Chapitre 2

1928 Words
2 Ha’ven manœuvra le vaisseau de transport à travers les épais nuages à près de dix kilomètres du palais royale de Valdier. Il avait quitté Ceran-Pax voilà plusieurs jours avec Adalard comme seul compagnon. Seuls quelques habitants de la planète triés sur le volet savaient qu’ils arrivaient. Il avait pris cette décision après avoir longuement parlé avec Creon Reykill. Les deux hommes avaient décidé qu’il serait prudent qu’aussi peu de personnes que possible soient au courant de leur présence, à Adalard et lui. En temps normal, il préférait voyager seul quand il le pouvait, mais Adalard avait insisté pour l’accompagner. Ha’ven savait que son frère voulait s’assurer par lui-même que Mandra s’était remis des blessures dont il avait souffert quand il avait combattu Raffvin et son armée peu auparavant. Son frère cadet s’était entiché de la femme humaine que Mandra Reykill avait prise pour compagne. Ha’ven commençait personnellement à penser qu’il valait mieux éviter cette espèce. Quand il en avait entendu parler pour la première fois et avait rencontré Carmen, la compagne de Creon, cela avait éveillé sa curiosité. Après tout, ce n’était pas souvent qu’il se retrouvait pendu la tête en bas à la queue d’une femelle dragon, ou piégé sous une pile de corps avec elle assise sur lui ou qu’une mèche de ses cheveux était prise comme trophée. Simplement, plus il passait de temps en compagnie de cette espèce, plus il voyait l’influence que ses membres avaient sur les autres espèces et cela l’inquiétait. Il aimait sa liberté, et bien qu’il ne serait pas contre le fait de s’amuser une nuit ou deux, il n’avait aucune envie de se retrouver sous l’emprise de leur envoûtement, quel qu’il soit. Il ne savait vraiment pas ce qu’il y avait chez elles, mais chacun des frères Reykill était tombé sous le charme de l’une d’entre elles. Si ce que Creon lui avait dit l’autre nuit était vrai, cela ne se limitait pas non plus aux femelles de l’espèce. Ha’ven avait été sous le choc quand Creon lui avait appris que sa mère avait été revendiquée par le père de la femelle humaine appelée Trisha. Ha’ven espérait simplement qu’il n’y avait pas d’autres membres de cette espèce dans les parages. Si c’était le cas, il prévoyait de les éviter à tout prix. — Je veux voir comment vont Ariel et Mandra, commenta Adalard, interrompant sa rêverie alors qu’il démarrait le mécanisme d’atterrissage. Tu aurais dû voir Bahadur essayer de charmer Ariel pour qu’elle quitte Mandra pour lui. — Bahadur ? répéta Ha’ven, surpris, en regardant son frère d’un air choqué. Ce bâtard insensible voulait la compagne humaine de Mandra pour lui tout seul ? Adalard ricana et hocha la tête. — Ouais, je crois qu’il prévoit de prendre des vacances quand tout ceci sera terminé. Elle l’a fasciné et il m’a demandé de découvrir la localisation de sa planète. Ce qu’Adalard ne disait pas à son frère aîné, c’était qu’Ariel avait aussi mentionné une femelle de sa planète qu’elle pensait être parfaite pour lui. Il n’était pas intéressé par quoi que ce soit de permanent, comme une partenaire de vie, mais il n’était pas contre l’idée de s’amuser un peu. Si cette Samara dont avait parlé Ariel était ne serait-ce qu’à moitié aussi intéressante que cette dernière, il aimerait bien la rencontrer et explorer les différences entre leurs deux espèces pendant un petit moment. — Eh bien, dis à Bahadur que non. Je sais que j’ai mentionné qu’il pourrait être intéressant de s’amuser avec une ou deux, mais j’ai changé d’avis à propos du fait de vouloir rencontrer cette espèce, dit Ha’ven en frissonnant. La dernière chose dont nous avons besoin est avoir une flopée de ces Humains sur notre planète. Tu as vu à quelle vitesse ils ont mis la famille royale de Valdier à genoux… littéralement. Creon m’a dit que sa compagne l’a tabassé et que celle de Mandra l’a assommé ! Le rire rauque d’Adalard emplit le cockpit du véhicule à l’idée de minuscules femelles dérouillant