XIV Mon sauveur Les journaux ont annoncé sa mort et, comme c’est pour moi un devoir professionnel de les croire, je suis allé à son enterrement malgré mon peu de goût naturel pour les pompes funéraires. Modestes pompes, d’ailleurs ! Dix minutes d’absoute par un curé grognon dans une chapelle sans tenture ; puis une longue promenade derrière un corbillard cahotant entre des croque-morts crottés jusqu’aux fesses. Le chemin ne m’a pas paru long pourtant ni la conduite ennuyeuse. Nous étions là plusieurs de ceux que la vie disperse et que rapprochent de bons souvenirs de jeunesse et de bohème. Cet homme avait été un des demi-dieux de notre adolescence stupide mais délicieuse. Poète médiocre, il nous avait fait croire à son génie ; grand diseur de calinotades, il nous avait donné l’impression