À huit heures, le soir, je fus témoin d’une scène qui m’émut profondément et que je n’avais jamais pu voir, car je restais toujours à jouer avec monsieur de Mortsauf, pendant qu’elle se passait dans la salle à manger avant le coucher des enfants. La cloche sonna deux coups, tous les gens de la maison vinrent. – Vous êtes notre hôte, soumettez-vous à la règle du couvent ? dit-elle en m’entraînant par la main avec cet air d’innocente raillerie qui distingue les femmes vraiment pieuses. Le comte nous suivit. Maîtres, enfants, domestiques, tous s’agenouillèrent, têtes nues, en se mettant à leurs places habituelles. C’était le tour de Madeleine à dire les prières : la chère petite les prononça de sa voix enfantine dont les tons ingénus se détachèrent avec clarté dans l’harmonieux silence de l