XVIChoses du palais
Ariifaité, le prince-époux, jouait à la cour de Pomaré un rôle politique tout à fait effacé.
La reine, qui tenait à donner aux Tahitiens une belle lignée royale, avait choisi cet homme, parce qu’il était le plus grand et le plus beau qu’on eût pu trouver dans ses archipels. – C’était encore un magnifique vieillard à cheveux blancs, à la taille majestueuse, au profil noble et régulier.
Mais il était peu présentable, et s’obstinait à se trop peu vêtir ; le simple pareo tahitien lui semblait suffisant ; il n’avait jamais pu se faire à l’habit noir.
De plus il se grisait souvent ; aussi le montrait-on fort peu.
De ce mariage étaient issus de vrais géants, qui tous mouraient du même mal sans remède, comme ces grandes plantes des tropiques qui poussent en une saison et meurent à l’automne.
Tous mouraient de la poitrine, et la reine les voyait l’un après l’autre partir, avec une inexprimable douleur.
L’aîné Tamatoa, avait eu de la belle reine Moé sa femme, une petite princesse délicieusement jolie, – l’héritière présomptive du trône de Tahiti, – la petite Pomaré V, sur laquelle se portait toute la tendresse passionnée de sa grand-mère, Pomaré IV.
Cette enfant, qui en 1872 avait six ans, laissait paraître déjà les symptômes du mal héréditaire, et plus d’une fois les yeux de l’aïeule s’étaient remplis de larmes en la regardant.
Cette maladie prévue et cette mort certaine donnaient un charme de plus à cette petite créature, la dernière des Pomaré, la dernière des reines des archipels tahitiens. – Elle était aussi ravissante, aussi capricieuse que peut l’être une petite princesse malade que l’on ne contrarie jamais. L’affection qu’elle montrait pour moi, avait contribué à m’attirer celle de la reine…