Dédicace
À mademoiselle Gabrielle de la Boulaye
Ma chère Petite-Fille ;
Tu as deux ans, tu n’es plus un enfant. Il te faudra bientôt apprendre tes lettres, et commencer ce rude labeur de s’instruire qui dure autant que la vie. Permets à ton grand-père de t’offrir ce livre doré, tout rempli de belles images qui amuseront la curiosité de tes yeux. Tu voudras savoir ce qu’elles disent : il faudra lire ; c’est là que je t’attends. Puissent mes petits héros te charmer avec leurs histoires, et t’épargner des larmes qui ne servent à rien !
Un jour sans doute, quand tu seras une grande demoiselle de quinze ans, tu jetteras ce livre avec tes poupées. Peut-être même te demanderas-tu comment il se fait que ton grand-père avec sa barbe grise ait eu assez peu de raison pour perdre son temps après de pareilles folies. Ne sois pas trop sévère, ma chère Gabrielle, fais-moi crédit de cinq ou six ans d’indulgence. Si Dieu te prête vie, toi aussi tu auras des enfants, des petits-enfants peut-être ; toi aussi, l’expérience t’apprendra trop vite que ce qu’il y a de plus vrai et de plus doux dans la vie, ce n’est pas ce qu’on voit, mais ce qu’on rêve. Alors, en récitant mes contes à ces jeunes amis que je ne verrai pas, tu te rappelleras celui qui t’aimait toute petite, et peut-être auras-tu quelque plaisir à dire à mes petits-neveux quel était ce bonhomme qui mettait sa joie à amuser les enfants. Ils t’écouteront, les yeux brillants, et seront fiers de leur bisaïeul. Je ne veux pas d’autre gloire ; cette immortalité me suffit.
Sur ce, Mademoiselle, je dépose respectueusement à vos pieds l’hommage de mes Contes bleus, et je t’embrasse sur les deux joues.
TON VIEUX GRAND-PÈRE.