des mâles deux fois plus grands qu’elles. Il plaisanta avec Ha’ven à propos de quelques autres histoires qu’il avait entendues des membres de l’équipage voyageant avec Mandra. Il raconta des histoires allant de la collection d’animaux de compagnie d’Ariel à ses propres observations après l’avoir vue tabasser les marchands dans le bar sur le spatioport où ils étaient venus le chercher. Ha’ven ne l’écouta que d’une oreille, se demandant ce qui avait pu arriver aux énormes métamorphes dragons pour qu’ils changent ainsi. D’après ce que lui avait dit Adalard et du peu qu’il avait vu, il y avait définitivement quelque chose chez cette espèce qui chamboulait ses amis et leurs symbiotes. Diable, même Vox était tombé fou amoureux d’une femelle humaine que les Antrox avaient dans leur mine ! Le maudit métamorphe chat était tout aussi létal qu’eux et était connu pour prendre ses femmes vite et fort. La femelle humaine avait tant chamboulé son ami velu que le roi sarafin courrait pratiquement après sa propre queue la dernière fois qu’il lui avait parlé ! — Et si cela ne suffisait pas, ils ont à présent des jeunes dont ils doivent s’inquiéter, disait Adalard alors qu’il terminait la procédure d’atterrissage tandis que Ha’ven les guidait vers une clairière juste assez grande pour le véhicule. Je sais qu’ils s’inquiètent à l’idée que Raffvin ou ceux qui travaillent pour lui puissent essayer de les attaquer. Ha’ven regarda brièvement Adalard avant de rediriger son attention sur l’approche finale. Il se mit en vol stationnaire au-dessus de l’herbe épaisse, puis fit atterrir le véhicule au centre de la petite prairie. Il éteignit les moteurs d’un mouvement des mains, aspirant les b****s d’énergie tourbillonnantes dans son corps. Un autre avantage de voyager dans ce véhicule était qu’il pouvait utiliser sa propre énergie pour l’alimenter, réduisant ainsi le risque que le scénario de l’autre nuit se produise à nouveau. — Creon m’a parlé de ses filles, admit Ha’ven. Je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour les protéger, sa compagne et elles. Adalard se contenta de hocher la tête. Il savait que ses pouvoirs étaient considérables, mais ils faisaient pâle figure comparés à ceux de son frère aîné. Adalard et son jumeau avaient toujours admiré Ha’ven qui les avait protégés de Ben’qumain quand ils étaient encore jeunes et vulnérables. Il les avait encouragés à travailler ensemble et à développer les pouvoirs en eux. Depuis sa captivité sur un astéroïde prison connu sous le nom de l’Enfer, les pouvoirs de Ha’ven avaient grandi au point que Flèche et lui s’inquiétaient de l’effet qu’ils pourraient avoir sur lui. — Ha’ven, dit Adalard en se tournant pour regarder son frère aîné alors qu’il commençait à se lever. Est-ce que tu vas bien ? La nuit dernière, j’ai senti… La voix d’Adalard mourut tandis qu’il étudiait l’immense mâle en face de lui. Ha’ven vit l’inquiétude sur le visage de son frère cadet. Ses yeux balayèrent la longue cicatrice qui ornait la joue d’Adalard. Son frère refusait de la faire retirer, déclarant qu’elle lui rappelait l’existence des dangers autour de lui. — Je vais bien, dit Ha’ven avec un petit hochement de tête. Voyons voir quels plans ont été mis en place. Raffvin n’est pas le seul danger. Nous devons encore nous charger des traîtres dans nos rangs. Adalard hocha la tête et se leva. Il suivit son frère dans le couloir et sortit par la petite écoutille située sous le vaisseau spatial. Une fois qu’Adalard fut assez éloigné du véhicule, Ha’ven appuya sur un bouton situé sur la ceinture attachée bas sur ses hanches. Le véhicule scintilla un instant avant de disparaître. Les Curizans utilisaient une combinaison de technologie et de « magie » comme l’appelaient certains des mondes. Ils étaient en réalité capables de recueillir l’énergie qui se trouvait autour d’eux et de la conserver à l’intérieur de leurs corps. Une fois qu’elle s’y trouvait, ils pouvaient la manipuler