L'éveil du désir

1149 Words
La lumière du matin perçait à travers les immenses vitres de la tour Ravelis, baignant les bureaux modernes d'une lueur douce et dorée. Le silence de ce début de journée créait une atmosphère paisible, presque solennelle, un contraste frappant avec le rythme effréné qui allait bientôt animer les lieux. Eléa Valcen traversait le couloir, son pas assuré mais léger, une pile de dossiers sous le bras. Chaque jour, elle se plongeait dans son travail avec discipline, cherchant à se maintenir concentrée. Pourtant, elle ne pouvait s’empêcher de sentir une tension, à peine perceptible, chaque fois qu’elle se rapprochait du bureau d’Alexandre Ravelis, son patron. Elle s’arrêta devant la porte en verre légèrement teintée, prenant une profonde inspiration avant de frapper doucement. Alexandre lui avait demandé de venir avec des documents concernant un projet crucial. Elle savait que cette réunion ne serait pas différente des autres, mais il y avait quelque chose dans l’air ce matin-là, une étrange électricité. — Entrez, résonna la voix grave d’Alexandre à travers la porte. En entrant, Eléa le vit, debout, tourné vers la grande baie vitrée qui offrait une vue imprenable sur Paris. La ville semblait minuscule depuis cette hauteur. Alexandre, dans son costume parfaitement ajusté, avait cette prestance naturelle, ce charisme qui imposait le respect. Il ne bougea pas immédiatement, ses mains croisées dans le dos, ses yeux rivés sur la ville en contrebas. — Voici les documents que vous avez demandés, dit-elle doucement, posant les dossiers sur le bord du bureau. — Merci, répondit-il sans se retourner, sa voix calme mais empreinte d'une gravité que Eléa avait appris à connaître. Après un instant, il se tourna enfin vers elle, ses yeux perçants la fixant avec cette intensité qui la déstabilisait toujours. Un instant de silence s’installa entre eux, un de ces moments où le simple fait de se trouver dans la même pièce semblait chargé de quelque chose d’indéfinissable. Eléa se reprit, se forçant à maintenir son professionnalisme. Elle ne devait pas montrer le moindre signe de trouble, même si elle pouvait sentir son cœur battre plus fort à chaque seconde. — Les projections sont prêtes pour la réunion de cet après-midi, reprit-elle, brisant la tension. J’ai inclus toutes les modifications que vous avez suggérées hier. Alexandre hocha la tête, parcourant les premiers documents d’un regard rapide. Il semblait concentré, mais Eléa savait qu'il y avait autre chose. Il y avait toujours quelque chose dans la façon dont il l’observait, comme s’il cherchait à percer ses pensées, à comprendre ce qu'elle cachait derrière son calme apparent. — Bien. Vous faites un excellent travail, Eléa. Vraiment. C’était la première fois qu’il la complimentait de cette manière, et elle sentit une chaleur étrange envahir ses joues. Elle se força à sourire légèrement, tout en gardant ses mains posées contre sa jupe pour ne pas laisser transparaître son trouble. — Je fais de mon mieux, répondit-elle, la voix plus douce qu’elle ne l’aurait voulu. Le regard d’Alexandre resta fixé sur elle un moment de plus, et elle sentit ce poids invisible s’intensifier. Elle savait que ce n’était pas juste un compliment professionnel. Elle le sentait, comme une étincelle qui commençait à s’allumer entre eux, une flamme qu’ils s’efforçaient de contenir. Lorsque Eléa quitta le bureau, Alexandre resta immobile, les documents oubliés sur son bureau. Il soupira, se tournant à nouveau vers la fenêtre, mais cette fois, ses pensées étaient loin de la vue qui s’étendait sous ses yeux. Il ne parvenait plus à ignorer ce qui se passait en lui, ce sentiment qui grandissait chaque jour un peu plus. Eléa. Il aimait encore sa femme, Sophie, du moins il aimait ce qu’elle avait été pour lui. Mais leur relation était devenue une façade, un jeu d’apparences où chacun vivait pour soi. Sophie passait ses soirées à sortir, à dépenser sans compter, sans jamais se soucier de lui. Il ne pouvait pas lui en vouloir entièrement, mais il se sentait de plus en plus seul, prisonnier de ce mariage vide de sens. Et puis il y avait Eléa. Si différente de Sophie. Discrète, attentive, elle le comprenait sans qu’il ait besoin de parler. Mais ce n’était pas seulement cela. Il était attiré par elle, par cette aura de sérénité qu’elle dégageait. Chaque jour à ses côtés devenait une lutte intérieure. Comment pouvait-il ressentir cela pour une autre femme alors qu'il s'était juré de rester fidèle à Sophie ? Un léger coup à la porte le sortit de ses pensées. Eléa était de retour, avec un autre document. Leur regard se croisa une seconde fois, et cette fois, il fut plus long, plus intense. Alexandre sentit quelque chose céder en lui, une barrière qu’il avait érigée depuis des semaines. — Merci, dit-il en prenant le papier qu’elle lui tendait. Mais ses doigts effleurèrent ceux d’Eléa, et cette simple touche fit naître une tension presque palpable entre eux. Eléa retira sa main rapidement, mais son visage ne trahissait aucun signe de malaise. Alexandre la regarda partir une nouvelle fois, sentant cette étincelle qui grandissait malgré lui. Alors qu’elle regagnait son bureau, Eléa ne pouvait s’empêcher de repenser à ce moment, à cette chaleur qui s’était propagée dans tout son corps quand leurs mains s’étaient touchées. C’était une erreur. Elle le savait. Mais elle ne pouvait pas échapper à ces sentiments qui grandissaient en elle, malgré tous ses efforts pour les ignorer. Elle repensait à la première fois où elle avait remarqué Alexandre sous un autre jour. Ce n’était pas seulement son charisme ou son succès. C’était la vulnérabilité qu’il laissait parfois entrevoir, cette solitude cachée derrière ses yeux perçants. C’était cela qui l’avait attirée, plus que tout. Mais il était marié. Et elle n’était qu’une simple assistante. Elle ferma les yeux un instant, essayant de chasser ces pensées. Ce n’était qu’un instant de faiblesse, rien de plus. Demain, tout redeviendrait normal. Elle ferait son travail, comme d’habitude, et garderait ses distances. Mais quelque chose en elle savait que ce ne serait pas aussi simple. Le soir était tombé sur Paris. Les lumières de la ville brillaient à travers les fenêtres du bureau, reflétant une vie qui semblait lointaine, irréelle. Eléa rassembla ses affaires, son esprit encore perturbé par cette journée. Elle aurait dû partir depuis des heures, mais elle avait retardé son départ, espérant secrètement éviter un autre moment seul à seul avec Alexandre. Alors qu’elle descendait les escaliers pour quitter l’immeuble, elle s’arrêta un instant sur la dernière marche, regardant à travers les grandes fenêtres qui donnaient sur la ville. Le poids des émotions de la journée pesait lourdement sur elle. Elle savait qu’elle approchait d’une limite, une limite qu’elle ne devait pas franchir. Mais chaque jour, cette frontière semblait de plus en plus floue. "Demain sera différent", se dit-elle, essayant de se convaincre. Mais au fond d’elle-même, elle savait que cette pensée était un mensonge.
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