Toute Porte Qui S'Ouvre N'Est Pas Nécessairement Bonne

1485 Words
Un portable sonna. « Oui, patron ? » répondit Toto. Après un moment de silence, il ajouta, «d'accord.» Puis il nous informa, «le patron est là ! » en se tournant vers la porte. «Coucou !» Monsieur Ben entra, ouvrant grand les bras. «Mais...» «Je sais... Angélique, c'est ça ?» «Oui ?» «J'ai quitté juste après vous. Je me suis rappelé que ce n'était pas très respectueux d'abandonner mes invités seuls avec les travailleurs à la maison.» Il s'avança vers nous et demanda, «alors, comment trouvez-vous la maison ?» «Parfaite !» cria Béatrice. «Asseyez-vous donc !» Il tendit la main vers les canapés et s'y installa lui-même. Nous suivîmes son geste. Il fit signe au chauffeur de nous laisser, et celui-ci s'inclina en signe de respect avant de quitter la pièce. Une boule se forma dans mon ventre, me donnant la nausée. Monsieur Ben éleva la voix. «Béatrice, tu es une fille pétillante !» «Oh, merci.» «Pleine de vie. À tes côtés...» Il se leva, «les hommes ont envie de profiter de la vie, de ne pas réfléchir à ce qui est bon ou mauvais. À tes côtés, on a...» Il se dirigea vers le bar, «envie d'être des animaux.» Il se plaça derrière. Sous les mouvements de droite à gauche de Béatrice, il ajouta, «je vous sers ce que je veux ou avez-vous une préférence ?» « Impressionnez-nous !» hurla Béatrice. «Bien sûr...» Il sourit, ne quittant pas Béatrice des yeux. Il souleva une bouteille noire ornée d'écritures rouges et s'avança de nouveau vers nous. «Tu es envoûtante. Toutefois, dangereusement naïve.» Il posa la bouteille sur la table, leva les yeux vers elle. Béatrice se leva, «Je vais chercher les verres.» Pendant qu'il s'asseyait et ouvrait la bouteille. «C'est un vin rouge...» dit il alors que Béatrice apporta les verres. «Merci, ma chérie.» «De rien.» «Je l'ai acheté lors d'un voyage il y a six ans.» «Six ans ?» Je m'étonnai. «Et il est encore bon ?» Les autres rirent, tandis que Monsieur Ben me lança un regard noir. «Bien sûr.» Il versa une quantité similaire dans chaque verre. Il leva le sien. «Craquons à la vie.» «À la vie,» répétions-nous. «Chantal...» murmura-t-il. Malgré son regard dans le vide, Chantal répondit d'une voix incertaine, «Oui ?» «Tu es une femme forte, pourtant tellement... manquant de sagesse dans ce que tu entreprends. Enfin...» Il éclata de rire. «Tu en as l'air.» Il prit une gorgée de vin tandis que Chantal tourna rapidement son regard vers moi. À peine l'avait-elle trouvé qu'il reprit, «Il te fallait simplement réfléchir un peu plus pour pouvoir prendre des chemins plus doux pour ton âme. Mais ce n'est pas grave. Tu es là... tout ira bien dorénavant.» «Euh...» murmura Chantal, «merci ?» Monsieur Ben se leva, le verre en main. «Angélique... lorsque je suis arrivé, tu as eu du mal à détourner tes yeux de la piscine pour m'accueillir.» «Désolée...» «Tu n'as pas à l'être. Enfin, pas envers moi. La façon dont nous nous comportons en dit long sur nos caractères. Je peux voir que ton passé te retient encore, et il est difficile pour toi d'apprécier le présent sans pleurer ce que tu as laissé derrière toi.» Je baissai les yeux, serrant mes doigts sur mon ventre. Mes cuisses transpiraient, et je sentis une silhouette s'approcher de moi. Je levai le regard, croisant celui de Monsieur Ben. Il retira sa veste noire, me tendant ensuite la main. «Je vais te mener vers ton futur.» disait-il, mais je sentis mes rêves se brûler à cet instant précis. Béatrice me bouscula légèrement, et je tendis ma main vers celle de Monsieur Ben. Il sourit, me tirant pour que je me lève. «Le futur peut être terrifiant," me dit-il en me menant vers l'écran plasma, face aux silhouettes des filles. «C'est pourquoi il faut avoir la voix d'un ami pour nous consoler. La vie peut être comme un voyage en mer en pleine tempête. C'est pour cela qu'il faut se trouver dans une barque et ne pas nager seul, même si l'on est le meilleur des nageurs.» Seigneur, murmura mon âme. Que suis-je en train de faire ? Où m'emmènes-tu ? pensais-je alors que la voix de Monsieur Ben continuait à résonner dans le salon, et que j'étais debout à ses côtés, telle une poupée de cirque. «Tu as peur ?» me demanda-t-il en me tirant de mes pensées. Je