II - L’arrivée au régiment

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II L’arrivée au régiment Le surlendemain, muni de la feuille de route qu’on lui avait donnée à Toulouse, il débarquait, en compagnie des autres recrues, à la gare de C…, pour être incorporé au 32e dragons. Engourdi par vingt-quatre heures d’immobilité, ahuri par les milliers d’objets qu’il venait de voir passer sous ses yeux dans la rapidité vertigineuse du voyage, Fiammet, faisant comme ses camarades, erra pendant une grande heure à travers la ville, tantôt traînant ses jambes d’un bout à l’autre des rues, tantôt se plantant, le nez en l’air, pour considérer les maisons, et finissant par revenir toujours au même endroit, comme il arrive dans ces petites villes qui n’ont qu’une seule place à laquelle conduisent toutes les rues. Au bout de ce temps, ne sachant plus où aller ni quoi regarder, sentant d’ailleurs l’appétit lui venir, il se décida à s’enquérir de l’adresse du capitaine trésorier, premier personnage auquel il eût à se présenter. Lorsqu’il sortit de chez le capitaine trésorier, Fiammet était immatriculé comme cavalier au 2e escadron du 32e régiment de dragons, en garnison à C… Alors commença l’interminable série des démarches et formalités par lesquelles il avait à passer avant de prendre son rang, d’abord dans l’escadron, puis dans le peloton. Il se rendit à la porte du quartier, où le maréchal des logis commandant la garde de police le fit conduire par un homme au bureau de l’escadron. Là il trouva des comptables qui prirent son nom, lui donnèrent son livret, lui demandèrent s’il savait lire, écrire, nager ; s’il voulait compléter sa masse ; après quoi on le conduisit à sa chambrée, où on le remit aux mains de son camarade de lit, qui devait l’initier à tous les détails du service. Quand il se vit en présence de ce camarade avec lequel il allait vivre côte à côte, Fiammet eut un soupir de soulagement comme un homme qui, précipité pendant plusieurs jours de chute, tomberait entre les bras d’un ami. Il trouva tout de suite que son camarade avait une bonne figure. Il regarda autour de lui dans la chambrée, et tout lui parut très propre et très gai. C’était plein de monde jeune ; les uns riaient, se faisaient des farces, les autres nettoyaient leurs armes, ciraient leurs bottes ou leurs basanes, sifflant de jolis airs ou chantant des chansons drôles. De l’autre côté de la chambre, deux dragons prêts à sortir en permission, revêtus de leur uniforme bien sanglé, bouclaient leur ceinturon et se coiffaient de leur casque, dont la crinière se renversait sur la nuque en décrivant une fière parabole ; ils partirent, traînant à grand bruit leurs sabres et faisant résonner leurs éperons. Fiammet les regardait avec une immense admiration ; ils lui paraissaient comme des rois, et un éblouissement lui passa devant les yeux à l’idée que lui-même allait être revêtu d’un uniforme pareil. Mais quand l’aurait-il ? Il n’osait pas le demander ; certainement on ne le lui donnerait pas ainsi du jour au lendemain ; il faudrait sans doute passer par de longues épreuves avant de l’obtenir. Un casque ! un sabre ! des éperons ! Lui, Fiammet !
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