Les jours passaient, et les sorties nocturnes entre Alexandre et Éléa devenaient de plus en plus fréquentes. Ce qui avait commencé comme une simple tentative de changer les idées d'Alexandre s’était transformé en une habitude réconfortante pour eux deux. Chaque soir, après le travail, ils se retrouvaient dans des endroits discrets, loin des lumières vives des restaurants chics qu'Alexandre fréquentait autrefois avec Sophie. Ces moments, simples mais pleins de complicité, étaient devenus une bouffée d’air frais pour Alexandre, qui voyait en Éléa une échappatoire à la spirale destructrice de son mariage.
Malgré la camaraderie apparente, il y avait toujours cette tension latente entre eux, une tension qu’aucun des deux n’osait vraiment admettre. Éléa, tout en essayant de rester professionnelle, ne pouvait s’empêcher de remarquer chaque mouvement d'Alexandre. Elle observait discrètement ses gestes, la manière dont ses mains effleuraient distraitement les verres qu'il tenait, ou la façon dont ses épaules se tendaient légèrement lorsqu'il parlait de Sophie.
Chaque regard qu’il lui lançait semblait plus intense, plus chargé de non-dits. Elle essayait de ne pas s’attarder trop longtemps sur ses pensées, mais il lui devenait de plus en plus difficile d’ignorer l’attirance qu'elle ressentait pour lui. Ses pensées vagabondaient parfois vers des territoires interdits, des scénarios où elle cédait enfin à ce désir qu'elle réprimait. Elle le fantasmait souvent, se demandant ce que cela ferait d’être avec lui, de partager plus que ces regards et cette complicité voilée.
De son côté, Alexandre n’était pas en reste. Chaque soir passé en compagnie d'Éléa lui apportait un peu de paix, mais aussi une vague de confusion. Il se surprenait à penser à elle de manière inappropriée, à observer la façon dont elle se penchait légèrement pour attraper son sac, ou à détailler les courbes de son visage lorsqu'elle riait. Il savait qu’il ne devait pas céder, mais l’envie était là, constante, tapie dans un coin de son esprit.
Leur relation semblait sur le fil du rasoir. Chaque mot échangé, chaque sourire partagé était empreint d'une ambigüité qu'ils tentaient de contenir, mais qui devenait de plus en plus difficile à ignorer. Leurs conversations restaient amicales, sans jamais franchir la barrière qu'ils s'étaient imposée, mais dans leurs silences, il y avait toujours plus. Ce soupçon d'arrière-pensée, cette envie qu'ils réprimaient sans même en parler.
Un soir, après une longue journée de travail, ils s'étaient retrouvés dans un bar calme, isolé, loin de l'agitation du centre-ville. Éléa était assise en face d'Alexandre, une coupe de vin à la main. Leurs discussions dérivaient doucement vers des sujets légers, mais derrière chaque mot échangé, leurs regards se croisaient plus longtemps que nécessaire. Éléa ne pouvait s’empêcher de scruter Alexandre, détaillant ses expressions, analysant chaque micro-réaction, chaque geste. Elle voyait la fatigue dans ses yeux, mais aussi cette lueur, ce petit éclat de désir qu’il essayait de dissimuler.
Alexandre, quant à lui, avait cessé de prétendre qu’il n’était pas attiré par elle. Même si ses paroles restaient neutres, son regard laissait échapper des indices sur ce qu'il ressentait vraiment. Il savait que ces soirées avec Éléa n’étaient pas purement amicales. Une part de lui voulait croire que c’était juste pour se détendre, pour échapper à la pression constante de son mariage défaillant. Mais il savait que ce n’était pas toute la vérité.
Il aimait sa compagnie. Il aimait la manière dont elle lui parlait, dont elle le faisait rire, dont elle semblait comprendre ses silences. Il aimait surtout cette absence de jugement, cette liberté qu’elle lui offrait sans jamais l’étouffer. À chaque sortie, il ressentait une étrange forme de plaisir, une satisfaction presque coupable d’être avec elle.
— Tu vas bien ?, demanda Éléa un peu plus tard, son regard fixant intensément celui d'Alexandre.
