Bo
Après l’entraînement, je me rends au garage au volant de ma Triumph de 1984, parce qu’on est débordés et que mon frère et mon oncle ont désormais aussi besoin de moi en semaine.
En plus, mon meilleur ami Cole se montre rarement au boulot, ces derniers temps. Je ne sais pas ce qu’il fabrique, mais je ne veux pas l’emmerder avec ça, vu la situation désastreuse chez lui, ce semestre.
Je meurs de faim, et ça me rend super grognon.
Mais j’oublie vite ma faim, car... bon sang.
La première chose que je vois, c’est ses fesses. Un cul à tomber à la renverse, moulé dans un jean qui souligne le moindre de ses muscles. Et des jambes interminables encore allongées par des chaussures à semelles compensées.
Intérieurement, je pousse un sifflement admirateur.
Elle est penchée sur le capot d’une Porsche bleu électrique de 2016. Mon frère Winslow se trouve à côté d’elle et lui montre quelque chose.
Au début, je pars du principe que c’est une métamorphe, comme presque tous les habitants de Wolf Ridge, et je me demande qui elle peut bien être.
Puis je sens son odeur.
Humaine.
Une humaine qui aurait pu être des nôtres. Car elle est bâtie comme une louve. Grande. Charpentée. Robuste. Athlétique. Si elle a des jambes aussi musclées, ce n’est pas en restant dans son lit à jouer sur son téléphone.
Et ‒ oh la vache ‒ quand elle se redresse et se tourne vers moi, j’ai une érection. Parce qu’elle est jeune. Mon âge, peut-être. Et elle est très belle. Des cheveux couleur caramel avec des reflets roux, des yeux cuivrés, et un grain de beauté qui lui donne des airs d’actrice à l’ancienne.
J’ai envie de la prendre sur le capot de la 911. Puis je vois le logo étiré sur sa poitrine. Équipe de Cross de Cave Hills.
Ça explique ses jambes fuselées. Et sa voiture hors de prix. Apparemment, elle a abîmé la bagnole de papa et vient la faire réparer avant qu’il s’en rende compte.
Je ne sais pas si c’est parce que je suis affamé ou si c’est parce que je b***e tout en sachant que je ne peux pas l’avoir, mais je la trouve immédiatement antipathique. Encore une sale petite bourge pourrie gâtée de Cave Hills. Les élèves de ce lycée ne viennent à Wolf Ridge que quand ils cherchent les ennuis. Et cette fille, c’est la définition même des ennuis.
Winslow m’aperçoit. Il s’interrompt pour me jeter un regard qui veut dire qu’est-ce que tu veux, p****n ?
C’est là que je comprends qu’il y a un truc pas clair.
Il ne me regarderait pas comme ça si je l’avais simplement interrompu. Il ne s’intéresse pas aux humaines. Il déteste les gens de son espèce.
Ce qui signifie qu’il veut me tenir à l’écart pour d’autres raisons.
— T’as pas une portière à remplacer sur la Volkswagen ? me demande-t-il en pointant le pouce vers une autre partie du garage.
Nous attendons la livraison de la portière, et la Volkswagen est mon projet, pas le sien. À présent, je suis certain qu’il cherche à se débarrasser de moi.
— Si. OK.
Je ne bouge toujours pas.
Un frisson me monte dans la nuque. Je jette un nouveau coup d’œil à la Porsche. Finalement, ce n’est peut-être pas la voiture du père de cette fille. Que regardaient-ils sous le capot ?
Un malaise s’empare de moi. C’est un avertissement dont j’ai l’habitude : je ressens toujours ça, quand mon frère s’apprête à faire un truc débile. Ou dangereux. Quelque chose dont je vais devoir tenter de le dissuader.
Bon sang.
J’espère que ce n’est pas un véhicule volé qu’il compte maquiller pour cette fille.
En me voyant rester planté là, Winslow montre les dents, et ses yeux prennent une teinte dorée. Le loup en moi réagit à cette menace de façon viscérale.
Je n’ai d’autre choix que de baisser les yeux et de lever le menton pour lui présenter ma gorge. Mon frère a un tempérament v*****t, et il est vachement dangereux, même avec les membres de sa famille. Je laisse tomber mon sac à dos par terre et me dirige vers la Volkswagen.
Winslow monte le volume de la radio.