— Dylan !
Je descends les marches du perron de notre maison, le cœur battant. Mon frère finit par se défaire de l’emprise des deux hommes qui le retiennent de force. Nous courons l’un vers l’autre. J’attrape ses mains et les serre de toutes mes forces. Mon regard plonge dans le sien.
— Ne t’en fais pas ça va aller, tente-t-il de me rassurer.
Je ne peux m’empêcher de secouer frénétiquement la tête. Non, ça ne va pas aller. Je le vois dans son regard inquiet malgré son sourire. Les deux hommes l’attrapent une fois de plus et le tire en arrière de toutes leurs forces.
— Dylan !
Je sens une main se refermer fermement sur mon épaule. Je me retourne dans un sursaut, furieuse. Une sensation étrange me parcourt de la tête aux pieds tandis que je me perds dans l’océan émeraude des yeux du jeune homme qui se tient derrière moi.
— Vous le verrez demain, me dit-il d’une voix calme et rauque.
— Vous avez braqué une arme chargée sur ma tempe pour le forcer à sortir de sa cachette, pourquoi devrais-je vous croire ?
— Parce que je suis un homme de parole. D’ailleurs…
Il lève son bras libre et effectue un petit geste en direction de la maison, sur laquelle je pose les yeux par-dessus son épaule. Deux domestiques en sortent avec des bagages en main. Je frissonne.
— Ce sont…
— Vos affaires, oui. Ainsi que celles de vos petites sœurs.
Non impossible. Je pose à nouveau mon regard sur lui.
— Mes parents ne laisseraient…
— Vos parents n’ont pas le choix. Comme nombreux d’autres avant eux, ils ont voulu jouer aux plus malins, ils en paient le prix fort. Vos sœurs et vous êtes placées sous protection de la famille royale à partir de ce jour, et vous allez être scolarisées avec d’autres enfants eux-mêmes placés sous la protection des familles les plus privilégiées.
— Mais…
— Si vos parents se tiennent à l’écart et font ce qui leur est demandé, ils auront le droit de vous rendre visite une fois tous les six mois.
— Je n’irai pas, je rétorque catégorique.
— Vous n’avez pas le choix.
— Et vous, vous n’avez pas à…
Il attrape mon menton d’une poigne ferme, son regard intimidant ancré au mien.
— Que cela vous plaise ou non, je le fais pour votre bien ainsi que pour le bien de votre famille.
Un rire amer s’échappe de mes lèvres à l’entente de ses mots. Mais oui bien sûr.
— Vos parents auraient pu être pendus pour trahison sans mon intervention. Estimez-vous heureuse de la tournure que sont en train de prendre les choses.
Des bruits se font entendre à l’intérieur de la maison à laquelle je jette un coup d’œil, juste à temps pour voir des gardes en sortir mes petites sœurs dans les bras. Ma mère leur court après en criant. Mon père l’attrape, la maintenant de toute ses forces contre lui. Son regard croise le mien.
— Fuirich laidir mo bhana-phrionnsa.
Reste forte, ma princesse. J’acquiesce, malgré la boule en train de se former dans ma gorge.
— Allons-y.
Le prince m’empoigne par le bras. Des gardes nous entourent comme pour s’assurer à ce que je ne tente rien. Prenant une petite inspiration, je regarde une dernière fois mes parents, puis suis ma nouvelle escorte, malgré moi, jusqu’à l’une des voitures garées devant notre maison. Je sens la main de mon nouveau geôlier se glisser dans la mienne et ses doigts s’entrelacer aux miens.
— Is docha gu bheil thu fhathast mar bhana-phrionnsa d’athair airson a-nis, ach aon latha, bidh thu nad bhanrigh agam.
Peut-être que vous êtes la princesse de votre père pour le moment, mais un jour, vous serez ma reine.
** ** ** ** **