Comprendre la Mort de Nikos

2378 Words
Les sorciers et les zombis Les lieux de la sorcellerie Persécutions L’utilisation de la sorcellerie pour des motifs criminels La sorcellerie dans les conflits internes aux familles Des sanctions pénales contre la sorcellerie Les cérémonies et rites du vodou Le culte domestique du vodou Le rite de possession manjé-lwa Le rite d’initiation Le rite mortuaire Les sorciers et les zombis il existe une quantité de termes pour désigner les sorciers et les zombis : - Groupes de sorciers redoutables : Zòbòp, Bizango, Galipòt, Chanpwèl, Vlenbendeng, Makanda, Voltijè. Ils circulent dans les rues le soir et captureraient des humains (appelés cabrit-sans-cornes) servis en repas à leurs adeptes ; - Humains envoûtés, appelés loups-garous, sucettes, diables, qui peuvent s’emparer d’enfants pour les manger ; - Esprits apparaissant sous forme d’animaux (chiens, cochons, chats) appelés Baka ; - Individus morts prématurément qui attraperaient quiconque s’aventure sur des chemins déserts, et se glisseraient dans le corps d’un individu : zombis errants ; - Esprits errants et morts abandonnés sans culte ne pouvant pas quitter l’espace du monde des vivants : diables, fantômes, spectres, revenants ; - Esprits du culte devenus meurtriers de manière impromptue : Ezili jé-rouj (Ezulie aux yeux rouges), Ogoun jé-rouj, Petro-Kongo. - Humains de chair et d’os, mais vidés de leur substance humaine : zombis, qui sont nombreux dans les champs et les temples vodou . Les lieux de la sorcellerie Certains lieux sont propices aux pratiques occultes :comme maître des carrefours qui traditionnellement sont des hauts lieux de pratiques de magie et de sorcellerie, Legba [premier magicien et chef de file de tous les autres dieux ; il correspond à Saint-Lazare dans le panthéo doit donner au préalable son autorisation à ces pratiques pour qu’elles opèrent avec efficacité… Ce même rôle est rempli par le lwa qui s’appelle Baron-Samedi, chef de file de la famille des Gédé (« esprits » des morts) vénéré par tout vodouisant pour se défendre contre les mauvais sorts ou pour se venger d’un ennemi. Les croix situées à l’entrée des cimetières sont les résidences de Baron-Samedi. »31 Outre les carrefours, la sorcellerie se pratique aussi dans les badji, chambre sacrée contenant l’autel des lwa : les activités du praticien qui ont pour finalité de donner la mort, la maladie, de rendre justice à une offense, de protéger, de rendre chanceux un consultant ou de traiter une maladie sont moins visibles. Elles sont aussi moins bruyantes et les participants y sont beaucoup moins nombreux. Moins accessibles aussi parce qu’elles commencent souvent à la tombée de la nuit et qu’elles se poursuivent tard, dans l’enceinte d’un lieu de travail privé (le badji) et à l’extérieur, quand on ne distingue pas qui va là et quand le moment n’est pas propice aux visites de voisinage. Tout Haïtien sait à ce propos que le monde de la nuit est réservé au travail des lwa, à l’activité des praticiens vodou, des sociétés secrètes et à toutes les autres manifestations semblables qui hantent les carrefours et les sentiers. Persécutions Persécutions à l’encontre de personnes soupçonnées d’être des sorcières certaines catégories de personnes sont plus particulièrement soupçonnées de s’en servir : - la mère d’un enfant en bas âge victime de sorcellerie, car « un loup-garou est censé toujours se montrer excessivement affectueux », et la mère est le modèle du loup- garou; - « les belles-mères, les femmes vieilles et célibataires, vivant seules dans leur maison sont tenues facilement pour des loups-garous - Dans les provinces et dans les villages en Haïti, presque chaque quartier dispose de ses sorciers et sorcières, sauf que tous ne font pas l’objet d’accusation. En temps ordinaire (à opposer au temps de crise), les sorciers présumés tels, et de fait accusés, seront toujours des faibles : ceux qui ont toutes les raisons d’être des envieux. A la suite de la Mort de Nikos plusieurs personnes accusées d’être des loups-garous et d’enlever la vie des gens . une commerçante sourde et muette, son cadavre a été brûlée, mutilées et jetée dans un égout, car elle était accusées d’être des loups-garous et d'avoir tué Nikos. L’utilisation de la sorcellerie pour des motifs criminels Les ressorts spirituels visés par la sorcellerie La structure spirituelle de l’individu telle qu’elle est définie dans l’espace culturel haïtien permet de comprendre les ressorts utilisés par la sorcellerie pour provoquer des actions négatives : « Pour le vodouisant, trois éléments principaux concourent à la formation de la personnalité individuelle : le gros bon ange est le premier principe spirituel qui est en liaison directe avec le corps et qui se laisse apercevoir pendant la journée par l’ombre projetée par le corps. Celle-ci n’est pas à confondre