Absinthe et bistouriEn ce temps-là, – il y a quarante ans, – on ne faisait pas son absinthe comme aujourd’hui. Le docteur Pichet prenait d’abord un grand verre dans lequel il posait un petit verre à pied plein de l’attrayante liqueur ; puis, saisissant la carafe entre le pouce et l’index, il laissait tomber l’eau fraîche, goutte à goutte, sur l’absinthe, qui perdait de son ton vif, se troublait, débordait, s’épaississait et arrivait enfin à cette nuance si fort appréciée par les amants de la Muse Verte. Il avait de légers mouvements du poignet, en tout semblables à ceux d’un maître d’armes qui tâte le fer d’un adversaire. Cette délicate opération terminée, le docteur retirait le petit verre, qui ne contenait plus que de l’eau pure, et me présentait la précieuse infusion en s’écriant : Goût