Quelques fois, lorsque de nouvelles épreuves se présentent, avec elles viennent le goût amer du passé.
J'ai trouvé le bonheur aujourd'hui, seulement, la prospérité n'ampute pas les moments de tristesses. Il est normal de pleurer parfois, même pour les plus fous ou encore les plus savants des hommes.
Oui, il m'arrive de croiser des gens ayant vécu une vie très différente de la mienne et je me demande : qu'ai-je fait pour mériter une enfance si singulière ? Puis, une brise me caresse la joue, et je me souviens que l'adversité m'a tout de même aidé à mieux comprendre le surnaturel. Je repense à, comment le Seigneur a brisé les malédictions générationnelles de ma famille. Avec une colère sainte, Il a anéanti les barres de la prison qui retenait mon âme.
Lorsque je témoigne de ma délivrance, je commence toujours l'histoire par ce dimanche matin qui date d'il y a vingt ans.
Les cloches de l'église sonnèrent à 7 h 05 et ainsi réveillèrent la ville. Pendant que certains se bouchaient les oreilles à l'aide d'un oreiller comme mon père, d'autres réduisaient cette musique au chant d'un coq, qui les alertait d'entamer leurs journées — ce que maman et moi avions fait.
Nous étions tous chrétiens dans la famille ou du moins, nous aimions tous Dieu.
On aimait simplement tous Dieu, car l'enfant de huit ans que j'étais avait encore du mal à comprendre cette hiérarchie autour de la chrétienté. Ainsi, comment pouvais-je être quelque chose que je ne comprenais pas ?
J'ouvris donc les yeux, découvrant la silhouette de maman qui sortait de la douche. "Prunelle, viens par ici." Murmura-t-elle, un parfum d'amande douce accompagnant la vapeur ressortant de la pièce.
Je retirais ainsi la couverture avec délicatesse, ne voulant pas interrompre les ronflements de mon père à côté.
J'allais attraper le peignoir de maman, et elle me mena sous la douche. Après m'avoir nettoyé et vêtu d'une minilongue robe blanche décontractée, à manches longues, elle se maquilla puis porta un ensemble veste bleue.
Alors qu'on sortait de la chambre, passant par le couloir, la porte entrouverte d'Elena— ma sœur— donnait une vue sur ses lèvres qu'elle repassait au rouge. À seulement 14 ans, elle amourachait plus le temps passé devant le miroir que celui sous les brins de soleil à admirer les créations de Dieu.
"Éléna, je t'assure que si tu ne sors pas de cette chambre dans les trois prochaines minutes, c'est une gifle qui te couvrira les lèvres." Hurlait maman, des veines se dessinant sur son coup.
Ma sœur roula les yeux, "je suis prête." Passant devant nous alors que maman la dévisageait.
"Et regarde l'état de ta chambre." Vociférait-elle, pendant que nous suivions les pas d'Éléna. "Une jeune fille ! Tu n'as pas honte ?"
Nous arrivions dans le salon où le soleil illuminait les visages de mes frères aînés ; Josh, 20 ans et Gary, 18 ans, à travers les fenêtres ouvertes.
Maman, ne se détachant pas de sa face crispée, demandait, "vous avez déjà mangé ?"
"Non." Souffla Josh. "On n'a pas eu le temps."
"Pourquoi mériter de tels enfants ?! Vous savez très bien que dimanche vous devez vous lever tôt pour faire tout ça. Prenez des madeleines que vous mangerez en chemin et des bouteilles d'eau dans la cuisine." Disait-elle avant de soulever son sac à main, "Prunelle allons dans la voiture." Puis, lorsqu'on sortait, ajouta, "emmenez-en pour votre petite sœur aussi et dépêchez-vous." Elle me prit par la main, marchant rapidement et me causant ainsi de courir avec mes petites jambes.
À peine arrivée dehors, maman haleta, "merde." Surement révoltée par la chaleur humide qui nous avait accueilli.
Elle déverrouilla la voiture, me plaça à l'arrière, puis s'installa près du volant. L'odeur citron du diffuseur nous embrassa, et la fraîche air de la climatisation que maman alluma aussitôt nuançait l'odeur du beurre de Karité appliquée sur ma peau.
Pendant que nous étions tous en route pour l'église, et avions fini de déguster nos madeleines, une question persistait dans mon esprit, une question qui avait souvent trouvé écho dans mes pensées curieuses. J'étais habituée à voir ma mère nous emmener les dimanches, mais pourquoi papa ne nous accompagnait-il jamais ?
La curiosité prenant grande possession de moi, je n'ai pas pu m'empêcher de laisser cette interrogation émerger.
"Maman ?" Ma voix se mêlant à la louange qui jouait à la radio.
Cependant, axée sur la conduite et énervée sûrement d'être pour une millième fois en retard, elle ne répondit point.
"Maman ?" Insistai-je.
Elle fronça de là les sourcils, puis répondit "Quoi ?"
Éléna, qui se tenait à ma droite — lorsque Gary se tenait à ma gauche— sursauta, car le ton grave de maman venait de la sortir dans ses pensées.
"Pourquoi papa ne vient jamais avec nous à l'église ?"
"Papa est très occupé."
Je ne comprenais pas vraiment de quelles occupations elle parlait, vu qu'il était resté à dormir.
Ainsi, je rappelais, "Mais maman, Dieu, Lui, il est notre papa à tous et Il a le temps pour tout le monde. Pourquoi nous, on ne peut pas ?"
Elle éteignit la radio, "Chérie... ton père n'est pas Dieu, ok ? Ni moi, d ailleurs. On fait de notre mieux !"
Je jetais un coup d'œil autour de moi, cherchant une personne pour me soutenir. Or, Éléna et les garçons avaient les yeux aspirés par l'extérieur. Ils paraissaient être déconnectés de cette conversation. Soit par m'en foutisme, soit malaisé par mes questions incessantes de petite fille.
Je restais ainsi là, silencieuse, car confuse par la logique des adultes pendant plus d'un quart d'heures, quand enfin, on y arriva. À Saint-Michel.
Une église qui fut la première de notre ville, mais aussi celle où toute la génération précédente de ma mère avait trouvé refuge, d'après ce qu'elle nous racontait toujours. Pourtant, on n'y voyait plus leurs traces.
Maman gara dans le parking et en rang, on la suivait à l'intérieur du bâtiment. Une odeur d'encens nous accueillait, témoignage que le prête était déjà passée par là. En effet, il était face à nous, donnant le sermon.
J'entendais sa voix monotone résonner à travers le micro, "Le Christ ajouta, celui qui m'aime, suivra mes commandements..."
Pendant que, au-dessus de lui, se tenait une Croix faite de bois ; représentation par les hommes d'un événement qui a marqué l'humanité.
On s'empressa alors de trouver place au milieu de la salle. J'étais assise de cette façon, regardant autour de moi les visages adultes qui témoignaient de tellement de deuils. Cet endroit regorgeait un océan d'âmes mortes. Des êtres qui somnolaient face à la Parole. Toutefois, sur les fenêtres en verres autour d'eux étaient imagés des saints.
Éléna rêvassait en souriant dans le vide, pendant que mes frères peinaient à détacher leurs regards de leurs téléphones portables.
Quant à ma mère, elle semblait n'être présente que pour répéter les prières telles que le Notre Père et le Je Vous Salue Marie. Par la suite, son esprit voyageait vers des endroits tumultueux.