pour faire tout ce qu’ils désiraient. Chaque Curizan naissait avec des capacités et un niveau de contrôle différents. Certains s’en servaient pour être guérisseurs, certains devenaient de meilleurs pilotes, certains de meilleurs guerriers. Ceux qui régnaient dans la Maison royale de Curizan étaient capables de la maîtriser et de la manipuler de façons qui dépassaient les capacités limitées de la plupart des citoyens de Ceran-Pax. La famille Ha’darra régnait depuis des siècles. Ha’ven était en train de découvrir que leur puissance ne connaissait pas de limite. L’étendue complète de leurs capacités n’avait jamais été explorée par crainte que, si libérée, leur puissance pourrait détruire non seulement celui qui la manipulait mais aussi le monde entier. Ha’ven avait toujours cru qu’il s’agissait d’un mythe transmis à travers les siècles pour mettre en garde les générations à venir des dangers du pouvoir absolu. Après tout, un homme mort ne pouvait pas régner sur une planète morte. Il savait à présent que les mises en garde étaient bel et bien réelles. S’il ne parvenait pas à trouver rapidement un moyen de contrôler la puissance qui croissait en lui, la seule solution serait d’éliminer la menace faite à son monde. — Ha’ven, est-ce que tu es prêt ? demanda Adalard en lui touchant le bras. La salle de téléportation est prête, c’est quand tu veux. — Dis-leur que c’est bon, dit Ha’ven, s’écartant brusquement et marmonnant un juron quand il réalisa qu’Adalard le regardait toujours d’un air inquiet. Quelques secondes plus tard, Adalard et lui se trouvaient dans la salle de téléportation centrale à l’intérieur du palais. S’il avait été à bord de l’un des plus grands vaisseaux de guerre curizans, il se serait simplement téléporté dans la pièce, mais il était inenvisageable qu’ils laissent leur véhicule dans l’espace sans personne à bord. Il contenait une nouvelle technologie qu’Adalard et lui avaient récemment développée. Le véhicule, petit mais pourtant racé, était parfait pour ce genre de mission. Il avait été conçu afin qu’un équipage de deux ou trois personnes puissent voyager très confortablement à bord pendant des mois si nécessaire ou pour des missions furtives comme celle-ci. Ils l’avaient conçu de façon à ce qu’il fonctionne spécifiquement avec l’énergie qu’ils pouvaient manipuler. Les armes, la navigation, et les boucliers montaient en puissance au fur et à mesure qu’ils y injectaient directement leurs pouvoirs. Il se servait principalement du véhicule pour des petits trajets comme celui-ci, préférant voyager seul quand cela était possible. Il avait au départ prévu de faire le trajet à bord d’un vaisseau de guerre avec Bahadur et Adalard, mais après une longue discussion avec Melek et ses frères, ils avaient décidé d’envoyer plusieurs de leurs généraux de confiance, y compris Bahadur, se charger de quelques-unes des bases rebelles que Flèche avait récemment découvertes. Flèche mènerait la lutte pendant qu’Adalard et lui travaillaient avec les Valdiers. Raffvin était un des instigateurs clés derrière la rébellion et un des plus létaux. Il devait être arrêté une bonne fois pour toutes. Il prit une profonde inspiration alors qu’il sentit l’énergie l’entourer tandis que l’appareil verrouillait sa position. Ses yeux se plissèrent quand il sentit l’énergie du faisceau de téléportation fusionner avec celle à l’intérieur de lui. Il ne ressentit pas la désorientation dont beaucoup se plaignaient au début. Il vit et sentit son corps se briser en de minuscules particules et se délecta de la sensation de liberté que cela lui fit ressentir. Il gémit presque quand il sentit son corps se rematérialiser sur la plateforme. Il va vraiment falloir que je découvre comment faire cela moi-même, pensa-t-il avant que ses yeux ne rencontrent les yeux or foncé de Creon Reykill.
Free reading for new users
Scan code to download app
Facebookexpand_more
  • author-avatar
    Writer
  • chap_listContents
  • likeADD