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Blues bigouden à l'Île Chevalier

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Blurb

Quand les traumatismes de l'enfance ressurgissent, les dégâts peuvent être considérables...

Judith est la proie de ses ombres. Cette jeune artiste-peintre a pourtant tout pour être heureuse : une vie dorée, un mari brillant et attentif, une véritable passion pour son art.

L’anniversaire de mariage de ses grands-parents paternels va offrir l’occasion à notre Parisienne de renouer avec l’île Chevalier où, très jeune, elle passait ses vacances. Elle ne conserve de ce lieu magique que peu de souvenirs.

Et pour cause... Trente ans auparavant, ses célèbres parents y avaient trouvé une mort aussi tragique qu’énigmatique. L’enfant, témoin du drame, s’était alors réfugiée dans la béance de l’amnésie.

Mais le passé vous rattrape là où vous ne l’attendez pas. La maison rose et tendre de l’enfance peut se transformer en prison mentale.

Judith n’aura d’autre alternative que de se battre ou de sombrer dans la folie...

Un thriller psychologique captivant qui vous tiendra en haleine jusqu'à la dernière page !

EXTRAIT

De retour au salon, elle s’agenouilla à côté de sa mère.

— Maman ! Regarde ! J’ai trouvé le mien. Je suis plus un bébé ! Ti-na-ni-na-nè-re !

Mais Maman ne réagissait pas. À quatre pattes l’enfant chercha le visage aimé derrière le rideau de cheveux noirs, épais comme une nappe d’algues. Elle posa sa joue sur cette couverture soyeuse et chuchota contre l’oreille maternelle :

— Qu’est-ce que tu regardes comme ça maman ? On joue plus. D’accord ? Tu es toute blanche. Tu es malade ?

Puis, ce mutisme obstiné l’énerva. Elle s’adressa à son père, allongé, lui aussi, à deux mètres de sa femme.

— Papa ! Dis à maman que c’est plus rigolo ! J’ai envie de m’habiller, moi ! Je veux aller jouer dehors avec Sultan !

En désespoir de cause, l’enfant passa la main sous la poitrine de sa mère afin de tenter de retourner le corps. Quelque chose la dégoûta. Y avait-il des limaces sur le tapis ? Elle retira vite sa main et regarda, interloquée, ses doigts rouges et poisseux. Quelque part, dans la maison, le téléphone sonna. Alors seulement, la petite fille hurla.

À PROPOS DE L’AUTEUR

Avec seize titres déjà publiés, Françoise Le Mer a su s’imposer comme l’un des auteurs de romans policiers bretons les plus appréciés et les plus lus.

Sa qualité d’écriture et la finesse de ses intrigues, basées sur la psychologie des personnages, alternant descriptions poétiques, dialogues humoristiques, et suspense à couper le souffle, sont régulièrement saluées par la critique.

Née à Douarnenez en 1957, Françoise Le Mer enseigne le français dans le Sud-Finistère et vit à Pouldreuzic.