le regardai, «Non... je me sens juste sale.» « Hum... » Il se pencha en arrière. «Je comprends... j'aimerais juste ajouter que se sentir sale porte une signification très profonde. Qu'est-ce qui t'est arrivé ? » Mes yeux s'agrandirent en le regardant. « Non, non, non ! Rien... » « Venez, je vais vous faire visiter les chambres. » « Nos chambres? » « Vous pouvez attendre ici que vos sœurs vous répondent, ou si vous préférez, nous vous chercherons un hôtel. C'est comme vous voulez. » Béatrice répondit, « Monsieur Ben, on discutera de nos sœurs demain. Pour l'instant, c'est mieux que nous passons la nuit ici. » « Qu'en pensez-vous, les filles ? » « D'accord,» dis-je, fixant Chantal qui était restée silencieuse depuis tout à l'heure. Nous le suivîmes vers l'escalier près de la porte centrale. Après quelques marches qui me rappelèrent ma première nuit dans une maison à étage, celle de chef, nous arrivâmes au deuxième étage. À droite se trouvait un magnifique mini salon, à gauche une grande baie vitrée. « Je reçois mes invités intimes ici, ceux qui sont mes amis les plus proches », expliqua-t-il. Nous continuâmes sans nous arrêter. Il s'écria, « Enfin ! » La fin de l'escalier menait à un couloir décoré de portes. «Voici les chambres. J'en ai deux pour moi, une au premier étage et une ici. » « En fait... » Il se tourna vers nous, « je sais que vous êtes épuisées. Mais avant de vous laisser accéder à vos chambres, je dois vous parler. » Mes épaules se baissèrent, mes yeux s'affaissèrent, et aucune des filles ne répondit. Je savais qu'elles devaient probablement se sentir aussi épuisées que moi. « Venez... » Il nous fit signe de la main. Alors qu'il avait le dos tourné, Chantal et moi nous échangeâmes un regard, marchant derrière Béatrice. Il nous conduisit vers le deuxième salon, puis nous prîmes place. Nous étions sur le large canapé, et lui sur celui d'une place. « Savez-vous pourquoi je vous ai emmenées chez moi ? » demanda-t-il. Mon cœur vibra. «Pour nos services ? » Dévina Béatrice. Il éclata de rire. « Pour vos services ? Oh, il y a tellement de jeunes femmes en ville qui... » Il sortit un cigare de la poche de sa chemise, l'alluma, « Sont extérieurement plus entretenues que vous. » Il inspira puis expira la fumée. Monsieur Ben s'appuya après sur le canapé, croisant les jambes. « Les gens dans la rue se demandent toujours comment une personne séduisante peut tomber amoureuse de quelqu'un qui n'a aucun charme. Ça me rappelle Pascal. » Il rit de nouveau, fermant les yeux. « Le pauvre... le travail... les sacrifices que la vie nous mène à faire avaient pris le meilleur de lui. Il était devenu dépressif, maigre, aigre, laid ! Et alors qu'il y avait des jours où la dépression le pommait tellement qu'il n'arrivait ni à se doucher ni même à se brosser les dents, la famille de sa femme lui demandait de divorcer et de se marier avec quelqu'un d'autre. » « J'imagine qu'elle est partie avec tout son argent », dit Béatrice, l'odeur de cigarette remplissant la pièce. "Les femmes ! Toutes les mêmes. » « Oh non ! Il y a toujours des exceptions dans ce monde, femmes comme hommes ! Jeanne est restée aux côtés de Pascal. Elle était comme un petit chat ; introvertie aux yeux du monde, mais elle aimait son maître au point où son bonheur résidait dans le simple fait d'être à ses côtés, même s'il avait une mauvaise haleine. » « Je ne crois plus en cet amour », dis-je. « Je sais, Angélique, je sais... Pourtant, il existe bel et bien. Malheureusement, il demande bien trop de sacrifices. Tout demande des sacrifices d'ailleurs. » « Que s'est-il passé ensuite ? » Voulus-je savoir. « Oh... Pascal... Pascal a... » Il s'arrêta, se perdant dans ses pensées, « l'amour de sa femme l'a emmené quelque part où nous n'avons pas accès. » Puis, il sourit. « Je ne comprends pas... » « Et si nous changions de sujet ?" dit-il. « Je vous ai emmenées ici parce que je vois en vous quelque chose de spécial. Vous avez touché mon être entier, mon âme. Je veux vous aider. Dites-moi quels sont vos problèmes et je verrai ce que je peux faire. » Je levai les yeux, tournant ma tête vers Chantal qui le fixait, tandis que Béatrice semblait conquise.
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