Il resta silencieux un moment, puis haussa légèrement les épaules.
— Oui et non, répondit-il, un sourire triste se dessinant sur ses lèvres.
Éléa le regarda, attendant qu'il développe, mais il ne dit rien de plus. Elle savait que Sophie était encore une source de douleur pour lui, mais il évitait souvent d’en parler directement. Pourtant, elle pouvait voir la tension grandir en lui chaque jour, comme un poison lent qui le rongeait de l’intérieur.
Le lendemain, après une nouvelle journée de travail éprouvante, Alexandre finit par craquer. Ils étaient restés tard au bureau, comme à leur habitude, mais cette fois, il semblait différent. L’agitation dans son regard, la manière dont il jouait nerveusement avec son stylo, tout indiquait que quelque chose n’allait pas.
Éléa, assise à côté de lui, n’osait pas poser de questions. Mais soudain, Alexandre posa son stylo sur la table et se laissa aller contre le dossier de sa chaise, un soupir lourd s’échappant de ses lèvres.
— Ça ne va vraiment plus avec Sophie, lâcha-t-il brusquement.
Le silence qui suivit ses mots était lourd de sens. Éléa ne savait pas quoi dire. Elle sentait son cœur se serrer en entendant la détresse dans la voix d'Alexandre. Elle savait qu’il souffrait, mais jusqu'à présent, il n’avait jamais été aussi direct à propos de ses problèmes de couple.
— On se dispute tout le temps, poursuivit-il. Elle ne veut rien entendre, elle refuse de faire des efforts. Chaque jour, c’est un peu plus difficile de la supporter… et je n’en peux plus.
Éléa garda le silence, mais elle ressentait une profonde tristesse pour lui. Elle voyait à quel point il souffrait, et cela la touchait plus qu’elle ne voulait l’admettre. Mais elle savait qu’elle ne pouvait rien faire. Ce n’était pas son rôle de l’aider à réparer son mariage, et pourtant, elle ne pouvait pas s'empêcher de ressentir de l’empathie pour lui.
— C’est comme si je vivais avec une étrangère, ajouta Alexandre, les yeux fixés sur le plafond. Elle est immature, elle ne voit pas à quel point je me bats pour nous… Et chaque fois que j’essaie de lui en parler, ça dégénère.
Le poids de ses mots tombait lourdement dans la pièce. Éléa le regardait, son cœur serré, incapable de trouver les mots justes pour apaiser sa douleur. Elle se sentait coupable de ressentir ce qu’elle ressentait pour lui, alors qu'il souffrait de cette manière. Mais à cet instant, elle ne pouvait s'empêcher de penser que peut-être, si les circonstances avaient été différentes, elle aurait pu lui offrir ce qu’il cherchait désespérément.
Cette confession laissa Éléa troublée. Elle savait que leur relation ne pouvait pas rester ainsi, dans cet entre-deux. Ils étaient proches, peut-être trop proches, et chaque soirée passée ensemble ne faisait que renforcer cette ambiguïté. Pourtant, malgré tout cela, ils continuaient de jouer ce jeu. Ce jeu dangereux où chacun savait ce que l'autre ressentait, mais où aucun des deux n'était prêt à franchir la ligne.
Mais combien de temps pouvaient-ils vraiment tenir ainsi, à se regarder en silence, à masquer leurs véritables sentiments derrière des sourires et des discussions banales ?
Chaque nouvelle dispute entre Alexandre et Sophie ne faisait que creuser davantage l’écart entre eux. Alexandre, épuisé par ses tentatives de sauver son mariage, trouvait de plus en plus de réconfort dans la présence d'Éléa, tandis que cette dernière, bien qu’attristée par la situation, ne pouvait nier l’évidence : elle ressentait plus que de la simple sympathie pour lui.
Leurs sorties nocturnes devinrent des moments où ils se réfugiaient l’un dans l’autre, sans jamais admettre à voix haute ce qu’ils savaient tous deux. Leurs regards parlaient d’eux-mêmes, leurs gestes étaient mesurés, mais l’attraction entre eux devenait de plus en plus difficile à ignorer.