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Chapitre 1
Chapitre 1 L’île Chevalier, 20 octobre 1972 — Maman ! Je compte jusqu’à dix. Après, on joue plus. D’accord ? La mère ne répondit pas. Faraude, la petite voulut montrer tout son savoir mathématique à ses parents présents dans le salon où, malgré la douceur automnale de ce dimanche, un feu amical hantait la cheminée de ses crépitements. Pour une meilleure concentration, la fillette crispa les doigts sur le jouet de métal qu’elle tenait depuis un moment déjà et plissa les yeux. Cette mimique la vieillissait et, par là même, la gonflait d’orgueil. Elle devinait, sans pouvoir les contempler, les fines ridules qui, peu convaincues, tentaient de tracer des sillons au coin de ses paupières neuves. Une fois, à la télé, elle avait vu une dame, avec de longs cheveux noirs comme elle, faire ça. La dame renversait la tête contre le bras poilu d’un bonhomme et riait avec sa gorge. Après, le monsieur s’était penché sur elle et l’avait embrassée… avec la langue ! Ce souvenir émouvant raviva les joues de l’enfant. — 1, 2, 3, 4, 7, 18, 5, 10 ! Ça y est ! Elle se frotta les paupières et ouvrit les yeux. Ses parents poursuivaient le jeu convenu. — J’en ai marre, Maman ! J’ai envie d’aller dehors ! Tu m’habilles ? Soudain, elle reconnut sa chanson préférée. Elle mêla sa voix à celle de son père, si belle, si chaude. De concert, ils entonnèrent le refrain : Si tu m’aimes, my baby, Dis-moi oui, oui, oui, Oui pour la nuit. Sois gentille, my baby, Et dis-moi oui, oui, oui, Oui pour la vie… À l’école de Paris, ses copines ne l’avaient pas crue quand elle leur avait annoncé que le célèbre Tony Black était son papa. Cette chipie de Caroline Gauthier avait même prétendu que son père, à elle, s’appelait Johnny Hallyday ! Et les autres de pouffer : « Oh, la menteuse ! Elle est amoureuse ! » La musique se tut. À la place, un crachotement régulier et agaçant. L’enfant, tenant toujours le jouet, contourna son père et se dirigea vers la chaîne-stéréo. Le 33 tours poursuivait sa ronde inlassable. Pourtant, le bras du pick-up était levé. Elle jeta un coup d’œil retors vers ses parents. Braver l’interdit ? Elle se sentait tout à fait capable de changer elle-même de disque… Hésitante, la fillette se frotta le pied gauche contre le mollet droit. L’épaisse laine du tapis aux teintes cramoisies lui chatouillait la voûte plantaire. Cette position instable la fit vaciller. Tentant de reprendre son équilibre, elle s’agrippa au premier objet malvenu : un gracile guéridon sur lequel finissait de s’étioler un bouquet alangui dans les mortes-eaux de son vase. Aussitôt, le tapis humecté exhala son haleine croupie. Le vase de cristal, quant à lui, avait roulé sur le plancher avant de terminer sa course au pied de la cheminée. Il n’était plus, à présent, qu’un concept de Bohême… Catastrophe ! Épouvantée, l’enfant attendit la sentence de ses parents. Elle ne vint pas. Aussi bizarre que cela pût paraître, ils s’obstinaient à jouer le jeu. Ou alors n’avaient-ils pas entendu le bruit de verre cassé ? Dans le doute, la petite récolta les débris et les offrit au ventre ballonné du bahut breton. Ce gros plein de soupe digérerait bien sa bêtise ! Puis, elle recueillit une à une les tiges malodorantes et les jeta toutes ensemble dans les flammes purificatoires. Un coup d’œil circulaire. Plus rien ne la dénoncerait. Rassérénée, la petite fille souffla sur une mèche de cheveux qui lui tombait dans les yeux et reprit le jouet qu’elle avait laissé tomber afin de réparer sa bévue. Décidément, il était trop lourd ! Elle préférait le sien… Et puis, le vert, c’est plus joli que le gris. Elle courut dans la bibliothèque attenante au salon, déplaça une chaise et se jucha dessus. Même sur la pointe des pieds, il manquait à sa menotte dix centimètres pour pouvoir récupérer son bien. Elle réfléchit quelques secondes, avisa un coussin fessu sur un fauteuil… À présent, elle était de taille. À l’aveuglette, elle tâtonna sur l’étagère et dénicha derrière une pile de livres - malin ! la cachette - le jouet jumeau que son papa lui avait confisqué. Elle l’essaya. Le bruit la ravit ! Il était bien plus épouvantable que le gris ! La fillette sauta de son perchoir, un revolver dans chaque main. Elle tenait à faire part de son exploit à ses parents. De retour au salon, elle s’agenouilla à côté de sa mère. — Maman ! Regarde ! J’ai trouvé le mien. Je suis plus un bébé ! Ti-na-ni-na-nè-re ! Mais Maman ne réagissait pas. À quatre pattes l’enfant chercha le visage aimé derrière le rideau de cheveux noirs, épais comme une nappe d’algues. Elle posa sa joue sur cette couverture soyeuse et chuchota contre l’oreille maternelle : — Qu’est-ce que tu regardes comme ça maman ? On joue plus. D’accord ? Tu es toute blanche. Tu es malade ? Puis, ce mutisme obstiné l’énerva. Elle s’adressa à son père, allongé, lui aussi, à deux mètres de sa femme. — Papa ! Dis à maman que c’est plus rigolo ! J’ai envie de m’habiller, moi ! Je veux aller jouer dehors avec Sultan ! En désespoir de cause, l’enfant passa la main sous la poitrine de sa mère afin de tenter de retourner le corps. Quelque chose la dégoûta. Y avait-il des limaces sur le tapis ? Elle retira vite sa main et regarda, interloquée, ses doigts rouges et poisseux. Quelque part, dans la maison, le téléphone sonna. Alors seulement, la petite fille hurla.

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