Je me souviens de cette nuit. J'étais assise à l'arrière de la voiture, du côté gauche, pendant qu'Alexandra se tenait à ma droite et Louise de l'autre côté.
Nous avions laissé Thomas et Candice venir dans un autre véhicule derrière nous. Je baissais alors la vitre, et le vent glacial qui entra par l'ouverture me fit respirer tout en profondeur. Je fermais ensuite les yeux et revoyais ta face, tandis qu'Alexandra était en train de m'appeler. Léna, Léna.
Ma voix n'arrivait point à sortir.
Tout ce que je voulais, c'était t'entendre. Je voulais connaître le son de ta voix. Je voulais connaître la musique qui joue au travers de tes cordes vocales. Je désirais savoir tes activités préférées, ton prénom, ton nom. Les choses de la vie qui te rendaient fou et celles qui arrivaient à t'endormir.
Un sentiment de liberté m'enveloppait alors que rien dans cette vie ne pouvait me faire croire que la liberté existait.
En fait, je me sentais comme un oiseau enfermé dans une cage à qui on avait finalement ouvert la serrure. Seulement pour qu'il constate plus tard qu'il était dans une prison encore plus grande. Oui, une maison dans laquelle les fenêtres et les portes étaient fermées. Il n'allait pas ainsi voir la nature, la verdure, le bleu des océans et la beauté infinie des roses gelées sous la neige.
Le taxi se gara devant chez moi et nous descendions tous pour monter dans mon appartement qui se trouvait au troisième étage. Nous entrions et jetions les sacs dans tous les sens.
Au moment où Thomas et Alexandra allaient dans ma chambre pour prendre le matelas, Candice, Louise et moi, jetions des coussins sur le sol. Au centre du salon, nous formions finalement un lit géant, qui était bloqué sur les côtés par les canapés. Chacun se jetait ainsi, bourré, alors que moi, je me sentais en apesanteur. Oui, en apesanteur.
J'avais l'impression que l'alcool me rendait légère. J'avais l'impression quand j'étais bourrée que j'arrivais à dissocier mon âme de mon corps. Je les sentais divisées. Elle, la chair, voulait toujours boire et encore plus. Elle désirait suivre mes amis, pendant que mon âme se sentait seule à chaque fois que je buvais. Au plus profond de moi-même, je savais que je détestais cela. Je m'allongeais ainsi, enveloppant mon corps dans le drap et le sommeil ne me prenait pas. C'est alors que j'ai laissé mes pensées aller à toi, en m'imaginant toute sorte d'histoires folles que j'aurais pu vivre à tes côtés. Je me mettais à rêver, jusqu'à ce que le sommeil me prenne finalement.
Ah que mon âme pouvait détester être enivrée. Pourtant, je n'arrivais pas à dire aux autres que je me sentais mal.
Je ne voulais pas être différente parce qu'il fallait que je me fonde dans la masse. Mais aujourd'hui, je me rends compte que la parole nous appelle à impacter, à être différent.
On a honte au moment où nous sommes blessés de montrer nos blessures, mais aujourd'hui encore, je me demande ce que Christ a ressenti justement lorsqu'il était blessé.
Oui, il a demandé au Père de nous pardonner lorsqu'il était sur la croix, mais que ressentait-il ? Avait-il honte de ses blessures, de nos blessures qu'il a portées sur lui ?
Peut-on être rempli de tant d'amour pour penser à son prochain, au lieu de penser à soi, alors que nous sommes même en train de mourir ?