avec l’ombre qui forme ce qu’on appelle le kadav-kò, ou corps matériel. Perdre le gros bon ange c’est tout simplement mourir. Le petit bon ange apparaît comme un second principe assez mobile s’échappant de l’individu à certaines heures, dans certaines circonstances. Il l’abandonne pendant le sommeil et c’est lui qui est sujet à l’expérience du rêve. Cette mobilité du petit bon ange le rend vulnérable : il peut être subtilisé par un ennemi, un sorcier, et l’individu se transforme alors en zombi ou, à tout le moins, devient réceptif aux mauvais sorts Le petit bon ange correspond en fait à l’affectivité, à la conscience et à la vie intellectuelle de l’individu Le sorcier est l’intermédiaire privilégié intervenant dans les conflits individuels en faveur de l’une ou l’autre partie : « La lutte entre deux individus se fait souvent par l’intermédiaire de wanga [arme magique] forts contre wanga plus forts. Le vainqueur est celui qui parvient le premier à rapter l’âme de l’autre. Donc la production de l’autre comme zombi est un enjeu majeur dans les rapports entre sorcellerie et contre- sorcellerie. Le propriétaire d’un zombi peut s’en servir comme protection pour lui-même et ses biens : dans ce cas le zombi devra l’avertir de certains dangers imminents. Le plus souvent, on achète des zombis. Les bòkò sont supposés tous être de grands propriétaires de zombis ,Un bòkò ne tient pas à être pris au dépourvu devant une augmentation impromptue de la demande de zombis. Aussi travaille-t-il à un stockage de zombis. Il est censé disposer de cases à zombis, parqués et bien cachetés dans les bouteilles ou les cruches. La possibilité de devenir un zombi guette en fait, chaque individu. « Faire un wanga, c’est, dans le cadre du vodou, s’engager dans une activité de magie proprement dite, qu’elle soit offensive ou défensive, maléfique ou bénéfique . La sorcellerie dans les conflits internes aux familles Le recours à la sorcellerie est le plus souvent motivé par des conflits au sein d’une même famille : des stéréotypes bien connus des masses haïtiennes se laissent repérer : la condamnation à l’état de zombi fait suite à un différend entre membres d’une même famille. Anna avait assisté dans le cimetière de Port-au-Prince à des pratiques de magie noire effectuées par quatre personnes devant la croix d’un lwa appelé Baron Lakroi ou Kriminèl, l’un des plus macabres du vodou : « Devant la croix, ils avaient enfoui une demande écrite sur un morceau de papier blanc. Ils l’accompagnaient d’un morceau de pain et de quelques libations de klèren (alcool de canne à sucre). La femme corpulente précisait ensuite sa demande oralement, se plaignait de ne pas profiter des ressources financières de son fils immigré récemment Sa belle-fille en était la cause. Elle exprimait alors sa litanie, ses plaintes et sa demande sur un ton dur et directif, puis ordonnait au lwa Kriminèl de lui rendre justice et de satisfaire sa demande. Assistée par les autres participants, elle fouettait la croix de plusieurs coups de bâton et l’agressait de trois coups de poignard. Elle demandait au lwa de faire couler le sang de sa future victime. On entendait que sa belle-fille devait mourir dans les sept jours à venir et comprenait que les gestes précédents devaient l’atteindre par sympathie mimétique. Ils s’en allaient ensuite devant la croix du maître du cimetière, le lwa Baron Samdi. Là, devant cette croix géante noircie par les pratiques déroulées à ses pieds, ils continuaient leur demande et faisaient le tour des autres lwa mortifères animés des mêmes intentions. Précautions contre la sorcellerie Dans l’espace culturel haïtien surdéterminé où circulent de nombreuses entités maléfiques, les Haïtiens ont appris à être prudents dans leurs rapports avec autrui.les Haïtiens ne tiennent pas toujours des propos sur tout, et ne donnent pas leur avis en toute impunité sur des histoires. Des sanctions pénales contre la sorcellerie « La peur de devenir zombi est tellement répandue en Haïti que le code pénal prévoit la poursuite des individus qui provoquent la mort par actions rituelles ou qui s’engagent dans la production des zombis. »54 Plusieurs sanctions pénales qui visaient les pratiques occultes ont été abrogées et la Constitution de 1987 (art.30) autorise toutes les religions. Actuellement, il ne subsiste que les articles 246 et 406 du Code pénal qui visent directement ces pratiques. L’article 246 du Code pénal Anna va t-Elle prendre la prison? ce secret sera t-elle devoilée? Les cérémonies et rites du vodou Il existe un calendrier liturgique vodou, dont les journées les plus marquantes sont les fêtes manjé-lwa et la fête des morts (Gédé). Cependant, des fêtes plus intimes et des rites mystiques sont aussi pratiqués de manière courante. fêtes communautaires vodou : -Les 1,2 novembre, les adeptes du vaudou se rencontrent