Éléa rentra chez elle ce soir-là avec une sensation de vertige. La culpabilité l’assaillait à chaque pas qu’elle faisait pour s’éloigner du bureau. Elle aurait dû s'arrêter plus tôt. Elle aurait dû mettre un terme à cette situation bien avant que tout ne dégénère. Elle le savait au fond d’elle-même. Mais la vérité était implacable : elle ne pouvait nier cette attirance qui la liait à Alexandre, comme une force incontrôlable, irrésistible.
En fermant la porte de son appartement derrière elle, elle se laissa glisser contre le mur, le souffle court. Chaque seconde passée dans ce bureau hantait encore son esprit, et les sensations qu’elle avait éprouvées entre les bras d’Alexandre étaient gravées dans sa mémoire. Elle se passa une main sur le visage, sentant la chaleur de ses propres joues. Il fallait qu’elle reprenne le contrôle, qu’elle mette de la distance. Mais comment faire quand son corps et son cœur semblaient la trahir à chaque instant ?
D'un autre côté, Alexandre s’était effondré sur le canapé de son bureau après avoir raccroché le téléphone. Sophie ne se doutait de rien, bien sûr. Sa voix légère et insouciante avait résonné dans l’air, ignorant tout du chaos qui s’agitait en lui. Il regarda autour de lui, voyant les traces de ce qui s’était passé il y a quelques minutes. Le canapé, encore marqué par leur étreinte passionnée, et les documents éparpillés, oubliés au milieu de cette explosion d’émotions.
Il posa sa tête dans ses mains, les pensées tourbillonnant dans son esprit. Comment avait-il pu en arriver là ? Comment avait-il pu céder encore une fois à cette attraction qu'il avait promis de ne plus nourrir ? Il aimait Sophie, du moins c'est ce qu'il se répétait sans cesse. Pourtant, Éléa était entrée dans sa vie comme une tempête, bouleversant tout sur son passage, y compris ses certitudes.
Il était en train de tout détruire. Son mariage, sa carrière, sa propre image. Le pire, c'est qu'il le savait, et malgré tout, il n’avait pas réussi à s’arrêter. La simple pensée de Éléa réveillait en lui un désir qu’il n’avait jamais ressenti aussi intensément, même au début de sa relation avec Sophie.
Les jours qui suivirent furent marqués par un silence pesant entre Alexandre et Éléa. Ils évitaient tout contact, toute interaction. Éléa arrivait tôt au bureau et repartait dès que ses tâches étaient terminées, s’assurant de ne jamais croiser Alexandre. Quant à lui, il faisait de même, prétextant des réunions à l'extérieur, fuyant le moindre face-à-face.
Pourtant, même si cette distance semblait nécessaire, elle ne faisait qu’exacerber leur souffrance. Ils avaient beau essayer de tourner la page, d’oublier ce qui s’était passé, leurs pensées revenaient inévitablement à ce moment volé dans le bureau. Alexandre ne cessait de repenser à la manière dont Éléa l’avait touché, aux frissons qu’il avait ressenti en l’embrassant. Il tentait de se concentrer sur Sophie, sur leur vie ensemble, mais cette vie lui semblait soudain fade, vide de la passion qu’il avait ressentie avec Éléa.
Quant à Éléa, elle essayait de se convaincre que tout cela n’avait été qu’une erreur, un moment de faiblesse qu’elle devait oublier. Mais la réalité était bien différente. À chaque fois qu’elle fermait les yeux, elle voyait Alexandre. Ses gestes, son regard brûlant, la manière dont il la faisait se sentir vivante comme jamais auparavant. Cela la hantait jour et nuit, au point qu’elle commençait à douter de ses propres résolutions.
Elle savait qu’il fallait tourner la page. Mais comment le faire quand son cœur lui rappelait sans cesse qu’elle voulait tout sauf l’oublier ?
Un soir, après plusieurs jours de silence tendu, Éléa décida de sortir se changer les idées. Le bureau la rendait folle, et rester seule chez elle avec ses pensées était encore pire. Elle se dirigea vers un petit bar discret qu’elle aimait fréquenter, espérant y trouver un moment de calme, loin du tumulte de ses émotions.
Assise au comptoir, elle sirotait son verre de vin, perdue dans ses pensées, quand soudain, une silhouette familière entra dans le bar. Son cœur manqua un battement en reconnaissant Alexandre, seul, visiblement aussi perturbé qu’elle. Il s’arrêta net en la voyant, surpris de la trouver là. Leurs regards se croisèrent, et pendant un instant, le monde autour d’eux sembla s’effacer.
Éléa voulut détourner les yeux, mais c’était comme si quelque chose la retenait. Alexandre hésita, puis se dirigea vers elle, incapable de se détourner de cette rencontre imprévue.
— Je ne pensais pas te voir ici, dit-il doucement, s'asseyant à côté d’elle.
Éléa baissa les yeux, incapable de répondre. Elle sentait la tension revenir immédiatement entre eux, comme un fil invisible les attirant l’un vers l’autre.
— Je n’arrive pas à t’oublier, avoua soudain Alexandre, brisant le silence.
Ses mots la frappèrent en plein cœur. C’était exactement ce qu’elle ressentait, mais elle avait trop peur de l’admettre. Elle leva les yeux vers lui, et elle vit dans son regard la même confusion, la même lutte interne. Ils étaient tous deux piégés dans cette situation impossible, entre la culpabilité et le désir.
— Moi non plus, murmura-t-elle, à peine audible.
Ils restèrent silencieux un instant, leurs regards s’accrochant comme s’ils cherchaient des réponses l’un dans l’autre. La tension entre eux était insoutenable, palpable. Alexandre approcha doucement sa main de la sienne, hésitant, mais finalement, il se résigna à ne pas la toucher.
— On ne peut pas continuer comme ça, dit-il, sa voix empreinte de regret. Je ne peux pas faire ça à Sophie, et je sais que ce n’est pas ce que tu veux non plus.
Éléa hocha la tête, les larmes aux yeux. C’était la vérité, bien sûr. Mais cela ne rendait pas les choses plus faciles.
— Mais chaque fois que je te vois…, continua-t-il, son regard plongé dans le sien. Je me perds.
Ils savaient tous deux qu’ils étaient sur le point de franchir une autre limite, une limite qu’ils avaient déjà dépassée. Le poids des responsabilités et de la réalité les rattrapait, mais cette attraction, cette envie de céder à la tentation, ne faisait que grandir. Éléa sentit son cœur battre plus fort. Elle savait qu’elle devait partir, tout arrêter ici, mais ses pieds restaient immobiles.
La réalité s’imposa à eux avec une brutalité accablante. Ils devaient choisir, ici et maintenant, entre ce qu'ils voulaient et ce qu'ils savaient être juste. Et pourtant, la tentation était si forte, si irrésistible…
Mais cette fois, au lieu de se laisser emporter par leurs émotions, ils choisirent de se retirer, conscients que céder une fois de plus les détruirait tous les deux. Éléa se leva, son cœur lourd de regrets, mais avec une nouvelle résolution.
— Je dois partir, dit-elle, sa voix tremblante.
Alexandre acquiesça, le visage marqué par la même douleur.
Et ainsi, ils se séparèrent à nouveau, laissant derrière eux un silence empli de tout ce qu'ils ne pouvaient pas dire.