il leva les mains vers le ciel, son parfum aux notes de miel me frappant au visage. « Je voulais juste vous donner un avant-goût de la vie ici à la capitale. » Il allongea son bras vers la gauche. « Le téléphone est tout à vous. » Alors Chantal se leva et composa un numéro sur les boutons. Pendant qu'elle attendait une réponse, nous nous regardions tous sans rien dire. Mes jambes me dirigeaient de nouveau vers le salon, poussée par l'inconfort de rester près de monsieur Ben. Je m'assis, remarquant que Chantal avait la tête penchée sur le côté, le visage tordu et les nerfs saillant sur les côtés de sa tête. Un « Allô » jovial nous fit lever le regard vers Chantal, mais sa joie disparut aussitôt. Alors je demandai, « Qu'est-ce qu'il y a ? » « Elle a raccroché... » « Rappelle. » Dis-je, guettant rapidement le sourire qu'affichait monsieur Ben. Chantal composa à nouveau le numéro, mais n'obtint aucune réponse cette fois-ci. À ce moment, Monsieur Ben éleva de nouveau la voix, « Que voulez-vous faire maintenant ? » « On ira à l'hôtel. » Je m'étais rapidement levée. « Nous as-tu demandé si nous le voulons ? Et comment irons-nous là-bas ? Tu sais prendre des transports ici ? Connais-tu un seul hôtel de la place ? » D'un ton condescendant, Béatrice demanda. Mon cœur vibrait et mes mains se mirent à suer. C'est alors que Chantal dit, « Les filles, du calme. Ne vous disputez pas devant monsieur Ben. » « Je peux sortir si vous désirez plus d'intimité ? » Béatrice leva la main, « Non, ne vous inquiétez pas pour ces gamineries. » « Qu'est-ce qui se passe Béatrice ? » Chantal claqua le téléphone pour couper ses tentatives d'appels. « Tu as l'air tendue depuis tout à l'heure ? Dis-nous clairement ce qui te dérange. » « Un monsieur essaie de nous aider... et vous ? Vous agissez comme des enfants. Vous voulez donner quoi comme excuse ? Que c'est un inconnu ? Je peux encore comprendre cette jeunette mais toi, Chantal ? Tu rencontres des inconnus chaque jour et tu fais bien plus que de partir chez eux. » Chantal, bousculée par la violence de ces mots, fit un pas en arrière puis se reprit. « Je ne veux pas faire de scandale ici. » Elle se tourna vers monsieur Ben, « Merci pour votre hospitalité. » Alors qu'il souriait, elle vint vers moi, « Angélique, nous allons la laisser décider où on s'en va. Si quelque chose se passe mal, elle l'aura sur la conscience, pas nous. Mais je te promets de te protéger. » « Rien ne va se passer. » Béatrice se leva, « Monsieur Ben, désolée pour ces petites querelles. Nous sommes prêtes. » Je me levai ainsi, tenant la main de Chantal. « Je vais appeler mon chauffeur tout de suite. » Je le regardais minutieusement, sa voix lorsqu'il était au téléphone résonnait comme celle de Obiang, ou plutôt de mon père. Je ne sais plus. Mais ne sont-ils pas tous les mêmes à la fin, les hommes ? Mes doigts se détachèrent instinctivement de Chantal et s'agrippèrent au bout de ma robe. Les talons de Béatrice résonnaient fort alors qu'elle faisait les cent pas, son fessier exposant l'absence de sous-vêtements sous sa combinaison en soie. Ces bruits résonnaient d'ailleurs comme les sons d'une cloche, me rappelant un jour où j'étais malade et me sentais trop faible pour aller à l'église. Je revoyais ma mère me dire, « Donc tu es triste comme ça seulement parce que tu ne peux pas aller chanter et danser avec ces fous aujourd'hui ? Les dieux sont en train de te punir et au lieu de demander pardon... te voilà en train de mourir ! Que les abominations qui pensent sur toi ne touchent pas le reste de mes enfants et ma famille. » Son parfum naturel entourait mon nez. « Ko Ko Ko ? » disait un homme derrière la porte, accompagnant sa voix de coups. « Entre Toto. » La porte s'ouvrit, exposant un homme au teint clair, portant une chemise blanche et un pantalon bleu. « Je suis là, patron. Bonjour, mesdemoiselles. » « Bonjour », répondirent les filles. Ma gorge, trop crispée, ne me permit pas d'en placer une. « Emmène-les à la maison et assure-toi que les domestiques prennent bien soin d'elles. Je rentre dès que j'ai fini ici. » « D'accord, monsieur. Mesdemoiselles, suivez-moi. » Nous nous tournâmes toutes vers monsieur Ben, Béatrice demandant, « Tu ne viens pas ? » « Non, j'ai encore un dossier à vérifier et je rentre après. Ne vous inquiétez pas ! Faites comme chez vous là-bas. » Béatrice se tourna sans nous regarder, et nous savions qu'elle serait partie sans nous. Ainsi, nous la suivîmes sans même nous regarder les unes les autres. Arrivées à la voiture garée dans un parking de la gare, Béatrice, sans gêne, expliqua, « Moi, je monterai devant. » Et le chauffeur répondit évidemment « C'est entendu, mademoiselle », en lui ouvrant la portière après que l'on soit montées. Lorsque Toto s'assit, il déclencha le moteur et alluma un appareil qui dégagea un gros vent. « Réduisez ça, s'il vous plaît. » Je criais vite sous son regard apeuré. « D'accord, mademoiselle. » Béatrice rigola, « Faut déjà t'habituer à ça ! Tu n'es plus une fille du village, mais de la ville maintenant. Chauffeur, balance-nous le son. » Il lança la radio pendant que Béatrice dansait. Chantal essayait de bouger son corps, mais la lenteur de ses gestes trahissait son inquiétude. Moi, je regardais par la vitre, gênée par le regard du chauffeur qui s'aventurait très souvent vers moi.
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