dans des cimetières pour célébrer la fête des morts en Haïti connue sous le nom de la fête des Guédé. Dans cette festivité les Mambos, les Hougans, les hounsis, apportent beaucoup de choses telles que nourriture, boissons alcoolisées, bougies, etc., dans le but de remercier leurs lois. Certains d’entre eux profitent l’occasion pour prier, guérir des personnes malades et ceux qui viennent pour trouver un numéro de loterie s’amusent corps et âme. Le culte domestique du vodou Le vodou remplit un rôle social non négligeable dans la cohésion des communautés familiales. Dans les mornes d’habitat dispersé, le lakou (la cour) désigne un espace familial composé généralement d’une maison en torchis, d’un grenier, d’une cuisine et d’une haie de plantes épineuses ; il a tendance à se réduire à une petite unité familiale, du fait de la division des terres par héritage et du départ d’agriculteurs vers des terres plus fertiles. Le culte domestique du vodou pratiqué chaque année autour du lakou permet de réunir les membres de la famille élargie, y compris ceux de la diaspora . «Le Lakou est le nom donné à une association de familles dont les maisons sont souvent bâties en forme de fer à cheval et centrées autour d’une maison principale, celle du patriarche, souvent polygame, car, en tant que représentant de l’ancêtre, il est à la fois chef de famille et chef religieux. S’il vient à mourir, c’est l’aîné qui le remplace. Sur le lakou se situe le cimetière familial devant lequel est dressé une grande croix qui est la résidence du lwa [esprit] des morts, Baron- Samedi ; on trouve également le démanbré, emplacement réservé aux « esprits » (ou lwa) de l’ancêtre et le lieu de déroulement (ounfò) des cérémonies vodou présidées par le patriarche. Chaque année, soit le 24 décembre, soit le 6 janvier, l’ensemble des membres de la famille se réunit pour un culte dit justement de démanbré. Des enfants éloignés du lakou, émigrés en ville ou à l’étranger, viennent participer à ce culte, et en tout cas envoient sous une forme quelconque une cotisation pour manifester leur lien de solidarité. Il semble que même des membres de la famille, convertis au protestantisme et qui donc prétendent rejeter le vodou n’osent pas se dérober à ce devoir familial. Le rite du mariage mystique comme celle qu'a fait anna «Cette alliance vise bien à assurer définitivement une protection à l’individu dans les situations les plus dangereuses. Cette cérémonie de mariage mystique est célébrée comme n’importe quel mariage ordinaire, sauf que l’un des partenaires est un lwa. Elle se déroule en présence du oungan et d’un pè-savann (ou père- savanne, personnage apparu sans doute dès l’époque esclavagiste, et qui a pour rôle de mimer les fonctions du prêtre catholique à l’intérieur des pratiques du vodou. .Le rite d’initiation « On se fait initier en Haïti soit pour répondre à l’appel insistant d’un lwa, soit pour s’engager dans une grande quête mystique, soit pour obtenir une protection supplémentaire contre les mauvais sorts ou pour guérir de ce qu’on appelle une “longue maladie”.c’est sous le strict contrôle du prêtre-vodou que l’initiation s’effectue. L’un de ses rites les plus importants est le lavé-tèt qui consiste à fixer le lwa sur la tête du néophyte. Ce lwa est destiné à devenir le lwa-mèt-tèt (lwa maître de la tête) qui va guider l’individu pendant toute sa vie et lui assurer le maximum de protection. Les parties du corps (cheveux, poils, ongles) que le oungan prélève sur l’initié, sont justement métaphoriques du petit bon ange qui est déposé dans un pot, appelé po-tèt. Il s’agit de mettre à l’abri le petit bon ange pendant que de son côté le lwa se lie de façon permanente à la tête du néophyte qui va se transformer peu à peu en ounsi c’est-à-dire littéralement en l’épouse du lwa. Une cérémonie dite du boulé-zin, qui parfois précède la fin de l’initiation, a pour but de passer le néophyte par l’épreuve du feu. Il devra tremper la main gauche ou le pied gauche dans les flammes qui sortent de pots enduits d’huile, servant à réchauffer les lwa et à augmenter leur force. Le rite mortuaire Le rite symétrique et inverse de l’initiation s’appelle désounen : il revient à dé- posséder l’initié du lwa lié à sa tête (par le lavé-tèt) et à son petit bon ange, pour que ce dernier puisse suivre un itinéraire sûr qui le conduise à devenir plus tard, par-delà la mort, un génie tutélaire au service de ses descendants. A vrai dire, tout vodouisant est préoccupé de ce destin post-mortem du petit bon ange Dans tous les cas, une bonne partie des rites mortuaires consiste en général à produire une seconde mort au mort, afin que la séparation des éléments de la personnalité individuelle se produise en bon ordre et qu’en particulier le petit bon ange finisse par partir de la maison.
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